29 juillet 2021

Un recueil pour témoigner des expériences de confinement à Rezé

En juillet 2020, Anne Johnson et Isabelle Louineau ont publié un recueil regroupant les témoignages des habitants et habitantes de Rezé à propos du confinement de mars 2020, puis du déconfinement.

Un recueil pour témoigner des expériences de confinement à Rezé

29 Juil 2021

En juillet 2020, Anne Johnson et Isabelle Louineau ont publié un recueil regroupant les témoignages des habitants et habitantes de Rezé à propos du confinement de mars 2020, puis du déconfinement.

Comment l’expérience de confinement a-t-elle bouleversé le quotidien des Rezéens et des Rezéennes ? C’est pour répondre à cette question qu’Anne Johnson, professionnelle de la participation citoyenne, et Isabelle Louineau, environnementaliste, sont allées à leur rencontre. Ces interviews ont donné naissance à un recueil consultable en ligne

Ce livre rassemble, par des citations et des photographies, les témoignages de 34 habitants et habitantes de Rezé, âgés de 6 à 92 ans. Anne et Isabelle les ont interrogés à propos des impacts des restrictions sanitaires sur leur vie quotidienne et leur ressenti. Plusieurs thèmes sont abordés : la famille, la vie sociale, la vie économique et professionnelle, la vie des jeunes… La diversité des parcours reflète les différences de manières de vivre cette période si particulière, ce “choc”. 

Ecrire un livre : un besoin de retranscrire cette période si spéciale

Anne et Isabelle ont eu l’idée d’aller interviewer les Rezéens et Rezéennes à la fin du premier confinement, en mai 2020. Elles expliquent à Fragil la naissance de leur projet : “Pendant le confinement, aucune de nous deux n’a pu travailler, le cœur de notre métier reposant sur la participation citoyenne. Discuter avec des gens était donc une envie viscérale au bout de deux mois d’enfermement. Nous avons également eu le sentiment que, pendant le confinement, la participation citoyenne a été mise en danger et que les décideurs en profitaient pour faire passer des projets controversés. Il y avait donc un risque de taire la parole citoyenne. Ce livre est aussi un moyen de lutter à notre hauteur contre cette dérive en allant à la rencontre des gens pour les questionner.”

Le recueil ne se veut pas être un récit mais plutôt un témoignage du moment vécu. En effet, elles disent ne pas être “communicantes” mais avoir voulu “laisser une trace avec le support qui [leur] a paru le plus accessible : le livre”. Elles poursuivent : “Nous avons voulu valoriser la parole de ceux que nous avons rencontré pour leur faire un retour. Ce projet était à la fois personnel et professionnel donc avoir un support facilite sa présentation.” Ce choix a donc été une évidence pour Anne et Isabelle.

Une démarche qui ne se veut pas sociologique

Les autrices ne mettent pas en avant de portée sociologique à leur recueil. En effet, les personnes rencontrées l’ont été par hasard, dans la rue ou dans des parcs. Peu de personnes ont refusé de parler de leurs expériences, la majorité a mis du temps à se livrer : selon Isabelle, ces interviews ont permis de “libérer la parole” autour d’un traumatisme vécu collectivement : “cela a été salvateur pour beaucoup”. 

De plus, la diversité des expériences racontées reflète bien la pluralité sociale de Rezé. Les témoignages de Louna, 6 ans, et de Manuela, auto-entrepreneuse, se mélangent à ceux de Michel, enseignant, ou encore de Yoann, détenu en mars 2020 à la Maison d’Arrêt.

Selon les autrices, parler de ce que les gens ont ressenti pendant le confinement a aussi un but psychologique : “Choisir ce qu’on raconte permet de réécrire l’histoire et de réparer un traumatisme. L’idée de résilience nous parlait.”

Des bouleversements liés aux contraintes sanitaires

Chaque participant et participante a pu mettre l’accent sur ce qu’il l’avait le plus marqué pendant le confinement et le déconfinement. Ce qui revient en priorité est évidemment le manque de lien social, de relations interpersonnelles. La solitude est évoquée comme une souffrance par certaines personnes, comme Anne (93 ans), mais aussi comme un répit dans une vie effrénée. Le retour à la nature et au calme ont été des exutoires face au stress d’être malade. Moins de voitures, d’avions : Bao, gérant du bureau de tabac de la place du 8-Mai, évoque un “bien pour la planète”.

Le développement des outils numériques, notamment par l’essor du télétravail, a questionné beaucoup de Rezéens et Rezéennes. Des lycéens ont expliqué avoir eu du mal à suivre les cours à distance à cause d’une connexion Internet limitée.

Exemple de témoignage d’une personne qui s’interroge sur les nouvelles habitudes liées au distanciel

Un autre thème que les interviews abordent concerne le “monde d’après”, le déconfinement et les espoirs qu’il fait naître. Que ce soit par une vie plus saine (sport, alimentation…) ou davantage tournée vers les autres, un besoin d’écologie et de mesures sociales se font ressentir. Mais, à la lecture de ces témoignages, difficile de mesurer le degré de motivation et d’impact à long terme de ces espoirs formulés pendant le premier confinement.

Isabelle explique : “On a senti un espoir naissant, une envie que le monde change. Nous avons été étonnées que, quelque soit les situations, les gens aient vécu ce confinement comme un moment de répit pour se concentrer sur soi-même et ils ont quasiment tous eu une réflexion sur l’après.”

Exemples de témoignages : les Rezéens et Rezéennes sont nombreux/ses à espérer un monde meilleur

Une diffusion limitée du recueil

Anne Johnson et Isabelle Louineau regrettent cependant que leur livre n’ait pas été plus relayé. Il n’a pas été imprimé et n’a pas fait l’objet d’une communication très active. Une frise collective devait voir le jour mais les discussions avec des élus de la ville de Rezé n’ont pas pu aboutir à cause du second confinement. Faute de financement, le projet n’a pas pu prendre plus d’ampleur et les lecteurs n’ont pas fait de retours aux autrices.

“Un café-rencontre suivi d’un débat devait avoir lieu dans un café mais a dû être annulé à cause du second confinement. Tous les projets ont donc été stoppés. Il y a quand même eu un article dans Rezé Magazine.”

Tournées vers l’avenir, Anne et Isabelle concluent cependant sur une note positive : “Au-delà du contenu, c’est plus la méthode de travail que nous souhaiterions voir réutilisée. Nous avons récemment rencontré le département de Loire-Atlantique pour présenter le travail.”

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Zoé, Nantaise depuis toujours, étudiante et en vadrouille en Europe ;)

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017