11 janvier 2019

« J’aimerais être libérée du genre »

Pourquoi la question du sexe et du genre est-elle primordiale ? Je suis de sexe féminin et lesbienne et je me sens ni fille ni garçon. Je n’ai pas envie de ressembler à une fille ou à un garçon, cela ne veut rien dire pour moi. Parfois je mets une robe pour aller en soirée, je ne me sens pas féminine pour autant ! J’aime me couper les cheveux mais je ne cherche pas à montrer un signe masculin. Je suis juste une personne qui veut se comporter comme elle veut, avoir l'apparence qu'elle veut sans avoir une étiquette collée sur le front.

« J’aimerais être libérée du genre »

11 Jan 2019

Pourquoi la question du sexe et du genre est-elle primordiale ? Je suis de sexe féminin et lesbienne et je me sens ni fille ni garçon. Je n’ai pas envie de ressembler à une fille ou à un garçon, cela ne veut rien dire pour moi. Parfois je mets une robe pour aller en soirée, je ne me sens pas féminine pour autant ! J’aime me couper les cheveux mais je ne cherche pas à montrer un signe masculin. Je suis juste une personne qui veut se comporter comme elle veut, avoir l'apparence qu'elle veut sans avoir une étiquette collée sur le front.

Le genre c’est les caractéristiques que l’on attache au féminin et au masculin. Actuellement, on dénonce de plus en plus les stéréotypes de genre qui nous accompagnent dès notre naissance jusqu’à l’âge adulte. Qu’on naisse garçon ou bien fille, nous ne sommes pas traités de la même manière. Notre genre détermine nos vies. Bien que notre société soit de plus en plus libre avec le genre jusqu’à reconnaître, pour certains pays, un sexe neutre ou un troisième sexe, pourquoi ne pas aller plus loin ?

La fin des étiquettes

En 1990, Judith Butler publie un essai novateur, “Trouble dans le genre”. Selon la théoricienne, il n’existerait aucun lien entre l’appartenance physiologique et les rôles dans la société. Par exemple dire que les femmes sont en moyenne moins fortes physiquement et doivent se cantonner à des rôles « féminins », et que les hommes ne portent pas d’enfant et donc ne savent pas s’en occuper…. seraient des préjugés issus d’une construction sociale liée à nos apparences physiques d’hommes et de femmes. On a attaché à des différences biologiques des différences d’ordre social et, en même temps, une hiérarchisation du féminin et du masculin, dit-elle. En conséquence, le genre dicte de A à Z la vie des individus. Ils les enferment et les limitent dans leurs opportunités, créant des discriminations.

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Trouble dans le genre

Judith Butler défend une infinité de choix possibles. Elle porte la philosophie queer puisqu’elle dénonce l’hétéro normativité et souhaite une sexualité plus libre. Le queer est un terme regroupant les identités sexuelles et de genres non-conventionnelles, c’est à dire toutes personnes refusant l’hétéro normativité et les étiquettes.

Je suis déjà sortie avec des hommes et je me suis sentie enfermée dans des stéréotypes de genre. Mon expérience de l’homosexualité et de la bisexualité a été un moyen de me libérer de ces stéréotypes. Par exemple, je n’étais plus celle qui devait faire tout le temps le ménage et la cuisine, porter des talons inconfortables et me maquiller pour plaire. J’ai goûté à la liberté de ne pas être rangée dans une case et d’être une personne à part entière.

Qui fait l’homme ? Qui fait la femme ?

Pourtant, la vision de l’homosexualité repose sur un modèle hétérosexuel. « Qui fait l’homme ? Qui fait la femme ?’ est la question posée sans cesse à propos des couples homosexuels. Dans un couple lesbien, il y aurait une femme, la “fame” et un homme, la “butch”.

La “fame” serait une femme homosexuelle qui auraient des caractéristiques dites “féminines” : l’habillement, les accessoires, la douceur etc. La “butch” serait au contraire une femme “camionneuse” qui se comporterait de façon plus masculine. De plus, elles n’auraient pas les mêmes droits. La «butch» pourrait se comporter de façon machiste, avoir plusieurs partenaires et «la fame» serait fidèle et romantique. Ce sont bien souvent des préjugés. Le modèle hétérosexuel n’est pas la référence incontournable ! Une femme qui a les cheveux courts et s’habille de façon confortable reste une femme. Une lesbienne d’apparence“butch” ne cherche pas forcément à ressembler un homme et à se comporter de façon machiste !

