21 octobre 2019

Pratiques et rituels alimentaires vus par des femmes musulmanes

Dans le cadre de l’événement « Se nourrir avec la planète » sur un mode café citoyen, des femmes de toutes origines géographiques et de religion musulmane, résidant sur différents quartiers de Nantes - dont un petit groupe plus particulièrement de la Bottière - répondent aux questions de citoyens nantais de tous horizons, autour des rituels alimentaires.

Pratiques et rituels alimentaires vus par des femmes musulmanes

21 Oct 2019

Dans le cadre de l’événement « Se nourrir avec la planète » sur un mode café citoyen, des femmes de toutes origines géographiques et de religion musulmane, résidant sur différents quartiers de Nantes - dont un petit groupe plus particulièrement de la Bottière - répondent aux questions de citoyens nantais de tous horizons, autour des rituels alimentaires.

La séance a lieu dans le Hall de Cosmopolis. Une trentaine de personnes, essentiellement des femmes dont un grand nombre de confession musulmane, mais aussi des citoyennes nantaises intéressées par le sujet, sont installées en cercle autour d’un café turc proposé par les animatrices de cet échange.

Cet après midi débute par l’introduction de Zora, femme d’origine turque, se présentant comme musulmane et féministe. Elle explique au public qu’il ne s’agit pas d’un conférence, mais d’un temps d’échanges libres pour permettre à chacun de découvrir les différents rituels autour de l’alimentation et, peut-être, de modifier les représentations, quelque soit son origine, sur le lien entre la nourriture et la religion musulmane. Cette animatrice lance donc les premières questions qui seront vite complétées par celles d’autres participantes. Chaque prise de parole est l’occasion, pour la personne de nommer son pays d’origine. Nous découvrons ainsi la diversité des origines : Maroc, Tunisie, Gambie, Sénégal, Iran.

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Questions-réponses

Quels sont les rituels musulmans autour de la table ?

Kadicha, jeune femme sénégalaise se présente comme très pratiquante. Elle évoque son pays en disant qu’il y a 90% d’habitants de confession musulmane et 10% de catholiques, mais précise que tout le monde s’entend bien. Il y a des temps communs entre eux pour échanger particulièrement autour des repas. Pour elle, il y a des rituels et des règles importantes dans la pratique de la religion musulmane. L’interdit principal est de ne pas manger de porc. Elle explique que lorsque qu’elle est arrivée en France en en 1993 , il n’était pas possible de trouver de la viande hallal. « Aussi lorsque qu’on achetait de la viande on faisait une prière avant de la manger pour respecter la religion. Sinon, on peut manger quasiment toutes les viandes. »

« il y a des rituels et des règles importantes dans la pratique de la religion musulmane… »

Que se passe-t-il au moment de l’Aïd ?

Fatima, d’origine tunisienne nous répond que chaque pays musulman a des pratiques différentes quand à l’Aïd. Concernant la question de l‘abattage du mouton, « il s’agit de faire un sacrifice au nom de Dieu et de partager avec la famille, les voisins. ». « Moi, je n’achète pas de viande hallal à Carrefour car c’est de la récupération commerciale ». J’utilise mon réseau de connaissance pour avoir un animal tué dans de bonnes conditions. Elle précise que les deux interdits sont le porc et l’alcool. Elle nous informe que dans le Coran est écrit que le sang du porc est considéré impur. Mais qu’il a été interdit aussi pour des raisons sanitaires liées à la conservation dans les pays chauds. Concernant l’alcool, il se dit qu’à l’origine un prédicateur qui aurait fait son office en état d’ébriété, se serait trompé dans son prêche, ce qui a engendré la suppression de l’alcool. Le souhait est surtout d’éviter de nombreux excès qui ont existé par le passé.

« il s’agit de faire un sacrifice au nom de Dieu et de partager avec la famille, les voisins. »

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Quelle est la place des hommes dans la cuisine ?

Kadicha nous répond que rien ne dit dans la religion que les hommes ne doivent pas faire la cuisine. Traditionnellement ce sont plus les femmes, mais c’est culturel. Les hommes peuvent nous aider « le mien fait le ménage ». La jeunesse actuelle a un autre vision des choses, il y a bien sûr une évolution.

