• Festival Variations - Nadia Ratsimandresy (avril 2023)
26 septembre 2023

Variations 2023, un festival nantais qui se décline en expériences uniques

Le festival Variations qui s’est déroulé du 28 mars au 9 avril 2023 est l'un des grands temps forts proposés par le Lieu Unique à Nantes. Tous les ans, il promeut la richesse créative du clavier dans le domaine des musiques classiques, jazz, électroniques, expérimentales, improvisées ou traditionnelles. Cette année encore, le Lieu Unique a proposé une programmation éclectique, disséminée dans un éventail de lieux culturels nantais.

Variations 2023, un festival nantais qui se décline en expériences uniques

26 Sep 2023

Le festival Variations qui s’est déroulé du 28 mars au 9 avril 2023 est l'un des grands temps forts proposés par le Lieu Unique à Nantes. Tous les ans, il promeut la richesse créative du clavier dans le domaine des musiques classiques, jazz, électroniques, expérimentales, improvisées ou traditionnelles. Cette année encore, le Lieu Unique a proposé une programmation éclectique, disséminée dans un éventail de lieux culturels nantais.

Le festival Variations met à l’honneur des grands noms de la musique contemporaine, du jazz ou de la musique actuelle ; mais c’est aussi l’endroit pour des expérimentations et de nouvelles esthétiques. Ainsi des artistes de renommée internationale côtoient des musiciens et musiciennes parfois plus confidentielles. Le festival met ainsi sous le feu des projecteurs des projets et des artistes de qualité dont la notoriété dans le milieu musical est parfois plus importante que la popularité auprès du grand public. Mais pour l’auditoire qui franchit le pas, de belles surprises sont au rendez-vous.

L’ascension de la tour LU pour des concerts en tête-à-tête

Quelques chanceux et chanceuses ont eu l’opportunité de se retrouver seul·es face à un musicien ou une musicienne. Pour obtenir le sésame de cette formule originale : il suffisait de réserver une semaine avant l’événement. La rencontre avait lieu au sommet de la tour LU, avec une vue imprenable sur la ville, après avoir monté les 150 marches.

Nadia Ratsimandresy jouant des ondes Martenot - Festival Variations 2023

Nadia Ratsimandresy jouant des ondes Martenot – Lieu Unique – Festival Variations 2023

Surprise au sommet avec la compositrice et ondiste, Nadia Ratsimandresy

À peine rentrée dans la tour, les escaliers entrent en vibration avec la musique. L’effet musical est surprenant : l’impression de claquement de fouets amplifiés par la résonance du métal de la structure. Le spectateur précédent est sorti équipé de bouchon d’oreille. Le son sera-t-il trop fort ?
Arrivée sur la première plateforme du dôme, pas de musicienne en vue à ce niveau. En levant la tête, je vois la mince silhouette de l’ondiste, habillée de noir de la tête aux pieds en haut du gyrorama (la drôle de plateforme qui tourne sur elle-même en activant une manivelle). Je ne peux voir son visage car il est enfoui sous une grande et large capuche. Nadia Ratsimandresy joue sur des ondes Martenot, l’un des plus anciens instruments de musique électronique conçus au début du 20ème siècle. Je grimpe la flopée de marches pour me rapprocher de l’artiste, mais une barrière à moitié fermée semble maintenir une distance supplémentaire entre nous. La musique est inhabituelle, elle n’en reste pas moins belle et fascinante.
Au bout d’une dizaine de minutes, l’ondiste relève sa manche et je vois un message sur le bras droit qu’elle vient de découvrir et j’y lis le mot « Approchez ». Je franchis donc la barrière. Toujours sans parler, elle m’invite à me mettre devant son instrument. J’y découvre un tiroir à gauche avec des onglets, un clavier et un ruban tendu en façade muni d’une bague. Elle me fait saisir la bague et me montre comment cela modifie le son, elle appuie sur les touches du tiroir et cela me donne une idée des rudiments techniques de l’instrument. Et à ma grande surprise, je participe au concert !

Yann Gourdon, artiste virtuose de la vielle à roue

Le lendemain, au même endroit, dès l’ouverture de la porte au pied de l’escalier, on est saisi par une acoustique joyeusement entraînante qui investit la tour. L’envie est grande de découvrir sa source. Deux minutes de montée grisante et me voilà arrivée tout en haut de la plateforme, le musicien Yann Gourdon, tout de noir vêtu est assis sur une chaise jaune.

Festival Variations - Yann Gourdon à la vielle

Yann Gourdon penché sur sa vielle à roue en haut de la tour LU à Nantes

La tête penchée sur son instrument, il est en train de jouer et semble ailleurs. Sa vielle à roue est électrique, il n’a pas besoin de tourner la manivelle pendant le set pour générer du son. Ses mains s’animent avec dextérité sur les touches et la table d’harmonie. Un son continu mêlant bourdons, mélodies et rythmes de transe pénètre toutes les fibres de mon corps. Et pendant vingt minutes, mes oreilles savourent l’ineffable plaisir d’être absorbée par la densité des vibrations. L’agente d’accueil arrive pour laisser la place au spectateur suivant. Je regrette de ne pouvoir prolonger ce moment qui semblait suspendu. Je redescends ravie de ces 20 minutes intenses à l’écoute de ces drôles de drones.

