9 octobre 2018

Revue de presse de la semaine

Dans le cadre de sa mission d’éducation aux médias, Fragil passe en revue l’actualité des dernières semaines.

Revue de presse de la semaine

09 Oct 2018

Dans le cadre de sa mission d’éducation aux médias, Fragil passe en revue l’actualité des dernières semaines.

Depuis une dizaine d’années, de nombreux médias ont monté leur service de fact-checking pour dénicher les différentes « infox » relayées sur internet et particulièrement sur les réseaux sociaux. Ces initiatives témoignent de la place grandissante que l’on accorde aujourd’hui au débat sur l’espace médiatique et numérique. Aussi, afin de veiller à la pluralité des points de vue et de la critique, on observe le rôle des “critiques médiatiques” que l’on peut retrouver au sein du Monde diplomatique ou auprès de l’association Acrimed. Cette dernière forme de questionnement se concentre en priorité sur les erreurs, propos infondés ou publicités déguisées que l’on peut parfois retrouver dans l’univers médiatique traditionnel, mais elle est tout aussi nécessaire dans une période où le mot réinformation est à la mode. Le terme « fake news’ a récemment été remis en question par la commission d’enrichissement de la langue française qui lui préfère la notion d' »infox ». Alors que la tournure « fake news » désignait à l’origine fausse information, les décodeurs du journal Le Monde nous précisent que « Le terme est devenu synonyme à la fois du faux au sens de l’erroné, de l’erreur, mais aussi de la tromperie volontaire. » Toutefois, il s’agit de notions très différentes qu’il faut impérativement distinguer. Enfin, l’utilisation du terme « infox » évite un anglicisme mais ne demeure pas moins inexact que « fake news » dans son utilisation.

Dans ces temps d’incertitudes médiatiques, il est primordial de garder un œil critique sur la fabrique de l’information et son utilisation. C’est pourquoi Fragil s’implique pleinement dans sa mission d’éducation aux médias.

Le numérique au service du journalisme

Notre revue de la semaine commence avec une petite prouesse journalistique. La BBC s’est récemment emparée d’une vidéo amateur diffusée sur les réseaux sociaux afin de réaliser une enquête journalistique de grande ampleur.La vidéo, montrant deux femmes et deux enfants exécutés à bout portant, est devenue virale très rapidement sur les réseaux sociaux.Le dispositif de la BBC a permis de retrouver la date et le lieu de l’exaction et a pu faire la lumière sur l’affaire tout en détachant certaines responsabilités par leur enquête sans avoir à se déplacer. Montagnes, végétation, bâtiments, position du soleil ont été passés au crible avec l’aide d’outils tel que google earth et en partenariat avec des entreprises comme digital globe. Les journalistes ont également mis à contribution les réseaux sociaux et les pages personnelles de potentiels suspects pour identifier les auteurs des exécutions.

Cette enquête souligne les tentatives de la presse traditionnelle pour saisir pleinement les possibilités offertes par les outils numériques afin d’améliorer l’efficacité de leurs enquêtes en privilégiant l’interdisciplinarité et en sollicitant les compétences d’experts. Par conséquent, de telles initiatives permettent d’éviter les récurrentes appropriations politiques et idéologiques d’événements populaires sur internet.

Nantes au rendez-vous de la « fake news »

Le lieu unique proposait vendredi 28 septembre et samedi 29 septembre, son rendez-vous annuel des géopolitiques de Nantes.

À l’ère du numérique, on assiste à une véritable crise de confiance dans les médias traditionnels, laissant ainsi porte ouverte à la diffusion massive d’infox. Si la désinformation a toujours existé, celle-ci gagne toute son ampleur grâce à la force de diffusion et l’exposition offerte dans les nouveaux médias.

Invité au débat et de passage dans notre chère cité des ducs, Pierre Haski cofondateur de Rue 89 et président de Reporters sans frontières a donné ses clés de lectures auprès du journal Ouest-France afin de mieux appréhender le phénomène de “fake news”. Il exprime son désarroi face à la diffusion rapide des fausses informations, à cause du  caractère viral et très attractif de ces dernières. Il évoque une « une triple crise simultanée », avec l’irruption d’internet modifiant le vieux modèle de la presse, la méfiance des citoyens envers les journalistes et une participation de chacun au cycle de l’information. Pierre Haski tente de raccrocher la force de la désinformation actuelle à la viralité du partage des contenus sur internet et conclut en précisant ‘ »qu’à partir du moment où on est dans le règne du tous pourris, il n’y a plus de société possible. Cela profite à ceux qui veulent générer le chaos. »

Les nouvelles arnaques sur les réseaux sociaux

L’œil du 20 heures de France 2 a fait la lumière cette semaine sur certaines publications et publicités mises en avant sur les réseaux sociaux. Il s’agit de formations en ligne et basés outre-atlantique qui échappent à la réglementation française et pour la plupart visent l’attention d’un jeune public. En effet, le secteur de la finance attire toujours autant de candidats chaque année à la sortie du secondaire et de nombreuses arnaques fleurissent autour de ces domaines notamment sur les réseaux sociaux.L’enquête révèle aussi un système pyramidal malsain dans un secteur omniprésent sur les réseaux sociaux et qui fascine beaucoup de jeunes rêvant d’endosser le costume de trader. L’utilisation des réseaux sociaux à des fins lucratives pour les marques est ancré dans le modèle de fonctionnement du gratuit sur internet depuis de nombreuses années. Toutefois, la souplesse des plateformes concernant ces arnaques et leur diffusion est également à questionner.

On se retrouve dans une semaine pour une nouvelle revue d’actualité autour de l’éducation aux médias.

Durable

Poésie brutale

Animal journalistique curieux en service civique pour Fragil, je me passionne pour l’actualité du microcosme nantais afin d'en épier les nuances loin du manichéisme.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017