5 février 2019

Vivre ensemble ou n’être « Jamais seul » au Grand T.

Le Grand T a accueilli pour quatre soirées "Jamais seul", pièce écrite par Mohamed Rouabhi et mise en scène par Patrick Pineau. Devant une salle comble, la troupe nous emmène dans le quotidien des français et françaises d'aujourd'hui : entre moments difficiles et grandes joies.

Vivre ensemble ou n’être « Jamais seul » au Grand T.

05 Fév 2019

Le Grand T a accueilli pour quatre soirées "Jamais seul", pièce écrite par Mohamed Rouabhi et mise en scène par Patrick Pineau. Devant une salle comble, la troupe nous emmène dans le quotidien des français et françaises d'aujourd'hui : entre moments difficiles et grandes joies.

Ils n’étaient pas seuls sur scène et je n’étais pas seule face à eux au Grand T de Nantes. Me voilà dans le thème de la soirée. Nous ne somme pas seuls, nous simples humains descendant des homo sapiens et autres ancêtres avant eux. Voilà le message généreusement partagé par la troupe qui défile sur scène.

Quinze comédiens et comédiennes, quarante deux personnages, 3h20 de scène pour une pièce drôle et touchante. Telle une fresque vivante, elle dépeint le portrait de notre société actuelle en France. Des hommes et des femmes traversant les âges et les situations sociales, accompagné.es des un.e.s et des autres pour que, inconsciemment ou non, personne ne soit seul.e.

® Eric Miranda

Riche en personnages, la pièce imaginée par Mohamed Rouabhi et Patrick Pineau ne nous perd pas en route, elle construit au contraire une histoire où tout le monde a un rôle à jouer. Du chômeur licencié après vingt cinq ans de boîte à la famille avec deux ados en passant par le groupe de copines et le jeune couple, beaucoup peuvent s’y retrouver. C’est là tout l’attachement à cette pièce résolument contemporaine.

Quel joueur et quelle joueuse n’a pas connu un entraîneur à l’étoffe d’André alias “coache” qui répète inlassablement les paroles prononcées à ses joueurs depuis des années? Qui n’a jamais assisté à une dispute d’un couple de quinqua, usé par la vie commune ? Autant de bribes de vie que d’occasions pour la troupe de nous rappeler qu’être humain ce n’est pas facile tous les jours mais que cela reste une chance, un moment à passer ensemble.

® Eric Miranda

« Jamais seul » nous emmène dans la proche banlieue d’une grande ville, Paris peut être. Le décor évolue au fil des scènes, des rencontres et permet de nous identifier à ces moments de vie. La pièce se déroule tantôt au supermarché, au centre social, en bas d’un immeuble, dans un appartement… Des paysages urbains qui évoquent aussi bien des  souvenirs que des moments du quotidien chez les spectateurs.

Si l’intention de la pièce devait se résumer en une phrase, ce serait celle de Mohamed Rouabhi, “nous devons nous résoudre à vivre dans celui-ci [le monde] en inventant à chaque instant la poésie nécessaire à faire chanter les lendemains”. Malgré les épreuves de la vie, le chômage, la maternité, les disputes, les rencontres, nous ne sommes “Jamais seul”.

® Eric Miranda

Avec plus de quarante personnages, les comédiens et comédiennes passent de costumes en costumes sans équivoque. Les scènes s’enchainent sans que le spectateur ne soit perdu, chaque personne ayant un trait de caractère singulier. La pièce fait rire et c ‘est bien là son objectif : rire de la vie pour la rendre plus belle. Les personnages y contribuent largement, aussi touchants que drôles, à l’image d’Émilie une jeune femme à l’enthousiasme débordant. Interprétée en alternance par les comédiennes Louise Chevillotte et Laura Mélinand, le personnage d’Émilie s’illustre particulièrement dans la scène où elle raconte l’histoire d’Enora la brune. Tel un monologue, Emile s’empare de la scène pour y interpréter cinq personnages différents, en modifiant sa voix et son comportement. Exercice parfaitement réussi et particulièrement attenant pour le spectateur qui attend la chute de l’histoire avec impatience.

® Eric Miranda

Pour cette pièce, le metteur en scène Patrick Pineau avait en tête « les films populaires de Jean Renoir, de Ken Loach… et toutes ces œuvres qui parlent des gens« . On retrouve ces inspirations tout au long de la pièce. Telle une fresque de la vie humaine au vingt-et-unième siècle, « Jamais seul » dresse le portrait de Français et Françaises ordinairement vivants. Témoignage d’une société parfois fracturée où chacun tente de vivre ensemble.

Dialogue de la pièce mis en vidéo par la compagnie MC93 :

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Curieuse de tout et surtout de l'info, Romane (se) pose beaucoup de questions. Salariée de Fragil, elle écrit sur l'éducation aux médias et la musique actuelle !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017