18 octobre 2019

Saint-Céré : Des concerts aux multiples couleurs

L'édition 2019 du festival de Saint-Céré a permis une nouvelle fois la rencontre de spectacles d'opéras aux mises en scène passionnantes, et de concerts d'une grande diversité, affirmant ce mélange des genres et des répertoires qu'on aime tellement.

Saint-Céré : Des concerts aux multiples couleurs

18 Oct 2019

L'édition 2019 du festival de Saint-Céré a permis une nouvelle fois la rencontre de spectacles d'opéras aux mises en scène passionnantes, et de concerts d'une grande diversité, affirmant ce mélange des genres et des répertoires qu'on aime tellement.

Les concerts proposés par le festival mettent en valeur de beaux lieux du Lot, au cœur d’ une nature verdoyante et authentique. Ils rencontrent les publics les plus divers, dans des formes aux géométries variables, allant de la musique de chambre au déploiement de l’orchestre symphonique. C’est ainsi que l’on retrouve d’un spectacle à l’autre des visages familiers, comme dans une troupe. Des musiciens de l’orchestre Opéra Eclaté ont joué cette année en trio, avec le pianiste Gaspard Thomas, pour un programme Schubert et Beethoven, notamment dans la très belle cour du château de Labastide-Marnhac ; d’autres se sont regroupés en quintette à vents, pour un programme aux saveurs de l’enfance. Il y a eu également quelques jolies surprises…

Réminiscences de l’enfance

Les œuvres du concert proposé le 6 août au Château de Montal étaient réunies sous le titre « Rêveries enfantines », où se croisaient Moussorgski, Tchaïkovski, Bizet, Paul Dukas et Luciano Berio, dans des transpositions ou des partitions pour quintette à vents. Les présentations de chaque pièce, par l’un des musiciens, créaient une proximité avec le public, pendant que les façades Renaissance étaient progressivement enveloppées par la nuit. C’est un programme très poétique, aux émotions contrastées. « Une nuit sur le mont chauve » de Moussorgski et « L’apprenti sorcier » de Paul Dukas font ressurgir avec délectation les peurs de l’enfance, tandis que les accords envoûtants du « Casse –Noisette » de Tchaïkovski se superposent aux vieilles pierres et au bruissement des feuilles dans les arbres, en de mystérieuses correspondances.

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Château de Montal

Alexandre Calleau

Un réjouissant dialogue entre les mots et les notes

L’ « Opus number zoo » de Luciano Berio (1925-2003), conçu pour quintette à vents, a créé une véritable surprise. C’est une partition très comique, qui évoque à la fois « L’histoire du soldat » de Stravinsky,  les « Contes du chat perché » de Marcel Aymé, et les Fables de La Fontaine. C’est surtout un réjouissant dialogue entre les mots et les notes, où les musiciens disent des textes, comme au théâtre. Ce qui rappelle les propositions de l’ensemble instrumental Ars Nova, dont on a pu mesurer l’énergie de véritables musiciens acteurs à Angers Nantes Opera, sous la direction de Philippe Nahon, notamment pour « Golem » de John Gasken, en 2007, et « Hydrogen Jukebox » de Philip Glass, en 2009.  Les instrumentistes réunis ici (Thomas Saulet, Valérie Liebenguth, Nicolas Fargeix, Loïc Chevandier et Karim Strahm)ont offert un pur moment de bonheur, et cette pièce de Berio a été une formidable découverte, où l’on joue avec les sons et les syllabes, dans une troublante confusion des repères. Le groupe instrumental a offert en rappel la transposition pour instruments à vents de « Bohemian Rhapsody » de Queen, une autre jolie surprise!

Yapunto, une musique qui se vit

« Yapunto ! » est un groupe qui joue des musiques traditionnelles colombiennes et afro-péruviennes, aux couleurs très métissées. Le festival en a proposé un concert le 10 Août sur la place médiévale du Mercadial, au cœur de Saint-Céré, où l’on avait pu vibrer sur « West side story » en 2017. Ce concert a été un véritable tourbillon de rythmes et de percussions, d’une vie incroyable, où les sonorités vibrantes de la trompette de Marie Bedat et la voix chaude de la chanteuse Alejandra Charry Caicedo apportaient une atmosphère de fête, magnifiée par les lumières.

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Alejandra Charry Caicedo, chanteuse de Yapunto!

