15 juin 2018

Le vent qui fait mouche

Nachlass propose d'écouter des témoignages d'individus sur leurs relations à la mort dans une circulation traversant huit pièces et, entre elles, un sas.

Le vent qui fait mouche

15 Juin 2018

Nachlass propose d'écouter des témoignages d'individus sur leurs relations à la mort dans une circulation traversant huit pièces et, entre elles, un sas.

Nachlass, pièce sans personne du collectif berlinois Rimini Protokoll.

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Samuel Rubio

D’abord le spectateur monte sur scène pour se diriger dans une structure close où il voit des portes (huit) qui s’ouvrent et se ferment suivant huit comptes à rebours tous différents (placés au dessus de chaque porte). Dans chaque pièce des voix singulières se racontent, et dans le sas commun, quelqu’un est là, un.e hôte.sse.
En entrant dans ce dispositif (petits cubes dans un grand cube) j’ai placé toute mon attention sur la mise à distance de la mort (le point de départ de la démarche artistique). J’ai écouté des voix, seules ou en couples, qui me et nous parlent (par des hauts-parleurs) de comment elles pensent et vivent l’approche de la mort. Un prétexte universel à la conversation. Nous entendons des timbres de voix, des âges estimés, des photos, vidéos « mettant » des visages sur les voix, des pensées et réflexions, des conversations téléphoniques, des essais scientifiques, des anecdotes, et différents adieux ; peut-être tous les rêves de partage de chacune des voix que l’on écoute. La scénographie reste épurée voire minimaliste. Nachlass est un grand dispositif avec beaucoup de moyens, ou tout repose sur l’attitude des spectateurs, leurs pouvoirs d’actions et non-action et leurs réceptions à la pièce de théâtre.

Est-ce que Nachlass peut évoluer et/ou se modifier ? Les moyens techniques déployés peuvent-il remplacer les acteurs ? Qu’attendons-nous du théâtre d’aujourd’hui ? Quelles sont nos exigences (car je crois que nous avons des attentes qu’il faut entendre) ? Théoriquement c’est une pièce de théâtre et non une performance ou une installation artistique car tout est réglé par des minuteurs (le temps) situés au dessus de chaque porte qui dirigent les spectateurs. Mais la frontière est mince, Nachlass est autonome, elle est mécanique, et elle n’a pas besoin de nous (spectateurs) pour « vivre », si c’est bien de ça dont il s’agit.
Nous entendons, à mon sens, les rêves de partage des voix, comme si finalement, leurs volontés (aux voix) seraient de nous parler physiquement.
Peut-être ai-je senti, ou plutôt entendu, un regret d’absence (venant sans doute de ma part). Qu’est-ce qu’être intime ? Ici, le verbe montre une direction qui se voudrait chercher une compagnie, un laisser-aller à un autre, l’inconnu du wagon.

Le sens d’un message ne serait-il pas de percevoir l’haleine de l’émetteur ? La sensation de sentir la voix au plus proche de nous ; le vent selon A.Tchekhov.
De mon point de vue, c’est la prise de conscience des comédiens, de leurs impacts sur les spectateurs qui fait évoluer le jeu et donc fait évoluer la pièce. L’enregistrement d’une voix, fixe les émotions et ne les fait pas se remettre en cause. En quelque sorte une voix enregistrée est déjà morte, et c’est là bien dommage. Même si le dispositif reste impressionnant, l’enjeu de la vie parlant de la mort est, comme je l’ai dit, un simple prétexte (suffisant je veux dire) à créer de la vie. En aimant le théâtre, quelque part, j’admets la philosophie qu’il faudrait se poser sur la vivance des choses comme le dit Stéphane Bouquet (poète contemporain). Se laisser, humains, se déplacer à notre guise dans nos mondes et nous entretenir pour se dire ce que ça nous apporte de vivre, et accepter nos humeurs changeant en fonction de la météo.

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Samuel Rubio

Expression & Médias : Fragil à l'université

Switch Session : dialogue rétabli entre jeunes et élu·e·s ?

C'est un exercice pour chercher à mieux me connaître, n'en doutez pas, ce que je propose m'est plus destiné, mais le jour où vous souhaitez que l'on dîne ensemble, j'aurais réussi mon pari.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017