13 novembre 2025

« Une autre histoire », l’agence Esoulan réinvente la rencontre littéraire à Nantes

Chaque dernier mardi du mois, le bar Yabba à Nantes devient un espace de rencontre et de parole partagée. Une autre histoire, imaginée par l’agence Esoulan et portée par Catel Tomo, invite un·e auteur·ice — comme la poétesse et slameuse Sarah Khilaji — pour un moment d’échange, de lecture et d’émotion. Ici, la littérature sort des cadres pour redevenir ce qu’elle a toujours été : une manière de se rencontrer et de se raconter.

« Une autre histoire », l’agence Esoulan réinvente la rencontre littéraire à Nantes

13 Nov 2025

Chaque dernier mardi du mois, le bar Yabba à Nantes devient un espace de rencontre et de parole partagée. Une autre histoire, imaginée par l’agence Esoulan et portée par Catel Tomo, invite un·e auteur·ice — comme la poétesse et slameuse Sarah Khilaji — pour un moment d’échange, de lecture et d’émotion. Ici, la littérature sort des cadres pour redevenir ce qu’elle a toujours été : une manière de se rencontrer et de se raconter.

« L’idée de cette rencontre, c’est de partir de l’humain. De connecter directement la création littéraire aux habitant.es, sans intermédiaires ». C’est aussi, explique Catel Tomo, faire en sorte que « les auteur·ices aillent directement converser avec les habitants et éventuellement, écrire des récits basés sur leur parole ».
Ce mardi 28 octobre, au Yabba, s’est tenue la deuxième rencontre « Une autre histoire » porté par Catel Tomo, fondateur de Esoulan, agence littéraire et sociale à Nantes. Le concept est simple, « c’est d’accompagner de jeunes auteurs et autrices, essentiellement d’Afrique et de quartiers populaires. De faire émerger une nouvelle génération d’auteur·ices, qu’on a peu l’habitude de lire et de voir dans la littérature francophone ».  En complément, l’agence imagine et organise des rencontres, des ateliers et des résidences en banlieue ou en milieu rural. Le but étant de créer des ponts entre les auteur·ices et la communauté locale.

Le besoin de créer du lien: « Une autre histoire »

L’objectif du format « Une autre histoire » est d’organiser des rencontres, chaque dernier mardi du mois au bar Yabba. L’idée, affirme Catel est « de partir d’abord de l’humain » pour aller vers le livre ou les écrits.  Un mélange de lectures, scène ouverte et discussions. À chaque rendez-vous, il y a un·e invité·e: un·e tragédien·ne, un·e dramaturge, un·e musicien·ne ou un·e auteur·trice. « Il y a un va et vient comme dans beaucoup de cultures » nous dit il.  « Cette tradition où on se met en cercle pour écouter des histoires et en raconter ». Il sourit avant de conclure: « C’est un principe vieux comme le monde« .

À la différence d’une scène ouverte classique, l’invité·e principal·e partage un texte et des anecdotes personnelles. Puis il y a un temps d’échange avec le public. Celui-ci peut à son tour lire ses propres écrits ou réagir à ce qui a résonné en lui. Le jeune fondateur explique qu’il s’agit, en premier lieu « d’inviter les gens simplement à l’écouter parler de son parcours » (celui de l’invité·e). Il ajoute « ce qui est chouette quand chacun s’exprime, c’est que ça peut potentiellement faire écho à des éléments de notre propre vie ». Un moyen de rendre la littérature plus proche et plus accessible, pour tous.

Un espace de parole privilégié

Au centre du cercle, l’invitée est la slameuse et autrice Sarah Khilaji. « C’est rare d’avoir accès à une écoute comme ça, à une parole et à un espace comme ça » nous confie-t-elle. Pour la jeune artiste, le slam et l’écriture ont été comme une évidence. Elle aime cet espace bienveillant où il y « accès à un temps de parole dans lequel on ne s’interrompt pas ». Ce qui l’attire dans ces rencontres, c’est qu’elle vient parler de sa vie et non pas de sa « pratique ou démarche artistique ». Cela permet au public de s’identifier à ses textes et à des fragments de son parcours. La slameuse revient aussi sur son rapport au slam: « à la base, c’est de la compétition de poésie. Je me suis rendu compte que c’était une écriture qui ne m’appartenait pas, dans laquelle je ne me reconnaissais pas ». Aujourd’hui, Sarah écrit pour les bonnes raisons. Celles du partage, de l’émotion et surtout de l’engagement face aux causes qui lui tiennent à coeur.

Sarah Khilaji partage un de ses poèmes au bar Yabba, le 28 octobre 2025. © Zineb Benkhider

Une soirée, des échos

Ce soir là, une dixaine de personnes ont prit place au Yabba. La plupart ne sachant pas vraiment à quoi s’attendre. Iels sont surtout curieux·ses de découvrir. Catel espère « que ça donne envie aux gens d’aller découvrir les invité·es autrement. Par leurs écrits ou par leur musique ». Pourquoi pas écrire leurs propres histoires. « L’essentiel, dit-il, c’est surtout que les gens repartent avec quelque chose qui peut leur faire du bien ». Il compare ce moment à « une conversation qui suffit à faire ta journée et où on a pas besoin de plus ». Séverine, présente ce jour-là, s’attendait à « une lecture, éventuellement une ouverture, un papotage derrière, mais pas à une ouverture aussi forte ». Vincent y a surtout ressenti de la sensibilité. Pour lui ça a « un peu été le fil conducteur de la soirée » et c’est ce qu’il « essaye d’alimenter » dans son quotidien. Shirleen, qui connaissait déjà Catel via l’association « Appelle-moi poésie » à Nantes, a été touchée par la proximité des échanges. « On a très peu de sorties culturelles comme ça. Ici, on a vraiment la voix, l’écoute et l’intimité nécessaires pour se confier aux autres, même sans les connaître », conclue-t-elle.

 

Habitante qui partage un de ses textes. En terrasse, devant le bar Yabba, le 28 octobre 2025 © Zineb Benkhider

« Une autre histoire » remet la parole au centre. Celle qui se dit simplement, qui se vit à hauteur d’humain. Esoulan réinvente la littérature comme un espace commun, où les récits se mêlent aux voix, et où l’écoute devient, à sa manière, un acte de création.

Infos utiles :

Prochain invité: le chanteur et musicien Simon Nwambeben au bar Yabba, mardi 25 Novembre 2025

Prochaines rencontres Une autre histoire sur le site d’Esoulan et post Instagram esoulan.agence 

À 34 ans, Zineb entame un nouveau chapitre de sa vie en rejoignant le média nantais Fragil comme rédactrice bénévole. Issue du domaine de l’enseignement, elle voit dans le journalisme une autre façon de transmettre et de développer de nouvelles compétences.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017