2 décembre 2017

Le Grand T : un théâtre de service public engagé

À l’occasion de l’ouverture de son nouvel espace billetterie le 10 octobre dernier, Le Grand T présentait ce 27 novembre son action en matière de responsabilité sociétale et environnementale. Ou comment un théâtre peut prendre part à la transition d’un monde en mutation.

Le Grand T : un théâtre de service public engagé

02 Déc 2017

À l’occasion de l’ouverture de son nouvel espace billetterie le 10 octobre dernier, Le Grand T présentait ce 27 novembre son action en matière de responsabilité sociétale et environnementale. Ou comment un théâtre peut prendre part à la transition d’un monde en mutation.

Historiquement, la billetterie du Grand T se situait dans le Passage Pommeraye : 250 m² de bureaux en centre ville certes, mais sur quatre niveaux, vétustes et sans lumière du jour.
« L’existant n’était plus satisfaisant », indique Catherine Touchefeu, présidente de l’EPCC Le Grand T (établissement public de coopération culturelle) et première vice-présidente du département Loire-Atlantique. « Les locaux du Passage Pommeraye étaient devenus trop exigus aussi bien pour le public que pour le personnel, qui se trouvait isolé par rapport aux autres salariés du théâtre ; il était de notre responsabilité d’intervenir sur leurs conditions de travail. D’autre part, les habitudes du public ont changé : entre les abonnements numériques et les moyens de transport développés qui rendent Le Grand T aujourd’hui plus proche du centre de Nantes, ce point obligé en centre ville n’avait plus de raison d’être. Enfin, notre bail Passage Pommeraye touchait à sa fin, il nous fallait donc prendre une décision ».

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Tous-Terriens_0616-©-Frank-Berglund-127©Le-Grand-T
Festival Tous Terriens

Frank Berglund

Cette décision a trouvé son inspiration dans le festival Tous Terriens, organisé au Grand T en juin 2016, qui avait alors incité toute l’équipe à se questionner sur les notions de gaspillage, de réemploi de matériaux, et à expérimenter des pratiques de travail plus coopératives.
Le scénographe du festival, Yohann Olivier, avait conçu pour l’occasion un village collaboratif fait de plastiques et de bois récupérés. C’est lui qui s’est vu confier le pilotage du chantier de la nouvelle billetterie, en collaboration avec l’agence d’architecture DG2A, avec en tête l’envie de donner à voir le jardin et de réinventer la notion d’accueil.

Trois principes : écologie des pratiques, écologie sociale et écologie du bâtiment

La construction de la nouvelle billetterie a soulevé de nombreuses interrogations : durée de vie du bâtiment, impact au sol à limiter et réemploi des matériaux. Ainsi, les matières brutes et biosourcées (comme le bois) ont été utilisées autant que possible, le bâtiment a été construit sur pilotis (sans fondation donc sans impact au sol et déplaçable), pour une conception en deux « boîtes » de trois modules s’intégrant dans l’environnement du théâtre.

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DSCF6606©Le-Grand-T
La nouvelle billetterie du Grand T

Le Grand T

Quant au réemploi des matériaux, les plus observateurs reconnaîtront au plafond les poutres qui viennent de l’ancienne caserne Mellinet, ou encore le plancher qui provient d’un ancien décor de Christophe Honoré construit au Grand T.
« La question du réemploi a coûté beaucoup d’énergie humaine », souligne Franck Jeanneau, directeur technique du Grand T. « Il a fallu beaucoup de pédagogie et de temps pour trouver les matériaux adaptés au niveau local. Nous avons privilégié ce circuit court, d’une part parce que nous ne voulions pas externaliser et ainsi ignorer d’où pouvaient provenir nos matériaux, et d’autre part parce que cette approche nous a permis de créer du lien avec des entreprises et des associations de l’agglomération nantaise. Il est nécessaire que les structures publiques et les collectivités soient moteur dans ce type de démarche. »

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DSCF6556©Le-Grand-T
Les poutres de la nouvelle billetterie ont été récupérées de l'ancienne caserne Mellinet

Le Grand T

Sur les 80 m² de ce nouvel espace billetterie, seules les menuiseries sont neuves, pour cause de performance énergétique.

