1 avril 2020

Travailleurs et travailleuses de la grande distribution : un confinement à risques

Sous ses airs de vacances pour les enfants, de semi-liberté pour les employés mis en télétravail, voire de congés forcés sans solde pour bon nombre d’autoentrepreneurs, le confinement – rendu obligatoire par l’État français depuis le 16 mars 2020 pour endiguer l’épidémie du coronavirus Covid-19 – n’est pas de tout repos pour certains corps de métiers.

Travailleurs et travailleuses de la grande distribution : un confinement à risques

01 Avr 2020

Sous ses airs de vacances pour les enfants, de semi-liberté pour les employés mis en télétravail, voire de congés forcés sans solde pour bon nombre d’autoentrepreneurs, le confinement – rendu obligatoire par l’État français depuis le 16 mars 2020 pour endiguer l’épidémie du coronavirus Covid-19 – n’est pas de tout repos pour certains corps de métiers.

En première ligne, nous comptons les professionnels de la santé : urgentistes, médecins, mais aussi ambulanciers, ou encore infirmiers… Parce que le nombre de personnes atteintes du Covid-19 va croissant, le personnel médical doit faire face chaque jour à de nouveaux patients contaminés par ce virus, en plus de leurs autres patients. En outre, il manque aux services hospitaliers tout un arsenal des moyens de protection les plus basiques : masques FFP2, gants, gel hydroalcoolique… Ces professionnels de la santé travaillent sous la menace imminente d’un manque de personnel et de matériel.

Essentiels dans la lutte contre le coronavirus Covid-19, les soignants ne sont pas les seuls à pâtir du confinement de la population. Malgré le risque d’exposition au virus, les éboueurs, par exemple, doivent eux aussi continuer leur travail. À l’instar, pour ne citer qu’eux, des travailleurs de la grande distribution.

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Ouest-France

Ouest France

Tôt le matin, quand beaucoup sont encore endormis, les transporteurs déchargent leurs camions et les magasiniers préparent les rayons. Quant aux vendeurs, ils s’installent à leur poste, non sans avoir nettoyé au préalable tapis roulants et appareils à cartes. À Marseille, le supermarché Auchan de la rue Marius Jauffret vient à peine d’ouvrir ses portes, et pourtant c’est déjà la cohue dehors. Une cohue plus organisée que celle qu’on trouve d’ordinaire à l’intérieur du magasin, mais une cohue quand même. Le vigile, en charge de surveiller l’entrée, veille à ce que la distance de sécurité d’un mètre soit respectée. Au compte-gouttes, il laisse entrer les clients : calmes ou anxieux, parfois empressés, impolis, voire agressifs…

Dans les rayons, c’est à celui qui en aura le plus, si tant est qu’il reste ici et là un peu de pâtes, un peu d’eau, quelques boîtes de conserve ou de surgelés. Certains rayons, quasi-vides, font se remplir les caddies même de ceux si peu prompts d’ordinaire à faire des réserves. Et c’est un cercle vicieux : prendre encore un paquet de riz au cas où la durée du confinement soit allongée ; s’emparer de ces trois pots de sauce tomate parce que ce sont les derniers du rayon. En somme, prendre le peu qu’il reste encore parce que les autres ont déjà tout pris.

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Sud-Ouest

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Dans d’autres supermarchés, comme par exemple au Super U de la rue de Nantes à Rennes, l’accès à certains produits a été tout simplement été fermé, par précaution, pour contrer les risques de contamination. Les produits concernés sont les denrées alimentaires biologiques vendues en vrac, comme en témoigne Pierre, Rennais, qui avait l’habitude de s’approvisionner de cette façon en céréales et légumineuses. Toutefois, l’accès aux produits en vrac reste ouvert à quelques pas du Super U, chez Bio Azur : « Ce qui est bien, nous dit Pierre, c’est qu’ils mettent du gel antibactérien fait maison à l’entrée du magasin, en libre-service pour la clientèle », une initiative qui permet d’éviter la propagation du virus en faisant ses courses.

Au moment pour le client de payer, entrent en jeu les hôtes et hôtesses de caisse. Pour les protéger, des barricades en carton ont été improvisées autour de leur environnement de travail ; des nouvelles précautions qui fleurissent au gré des recommandations du gouvernement, ainsi que de nouvelles règles. Celle du jour chez Auchan : seuls les paiements par carte bancaire sont autorisés.