« il y a bien sûr une évolution. »

Dans le cadre de l’événement «  Se nourrir avec la planète », la question de l’écologie est centrale, est-ce que cela commence être pris en compte autour des rituels culinaires ?

Une femme d’origine Camerounaise, se sent très concernée par le sujet. Elle nous explique en détail comment, dans son pays, l’industrialisation a pris le pas. « Les petits agriculteurs sont abandonnés, on a « déforesté », il n’y a de plus en plus de produits transformés, auquel en plus on n’a pas accès. C’est une catastrophe pour mon pays. ».

Une autre femme intervient en disant qu’au Sénégal autrefois on mangeait beaucoup de poissons. « Maintenant il y a en a moins et on est envahi par l’industrie du poulet. C’est l’Occident qui a engendré tout cela ».

« Les petits agriculteurs sont abandonnés… »

Que faites vous lorsque vous êtes invité, chez des personnes qui ne sont pas de religion musulmane ? .

Zora nous dit qu’elle a par exemple des difficultés à manger des fruits de mer, car en Turquie on n’en mange pas. « La religion nous dit qu’il faut manger que du poison à écaille ». En, général, elle s’adapte pour manger ce qu’il y a, sauf bien sûr quand il s’agit des interdits.

« …sauf bien sûr quand il s’agit des interdits. »

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Est-ce que les femmes mangent avec les hommes ?

De façon générale répond cette jeune femme, « dans les différents pays musulmans, tout la famille mange ensemble. Il n’y a que pour les fêtes qu’il y a séparation ». Cependant en Iran, les hommes ne participent pas aux tâches domestiques. C’est comme à la mosquée, les femmes et les hommes sont séparés. Une femme d’origine sénégalaise intervient sur un ton humoristique en disant que « si les femmes étaient devant, aucun des hommes ne feraient leur prière ! »

« …dans les différents pays musulmans, tout la famille mange ensemble. »

Est-ce que dans votre quotidien vous ne mangez que des plats de votre pays ?

Plusieurs répondent qu’elles font des mélanges entre les 2 types de cuisine. Une femme originaire de Gambie confie qu’ils font une cuisine très différente d’autres pays, plus pimentée. Pour beaucoup le riz est la nourriture de base mais en Tunisie par exemple c’est le pain. « Contrairement à ce que certains croient nous ne mangeons du couscous qu’une fois pas semaine ».

« …nous ne mangeons du couscous qu’une fois pas semaine . »

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Quel est le sens du Ramadan pour vous ?

L’une des participantes nous répond que faire la Ramadan est une obligation. Cela fait partie des cinq piliers de l’islam. Il s’agit aussi pour les pratiquants de comprendre ce que vivent les pauvres.  C’est la part du pauvre  que l’on partage, comme cela existe aussi dans la religion catholique « le jeûne est une offrande à Dieu ».

Cependant, certaines constatent des dérives en ce moment quant à la rupture du jeûne au coucher du soleil, car la nourriture devient surabondante alors qu’autrefois il y avait peu de choses.

« …comprendre ce que vivent les pauvres. »

A partir de quel âge, les enfants doivent faire le ramadan ?

La jeune femme iranienne répond que c’est 9 ans pour les filles et 15 ans pour les garçons. En fait cela dépend des pays. Cependant, généralement pour les filles c’est quand elles atteignent la puberté.

Une belle leçon de partage

Les échanges auraient pu durer longtemps, tant il y avait de questions, et une envie d’apporter des informations dans tous les domaines. Une belle leçon de partage, d’ouverture d’esprit pour évoquer des sujets qui sont parfois tabous. Toutes les questions ont été posées sans jugement de valeur, dans une volonté de connaître et de comprendre particulièrement, pour les non musulmanes.

Un très beau moment de découverte également entre femmes originaires de pays différents, de cultures différentes, mais rassemblées par la pratique de leur religion, ce qui a bien fait apparaître les valeurs communes à toutes. Elles ont aussi fait part de leur liberté dans la manière de suivre la religion, par exemple certaines étaient voilées d’autre pas. La séance a pris fin vers 16 heures, mais certaines ont poursuivi les discussions par la suite.

Un bel après midi où, à partir du support de cette exposition, l’organisation de ce temps de débat a contribué véritablement au « Vivre ensemble ».

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017