10 janvier 2022

Initiation au journalisme à Gorges : Quand les collégien.ne.s prennent la plume pour informer

Mardi 4 janvier 2022, Fragil s’est rendue auprès des apprentis d’Auteuil au collège Notre-Dame du Bon Accueil à Gorges, sur les bords de Sèvre. Au programme : une série de cinq ateliers de deux heures chacun qui aboutiront à la création d’un média destiné à être diffusé sur Instagram.

Initiation au journalisme à Gorges : Quand les collégien.ne.s prennent la plume pour informer

10 Jan 2022

Mardi 4 janvier 2022, Fragil s’est rendue auprès des apprentis d’Auteuil au collège Notre-Dame du Bon Accueil à Gorges, sur les bords de Sèvre. Au programme : une série de cinq ateliers de deux heures chacun qui aboutiront à la création d’un média destiné à être diffusé sur Instagram.

Dans le cadre du projet « classe média » initié et financé par le conseil départemental, l’association a été sollicitée afin d’accompagner une classe de 4e dans la création de son propre média sur le thème du vivre-ensemble. Les collégiens et collégiennes ont notamment prévu d’y intégrer des reportages qui seront réalisés collectivement. Avant d’entamer leur projet, les élèves ont participé à un atelier pour les aider à comprendre le monde des médias et à définir leurs futures pratiques journalistiques.

Définir le média : un jeu d’enfant ?

« Quels sont les différents médias que vous connaissez ? » demande notre intervenant, balayant la classe du regard. « On connaît Instagram, Twitter, Facebook… », listent un à un les élèves en pleine concentration. Une occasion de classer les différents médias existants par catégories. Et à la télévision? « Netflix ! » L’animateur sourit : « est-ce que Netflix est une chaîne de télévision ? » Au début, les élèves pataugent, prennent leurs marques. Peu à peu, des paroles d’élèves se déploient dans la pièce. C’est que les adolescent.e.s d’aujourd’hui, bercés par la culture des réseaux sociaux, en connaissent un rayon au sujet des médias, bien plus que l’on voudrait le laisser croire.

atelier d'éducation aux médias Fragil

les élèves concentrés se livrent à un exercice d’écriture journalistique : écrire un chapô.

Enthousiaste, chacun.e énumère les stations de radio, les journaux ou même les magazines qu’iel connaît. La professeure elle-même se prête au jeu : « il y a aussi de la presse au CDI », rappelle-t-elle à ses élèves. Cette discussion informelle a abouti à une définition des médias comme « des technologies qui permettent de faire circuler de l’information et des organes qui la produisent ».

Autonomie, responsabilité : les collégien.ne.s dans la peau de reporters

En présentant le projet dans lequel la classe se lance, l’animateur a notamment expliqué aux élèves leur responsabilité à l’égard du compte Instagram : chacun.e d’entre eux a la possibilité de l’alimenter, le modifier ou même…le supprimer. « Mais qui ferait ça ? » s’indigne un élève au fond de la classe. « Si on crée un média ensemble vous avez la responsabilité de le gérer ensemble », leur explique l’intervenant. Et pour cause : en créant leur propre média, les adolescent.e.s seront mis.e.s dans la peau de véritables journalistes. « Le journaliste, c’est quelqu’un qui récolte des infos et les met en page, les prépare pour que les gens puissent les recevoir, explique avec éloquence un élève interrogé. « C’est récolter des informations auprès du monde et de monsieur tout le monde, suggère son camarade. il faut aussi la vérifier. » Récolter, vérifier, diffuser : les maîtres mots d’un reporter digne de ce nom. Pourtant, ces évidences ne se sont pas révélées si simples à mettre en pratique.

Premiers pas dans l’écriture journalistique : Chapô !