Aussi, comme il est coutume quand on s’éloigne des sentiers battus, les vendeurs auront certainement à répondre aux clients mécontents, se justifiant que c’est ainsi, qu’ils n’y peuvent rien ; arguant par exemple que l’échange de monnaie serait ce qu’il y a de pire pour se préserver d’une contamination, les pièces et les billets ayant l’habitude de passer de mains en mains… Probablement devront-ils insister auprès des plus têtus : « Évidemment, les boutons de l’appareil à cartes aussi ont été touchés par tous les doigts, mais c’est probablement encore la meilleure solution… ».

À la différence des clients, les hôtes et les hôtesses de caisse ne restent pas trente minutes dans cet espace confiné qu’est le supermarché ou la supérette du coin. Ils y restent au mieux la demi-journée, au pire de l’ouverture à la fermeture, soit des heures et des heures…

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Ouest-France-queue

Oouest France

Des heures à répondre aux demandes des clients, plus ou moins irrités, plus ou moins impatients, plus ou moins exigeants. Comme avant. Des heures à faire passer un à un chacun des produits devant le scan. Comme avant. Des heures à côtoyer à tout juste un mètre de distance, si ce n’est moins, tous les clients qui passeront par-là. Comme avant. À ceci près qu’avant, c’était avant. Et qu’aujourd’hui, c’est confinement. Confinement, crise, virus, épidémie, risques, peur… Mais que, comme avant pourtant, coronavirus ou pas, le client est roi.

Les salariés de la grande distribution sont bel et bien confinés eux aussi. Mais sur leur lieu de travail. Exténués, la mine inquiète, alertes, se tenant prêts à répondre à toute demande incongrue, à désamorcer toute dispute impromptue…  Heureusement, dans la majorité des cas, les clients sont courtois et respectueux, muets – précaution de circonstance – mais aussi parfois avec ce petit sourire à peine visible, bienveillant, apparaissant sur les lèvres, ou se devinant sous le masque et dans les yeux. Ce petit sourire qui dit que l’on est tous dans la même galère, et que l’on se comprend. Ce petit sourire qui dit : « On n’est qu’humains après tout ». Mais aussi et surtout : « On est humains avant tout. »

En tant que clients, nous pouvons aider le personnel de ces magasins. Tout simplement en les soulageant de notre présence et de nos razzias : aller en courses le moins souvent possible et éviter de faire des réserves. L’État a également un rôle à jouer : rassurer la population au lieu d’entretenir une atmosphère anxiogène. Parce que comme avant la crise, l’approvisionnement en marchandises continue de se faire. Tâchons de rester raisonnables et responsables, et de ne pas perdre nos bonnes manières, malgré la situation.

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Le bien public

Il est des petits gestes qui changent tout. Comme cette jeune femme qui a « offert » hier une paire de gants à une vieille dame pour faire ses courses. Ou encore ce monsieur ayant réglé par CB une boîte de maïs pour une cliente, parce que celle-ci n’avait pris que ses pièces, lesquelles étaient dès lors interdites.

Souhaitons que ces travailleurs-là, encore actifs, « hyper actifs », pourront être récompensés lorsque la crise aura passé, ces travailleurs-là qui comptent parmi les plus exposés au coronavirus Covid-19.

Un bonjour, un sourire, un merci, c’est le béaba. Quelques mots de soutien et d’encouragement ne coûtent rien mais leur valeur est immense dans le cœur de ces employés. Il est temps d’accorder aux travailleurs de la grande distribution toute la reconnaissance qu’ils méritent. Pour être simplement là et nous permettre de nous ravitailler. Même en ces temps de crise. Une crise qu’ils vivent eux aussi, dans leur quotidien, seuls ou en famille, lorsque les magasins le soir venu ferment leurs portes. Et que leur journée à eux, enfin, peut commencer…

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Le concert fédérateur de Flavia Coelho

La culture Nantaise migre sur la toile : Votre libraire Nantais en ligne

De formation scientifique, Lola s’est orientée vers des études en langues étrangères puis en psychologie. Auteure autoéditée et relectrice indépendante, elle aime lire tout autant qu’écrire, et apporte sa petite touche personnelle à Fragil sur des sujets qui l’inspirent.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017