RSE : responsabilité sociétale des entreprises

Cette construction, qui aura duré une année, s’inscrit dans la démarche globale du Grand T d’un théâtre résolument en mouvement, avec un rôle à jouer dans l’évolution sociale et sociétale. « Nous, personnels d’un théâtre de service public, avons une vraie responsabilité de travailler pour l’intérêt général », appuie Catherine Blondeau, la directrice du Grand T.
En 2014 déjà, avec Alain Anglaret, l’administrateur du théâtre, ils avaient rejoint le réseau d’entrepreneurs Dirigeants responsables de l’Ouest, menant une réflexion autour de leurs pratiques managériales, du bien-être des salariés, de l’impact d’un théâtre sur l’environnement… Tout ce que l’on met dans ce sigle dont on parle de plus en plus aujourd’hui : la RSE, responsabilité sociétale des entreprises.

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DSCF6598©Le-Grand-T
Un théâtre légèrement à l'ouest

Le Grand T

Dans le même temps, l’équipe du Grand T, via la délégation unique du personnel, lance une enquête sur le bien-être au travail. Un groupe RSE de 10 salariés est ainsi constitué pour piloter un audit sur des questions aussi variées que la parité, la diversité, le dialogue social ou l’accueil, et de cet état des lieux essayer collectivement d’améliorer les conditions de travail et de corriger les faiblesses.
De nouvelles pratiques RSE voient ainsi le jour au Grand T : soutien à la mobilité douce (indemnités vélo versées aux salariés qui viennent travailler en vélo), tri des déchets au quotidien et installation de deux composts à usage du théâtre et des voisins, ouverture du dialogue social aux intermittents travaillant plus de 500 heures, pour ne citer que ces exemples.
Le Grand T est ainsi devenu au printemps 2017 le premier théâtre français à recevoir le label LUCIE, qui reconnaît l’engagement d’une structure dans une démarche RSE et sa volonté de travailler ses points faibles.

Ouverture et dialogue avec le quartier

« Un théâtre est un lieu public plus qu’un lieu culturel, que nous souhaitons ouvert à tous et notamment à nos voisins », note la directrice du Grand T. « Nous avons ainsi mis en place de nouvelles pratiques : nous laissons le portail ouvert la journée pour que les gens du quartier puissent accéder au parking, déambuler dans le jardin ou venir pique-niquer le midi. Nous mettons également notre site à disposition d’associations telles Place au vélo, qui donnent des cours de vélo à des adultes, et travaillons avec La Tryclerie qui collecte à vélo les déchets végétaux des restaurants du quartier, entretient notre compost et livre ensuite à des maraîchers ».

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Place-au-vélo_0617-©-Frank-Berglund-1016©Le-Grand-T
Place aux vélos !

Frank-Berglund

Et Catherine Touchefeu, présidente du Grand T, de continuer : « cette aventure, initiée par la démarche RSE et poursuivie avec la construction de la nouvelle billetterie, va nourrir le projet de rénovation du théâtre en lui-même ».
En effet, la rénovation du Grand T fait partie du projet stratégique du département de Loire-Atlantique, inscrite à la PPI (programmation pluriannuelle d’investissements), qui prévoit de mobiliser 15 millions d’euros dans les cinq prochaines années pour refaire le théâtre. Le programmiste AMOFI a d’ailleurs déjà été recruté afin d’évaluer les problématiques sociales, environnementales, humaines, économiques et fonctionnelles du Grand T.
« Nous devons prendre en compte toutes les responsabilités d’un théâtre, telles que la création artistique, la diffusion des spectacles et la médiation vers des publics et vers un territoire. Nos objectifs avec les travaux sont également de regrouper les équipes physiquement, de mieux organiser le travail collectif, et d’avoir au moins une salle de répétition », conclut Catherine Touchefeu.
Les travaux devraient débuter en 2020 pour une livraison prévue en 2022.

La billetterie du Grand T est ouverte du lundi au samedi, de 13h à 18h30.
Plus d’info : www.legrandt.fr

Touche pas à mon info !

The rise of the bees

Ouverture, culture et mieux-vivre ensemble sont des sujets qui touchent particulièrement Fanny. Engagée depuis plusieurs années dans le secteur public culturel, elle revient grâce à Fragil à ses premières amours : le journalisme.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017