Autre lieu, autre révélation

Pianoise au festival Variations - Ateliers de Bitche

Pianoise au festival Variations – Ateliers de Bitche

Pianoise, 6 pianos pour découvrir le bruit blanc

Direction les Ateliers de Bitche. Au programme une co-production avec le Pannonica qui propose l’écoute de six pianistes : Sophie Agnel, Félicie Bazelaire, Claudine Simon, Barbara Dang, Betty Houette et Arnaud Le Mindu. Iels jouent sur des pianos droits accordés différemment.
Un doigté qui produit dans un premier temps une petite vague sur le clavier. Puis chaque musicien·ne va contribuer avec quelques doigts qui appuient sur les touches plus intensément, puis avec insistance avec le poing ou même le bras entier. Et très vite, il semblerait que ce soient les 1400 cordes des pianos qui vibrent pour s’unir dans un bruit turbulent et toutefois non violent.
Les pianistes continuent à frapper les touches. Le son est puissant, nul besoin d’amplification. Très surprenant, le concert est tel un voyage propice à suggérer des paysages dans l’atmosphère tamisée bleutée de la salle. Se mêlent aussi bien visions de forêt tropicale dense avec le bourdonnement incessant des insectes qu’associations de scènes de films fantastiques. On imaginerait bien des œuvres de Andrei Tarkovsky ou de David Lynch accompagnées par une telle partition. Et les pianistes continuent à frapper sur les claviers avec intensité, presque acharnement pour un son toujours plus dru et des harmonies toujours plus propices à un lâcher-prise.
Enfin les poings, les palmes ou doigts s’apaisent sur les claviers et le son semble atténué et calme.
C’est la fin du concert et le crépitement des premiers applaudissements sort définitivement l’auditoire de ce moment de transe.

Festival Variations 2023 - carte des rendez-vous

Le secret de ces moments uniques

Du 28 mars au 9 avril 2023, lors de la 7ème édition du festival Variations, se sont ainsi succédé une quarantaine de propositions artistiques locales, nationales et internationales axées autour du piano et du clavier, mais bien différentes les unes des autres.
Pour découvrir le secret de ces moments uniques, Fragil a rencontré Pierre Templé, le programmateur musique du Lieu Unique, le protagoniste de ces propositions musicales. Il explique qu’il a pris la suite de Cyril Jollard, le précédent « programmateur qui a pensé ce festival et l’a co-créé avec la Fondation Paribas ». Il y avait déjà à l’origine « la volonté de représenter déjà toutes les esthétiques : chanson, pop, du jazz, musique baroque… » . Dès les premières éditions, Pierre Templé avait participé et proposé des idées en tant qu’agent artistique, et directeur de production. Avec l’arrivée d’Eli Commins à la direction du Lieu Unique, il y a eu « l’envie de renouveler le bouleversement de la forme de la rencontre entre un artiste -une proposition artistique- et puis un spectateur ». C’est ainsi qu’ils travaillent ensemble à des propositions inédites. En plus des salles de concert habituelles, le public a pu profiter de cadres d’écoute différents : seul face à un artiste en haut de la tour LU, en déambulation autour des musicien·nes aux salons Mauduit, en mouvement sur la rivière lors d’une croisière sur l’Erdre ou bien à l’inverse immobile et quasi en recueillement à la Chapelle de l’Immaculée.
Pierre précise que « Le pari d’Eli (Commins), c’est vraiment de casser tous les a priori que peuvent avoir les gens face à la culture contemporaine. »
Et ça fonctionne, le public est au rendez-vous. Les musicien·nes aussi font preuve de curiosité et vont assister aux autres concerts du festival.
Et Pierre Templé de confirmer : « c’est vraiment l’idée du festival d’avoir ce croisement entre les générations : toujours les figures tutélaires, les grandes figures de la musique que ce soit Steve Reich, Philip Glass, Laurie Anderson et puis toute cette jeune génération qui, à la fois, suit leurs préceptes, tout en s’écartant et en prenant leur propre chemin ».
Un festival dédié aux claviers ouvert à tous les styles musicaux qui renouvelle les formats avec des propositions variées pour toutes les oreilles où tous les âges se croisent, ça semble bien être là les clés de la réussite du festival Variations.

En attendant la prochaine édition 2024, la programmation de la nouvelle saison du Lieu Unique est à découvrir ici.

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Un jeu de cartes pour décrypter le sexisme dans les médias

Nantaise de cœur, Caroline sillonne la ville entre concerts et spectacles. Ses autres domaines de prédilection : l'art contemporain, les arts graphiques et le cinéma ! Elle partage avec plaisir ses coups de cœur culturels.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017