23 mai 2023

Des lycéen·nes à l’assaut de Tik Tok pour lutter contre la haine en ligne

Entre mars et mai 2023, une animatrice de Fragil a animé une série d'ateliers pour une classe de seconde pro du lycée Les Bourdonnières. Les jeunes ont produit des vidéos sur Tik Tok dans le but de lutter contre la haine en ligne.

Des lycéen·nes à l’assaut de Tik Tok pour lutter contre la haine en ligne

23 Mai 2023

Entre mars et mai 2023, une animatrice de Fragil a animé une série d'ateliers pour une classe de seconde pro du lycée Les Bourdonnières. Les jeunes ont produit des vidéos sur Tik Tok dans le but de lutter contre la haine en ligne.

Pour la deuxième année consécutive, l’animatrice de Fragil a retrouvé la classe de seconde Mme Giquel, professeure de gestion au lycée Les Bourdonnières de Nantes. Enthousiaste, elle a de nouveau accepté le projet financé par la DRAC visant à lutter contre la haine en ligne. En tant qu’association d’éducation aux médias et aux pratiques numérique, Fragil a dirigé les élèves vers une production journalistique sur Tik Tok, une première pour ce type de projet. Après cinq séances et pas mal d’encouragements, la classe a créé le compte @action.anti.haine et y a publié une dizaine de vidéos.

Une thématique difficile à traiter

Imposée par l’appel à projet qui subventionne la série d’ateliers, la thématique de la haine en ligne n’a pas eu un franc succès chez les adolescent·es de la classe de Mme Gicquel. Il a fallu quelques séances et plusieurs temps de discussion pour établir ensemble une définition commune de la haine en ligne et amener les petits groupes à trouver leurs propres sujet à traiter en vidéo.

Liste des sujets traités par les élèves

Liste des sujets traités par les élèves

A l’aide d’un atelier « autour du mot », les jeunes journalistes ont pu déterminer leur propre définition de ce qu’est la haine en ligne. Cet atelier a notamment engendrer un large de temps de discussion autour de l’homophobie, mot écrit par un élève qui a suscité des commentaires à caractère homophobes émanant de nombreu·ses·x élèves. Un moment difficile à gérer pour l’animatrice de Fragil et les professeures présentes, peu « armées » face à ces nombreuses paroles violentes et résultant pour la plupart d’élèves se présentant comme tolérant·es.

Les deux premières séances de travail ont donc permis aux élèves de s’essayer au journalisme à travers la pratique d’ateliers d’initiation d’écriture d’article et d’interview. Elles ont également permis à l’ensemble des petits groupes de trouver les sujets de leur reportages, comme l’illustre les deux photos ci-dessus. Un seul de ces groupes n’a pas réussi à produire une vidéo à l’issue des cinq séances de travail, les autres ayant des résultats de diverses qualités.

@action.anti.hainePart 1 : racisme sur Tiktok♬ son original – Action.Anti.Haine

@action.anti.haineL’homophobie, plusieurs personnes en sont victimes luttons contre cela, avec un peu d’humour.♬ son original – Action.Anti.Haine

A l’heure du bilan, certains élèves font part de la difficulté d’aborder des personnes inconnues et de les questionner sur cette thématique, « c’était gênant » avoue un élève. Pour d’autres l’interview reste « la meilleure manière de parler de sujets sensibles et de faire passer un message ».

Tik Tok : un format apprécié

Lors du précédant projet mené avec la classe de Mme Gicquel l’année dernière, les reportages étaient publiés sur Instagram, via un compte créé pour l’occasion. Pour cette saison Fragil a laissé la liberté de choix à cette professeure, qui a sélectionné Tik Tok, réseau social utilisé par l’ensemble des élèves, à quelques exceptions près. La publication des vidéos sur Tik Tok constitue la dernière étape du projet, en amont les élèves ont imaginé et choisi un nom de comte : @action.anti.haine, la réalisation du logo a été pris en main par deux élèves, la création du compte par la salariée de Fragil.

Capture d’écran du compte Tik Tok Action.Anti.Haine

Après avoir préparé leurs questions, les journalistes amateur·ices se sont rendu·es dans les couloirs et divers bâtiments de leur lycée pour aller à la rencontre des élèves et du personnel. Après une bonne demi-heure de reportage, les élèves sont revenu·es avec leurs vidéos, que certains devront compléter entre deux séances faute de motivation sur le moment ou de personnes rencontrées.

Qu’il ait été un moment de plaisir pour certain·es ou « grosse difficulté » pour d’autres, le temps de montage reste un moment a ne pas négliger dans le processus de création. Lors de la première rencontre avec la classe, l’animatrice de Fragil a annoncé directement la nécessité d’autonomie qui sera nécessaire pour mener à bien ce projet, n’ayant elle même jamais posté de vidéo sur la plateforme chinoise. Malgré un enthousiasme a priori peu présent et quelques difficultés rencontrées lors du montage, la plupart des groupes a largement réussi à créer une ou plusieurs vidéos contenant des témoignages, des voix off, voir des contenus extérieurs incrustés.

Malgré une prise en main laborieuse de la thématique, les élèves ont réussi à produire une une vidéo journalistique et à la mettre en ligne sur un compte Tik Tok. « C’était un bon projet », « ça a permis de parler de sujets importants » concluent deux élèves qui repartent avec un sentiment de satisfaction, à l’instar de leur classe. Le projet a largement été soutenu par leur professeure qui demeure partante pour une une nouvelle édition l’année prochaine.

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Curieuse de tout et surtout de l'info, Romane (se) pose beaucoup de questions. Salariée de Fragil, elle écrit sur l'éducation aux médias et la musique actuelle !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017