Alexandre Calleau

Donner sans compter

Tous les membres de ce groupe donnent sans compter, en partageant leurs émotions et leur enthousiasme dans une belle énergie, face à des spectateurs conquis qui ont dansé sur la place : une soirée joyeuse et intense !

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Marie Bedat, trompettiste dans l'orchestre Opéra éclaté et dans Yapunto!

Alexandre Calleau

Des univers différents

Marie Bedat illustre bien le mélange des genres, puisqu’elle fait partie de l’orchestre Opéra Eclaté, depuis 2003 en tournée, et 2004 au festival. Elle était également instrumentiste cette année dans « Les pêcheurs de perles » et « La vie parisienne » : c’est particulièrement réjouissant de voir, au cours d’une même manifestation, des univers aussi différents se rejoindre dans une même passion pour la musique !

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Yapunto ! sur la place du Mercadial

Alexandre Calleau

Un requiem au château

Dans un registre très différent, le festival a également programmé, le 7 août, un Requiem de Mozart, sous la direction de Joël Suhubiette, dans le cadre grandiose du château de Castelnau. Les musiciens, les choristes et les solistes étaient placés dans le décor des « Pêcheurs de perles », plongé dans la pénombre. Le chœur Archipels, Atelier vocal des éléments, s’est investi avec beaucoup de ferveur dans cette messe des morts, en alternant de beaux moments d’intériorité avec des éclats plus vifs, dans l’expression de la fureur. Joël Suhubiette sculpte de saisissants contrastes, avant d’atteindre à la fin une plénitude, par quelques touches de lumière, et un possible apaisement.

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Requiem de Mozart au château de Castelnau

Alexandre Calleau

Un éclatant triomphe de la vie !

Le chant s’élève parmi les vieilles pierres, dans le mystère de la nuit, et Jean-Loup Pagésy donne beaucoup de profondeur à la partie de basse, tandis que la nantaise Corinne Bahuaud, mezzo-soprano, atteint des graves fascinants. C’est Morgane Bertrand qui chante la partie de soprano, dans une interprétation d’une saisissante introversion, aux antipodes de son étourdissante Gabrielle de « La vie parisienne », également à l’affiche du festival. On retrouve aussi le ténor Hoël Troadec, au chant plein de délicates nuances, en Gardefeu dans ce même ouvrage d’Offenbach. Ce total investissement dans des univers aussi opposées montre un éclatant triomphe de la vie !

Hommage à Vincent

Joël Suhubiette a dirigé plusieurs fois le requiem de Mozart au festival de Saint-Céré, et notamment en 2006, le 29 juillet, à l’abbatiale de Souillac. C’est Vincent Pavesi qui chantait ce jour-là la partie de basse. Vincent était un ami, qui m’a fait découvrir en 2004 le festival, dans Sparafucile du « Rigoletto » de Verdi, mis en scène par Michel Fau. En 2006, il était aussi un commandeur à l’aspect d’un ange rédempteur dans un mémorable « Don Giovanni » mis en scène par Olivier Desbordes. Il s’est produit plusieurs fois à Nantes, dans « Don Carlo » de Verdi (2002), « L’étoile » de Chabrier (2005) et « Simon Boccanegra » de Verdi (2006). Il a été Sarastro dans une « Flûte enchantée » mise en scène par Peter Brook, aux Bouffes du Nord puis en tournée mondiale en 2011 et 2012. Il a aussi interprété Sénèque, bouleversant d’humanité, dans « Le couronnement de Poppée » de Claudio Monteverdi au Théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis en 2010.

Un artiste magnifique et d’une rare sensibilité

Vincent vient de disparaître, le 15 juillet, c’est un artiste magnifique et d’une rare sensibilité qui s’éteint. L’arc-en-ciel du haut de cette page surplombe une place de Saint-Céré qu’il connaissait bien…

Photo de haut de page prise à Saint-Céré par Alexandre Calleau.

Citad'elles, la première forteresse française pour les victimes de violence

Pratiques et rituels alimentaires vus par des femmes musulmanes

Christophe Gervot est le spécialiste opéra de Fragil. Du théâtre Graslin à la Scala de Milan, il parcourt les scènes d'Europe pour interviewer celles et ceux qui font l'actualité de l'opéra du XXIe siècle. Et oui l'opéra, c'est vivant ! En témoignent ses live-reports aussi pertinents que percutants.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017