Notre personnalité n’a rien à voir avec notre sexe

Nous sommes tous des personnes complexes. Nous avons une personnalité qui nous est propre et qui n’a rien à voir avec notre sexe. Notre sexe est simplement un organe reproductif .

Dans son film Guillaume et les garçons à table ! . Guillaume Gallienne retrace son enfance et son parcours jusqu’à l’âge adulte. Parce qu’il se déguise en femme, qu’il joue à la princesse et qu’il se montre sensible, toute sa famille a décidé à sa place qu’il était homosexuel. De plus, sa mère le persuade qu’il est une fille dans un corps de garçon. Ces jugements enferment Guillaume jusqu’à ce que lui-même doute de son identité sexuelle et de son orientation. Après maintes et maintes thérapies et expériences, Guillaume tombe finalement amoureux d’une femme et se découvre en homme et hétérosexuel. Guillaume a souffert toute sa vie des stéréotypes de genre qu’ils soient normés ou subversifs.

Banaliser les différences

Notre société se pose davantage la question du genre. Des études et des travaux sur ce sujet existent. Malgré tout, nous genrons sans arrêt en utilisant des expressions du type “ un garçon efféminé” pour décrire un homme qui fait preuve de sensibilité, “un garçon manqué” quand une fille est sportive etc…. Tous les jours, nous baignons dans un univers genré où l’on tolère le “garçon efféminé” et “le garçon manqué” en pensant faire avancer les choses. Comme si notre seul choix possible était d’être féminin ou masculin qu’on soit homme ou femme. Ne pourrait-on pas tout simplement ne plus utiliser ces expressions ?

L’artiste Christine and The Queens questionne la société en brouillant les pistes sur son identité sexuelle, elle se veut indéfinissable.
« Je ne sais toujours pas qui je suis mais je ne m’en soucie plus et c’est la différence. Je ne compte pas vous rendre la tâche plus facile avec des définitions qui inciteraient à la paresse. Je compte vous enrager à coups d’hésitations » dit-elle lors d’une interview pour la revue Égoïste.

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www.christineandthequeens.com/autoportrait

Christine and the queens

Éduquer sans orienter

Lutter contre les idées reçues passent pas l’éducation. Certains parents donnent le choix aux enfants d’être qui ils veulent.

« Ma mère me donnait des vêtements et jouets neutres. Elle ne voulait pas m’éduquer comme une fille. Quand j’ai pu choisir moi-même mes vêtements, je suis allée au rayon garçon car je les trouvais beaucoup plus confortables. J’ai fait du judo, et de l’escalade pendant des années sans pour autant me sentir garçon. .J’ai eu une éducation féministe dans le sens où je n’avais pas les injonctions : être une princesse passive, peureuse, qui ne peut pas se débrouiller seule… J’ai néanmoins quelques désaccords avec ma mère. Par exemple, je pense qu’une femme n’a pas besoin de s’épiler les jambes alors que pour ma mère c’est sale. Les gens restent marqués de façon plus ou moins inconsciente par les stéréotypes de genre.» témoigne Elisa 25 ans

Une histoire de genre

Dans certaines écoles, les enfants sont sensibilisés aux stéréotypes de genre pour mieux les combattre. De nouveaux outils pour promouvoir l’égalité entre les filles et les garçons existent et sont utilisés tel que le jeu interactif « une histoire de genre ».

Une histoire de genre est un récit interactif qui traite des stéréotypes de genre et de la discrimination. Il nous informe sur la manière dont tout cela affecte négativement les choix des filles ainsi que ceux des garçons, en termes d’éducation et de carrière professionnelle.

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http://www.agenderstory.eu/

agenderstory.eu

Sources

L’encyclopédie critique du genre, Julienne Rennes, La Découverte
Trouble dans le genre, Judith Butler, La Découverte
Les excès du genre, Geneviève Fraisse, Editions Lignes

Le Père Noël était en bleu

19 janvier : Orelsan au Warehouse

Jeune auteure de 23 ans, j'ai publié trois livres aux éditions Fabert : Et il me dit : "Pourquoi tu rigoles jamais Blanche ?", un récit-témoignage sur le harcèlement scolaire, "Chair et âme" qui traite d'hypersexualisation de la société, et "Luciole", une histoire d'amour entre deux adolescents. J'écris sur mes propres expériences et aborde dans mes livres les problèmes de société qui touchent les jeunes d'aujourd'hui. Je fais également des interventions sur les thèmes de l'hypersexualisation, du consentement sexuel etc

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017