Une fois les élèves à l’aise avec la définition du média, les principes fondamentaux de l’article de journal leur ont été expliqués. Une information complète doit répondre aux questions suivantes à propos d’un événement: qui, quoi, quand, où, comment, pourquoi. Les élèves ont été invité.e.s à produire un chapô d’article à propos d’un fait anodin survenu dans la classe. À titre d’exemple, l’animateur lance ses propres clés d’une main à l’autre, faisant mine de rater la réception dans son autre paume. « C’est tout. Vous allez écrire sur ce qui vient de se passer ». Les collégien.ne.s, d’abord dubitatif.ve.s devant la consigne, se sont vite prêté.es à l’exercice. Cette activité a été l’occasion de voir fleurir des productions très différentes les unes des autres. La question du « pourquoi » est notamment restée en suspens, les adolescent.e.s incrédules n’y répondant que de manière très évasive.

Les collégien.ne.s se sont ensuite essayé.e.s à un exercice plutôt amusant : réciter leur texte façon flash info devant le reste de la classe. « Bonjour à tous. Aujourd’hui FX prend ses clés, les fait tomber. Il est 10h30. Et en fait il a deux mains gauches », annonce un premier élève. Amusé, un deuxième titre : « la maladresse de François-Xavier », avant d’enchaîner : «  François-Xavier fait tomber ses clés par terre dans la classe de 4B le 4 janvier 2022 à 10h30. Il s’est raté. » Un élève esquisse quelques pas de danse en se dirigeant vers le tableau, improvise des gestes de rappeur tout en récitant son chapô devant ses camarades amusé.e.s.

La vérification des faits, une étape cruciale

« Il y a une manière de le dire, certains l’ont écrit plus comme une histoire que comme une information qu’on verrait aux infos », remarque un élève. Cette intervention a été l’occasion d’aborder le sujet de l’interprétation. « Qu’est-ce que vous en savez, que j’ai raté ou pas ? demande l’animateur à la classe. Si ça se trouve, je l’ai fait exprès. » « Ça dépend de ce que vous vouliez faire », répond alors une élève. Cet échange a permis se mettre à plat les difficultés auxquelles est confronté le ou la journaliste au cours de son travail et de faire comprendre aux élèves la nécessité d’interroger le réel avant de l’interpréter. « On ne peut pas être journaliste sans poser de question », conclut l’animateur. Objectif : combattre les fake news et éveiller les collégiens à l’esprit critique et à la vérification des faits rapportés, une condition nécessaire à l’élaboration de leur futur média.

Un débat mouvant pour questionner le journalisme

atelier éducation aux médias Fragil

durant le débat mouvant, un élève courageux assume son point de vue, quitte à faire face tout seul au reste de la classe.

Durant l’activité suivante, les élèves ont été invité.e.s à débattre de trois affirmations liées au monde des médias. Ces prises de paroles leur ont permis de questionner des notions qui touchent à la déontologie de la pratique journalistique : « Les journalistes ne devraient pas donner leur opinion », « il faudrait un document officiel pour être journaliste, etc. Un élève s’avance :« un journaliste est censé rapporter les faits, pas leur opinion. Personne n’est intéressé par leur opinion. » Chuchotements derrière lui. « Soutenez votre porte-parole, les encourage l’animateur. Est-ce qu’il y en a qui sont convaincus par cet argument ? » demande-t-il à l’autre groupe. Les collégien.ne.s convaincu.e.s par ce plaidoyer s’avancent, rejoignent le camp d’en face. D’autres restent sur leur position. « Un journaliste a le droit de dire ce qu’il pense et on peut ne pas être d’accord avec son opinion », murmure un autre élève.

Le principe de neutralité a finalement été abordé à l’issue du débat. Les adolescent.e.s ont compris que la sélection de l’information constitue une étape essentielle de la pratique journalistique qui ne peut se passer de subjectivité. « Quand je choisis de parler de cette classe plutôt que de la classe d’à côté, est-ce que je ne suis pas en train de dire que cette classe est la plus importante ? » les a questionné l’intervenant pour illustrer son propos. Ce premier atelier aura permis d’inviter les collégien.ne.s à questionner les médias qu’ils consomment au quotidien, mais aussi à leur offrir des clés, des pistes de réflexion et des éléments pratiques utiles à leur projet.

Découverte du journalisme : les jeunes de l'ADAPEI soudés par le projet

Le groupe de death metal nantais Nervous Decay est serein pour la finale du Angers Likes Metal.

Diplômée du Centre Nantais de Journalisme, j'écris principalement sur l'écologie.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017