4 octobre 2018

Quand la cause migratoire s’invite au théâtre

Vendredi 28 et samedi 29 septembre au théâtre du Cyclope, rue du Maréchal Joffre à Nantes, l’actualité a brûlé les planches : la pièce de l’auteur roumain Matei Visniec, « Migraaaants » s’est jouée à guichet fermé. Le délicat sujet des migrants aux portes de l’Europe n’a pas fini de susciter intérêt, interrogation et colère.

Quand la cause migratoire s’invite au théâtre

04 Oct 2018

Vendredi 28 et samedi 29 septembre au théâtre du Cyclope, rue du Maréchal Joffre à Nantes, l’actualité a brûlé les planches : la pièce de l’auteur roumain Matei Visniec, « Migraaaants » s’est jouée à guichet fermé. Le délicat sujet des migrants aux portes de l’Europe n’a pas fini de susciter intérêt, interrogation et colère.

Avec ses élèves comédiens, Laure Mounier , metteur en scène et en charge du Cyclope a frappé fort avec cette pièce de 2016 qui deux ans après reste toujours d’actualité. Le sort des migrants est toujours aussi incertain et très fragile.

« J’ai foncé sans hésitation »

Pour Laure , le choix de la pièce s’est fait naturellement, l’actualité sur les migrants « m’a toujours inquiétée, interrogée » et la pièce de Visniec « correspondait à ma sensibilité ».

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Laure Mounier et ses élèves comédiens

Laure Mounier

« Éveiller une prise de conscience »

L’auteur propose un « vrai témoignage » de ce qui se passe pour ces personnes fuyant leurs pays « d’ une mort certaine ». Visniec « ne fait pas de morale » mais « amène sous les regard du spectateur ce qui se passe » afin de « combattre les fausses idées ou faux préjugés ».

« Il y a l’humour, la dérision , le cynisme »

« Migraaaants » propose aussi des moments plus légers où le spectateur se voit sourire voire rire devant certaines scènes. « Dans l’art on peut rire de tout et Visniec « s’est emparé de l’humour pour dénoncer »».

Manque d’engouement pour la cause migratoire ?

Laure s’interroge malgré tout sur l’intérêt que suscite la cause migratoire, la dernière manifestation sur Nantes le samedi 22 septembre n’ayant regroupé que 1500 personnes. « L’engouement pour combattre, pour être solidaire et dénoncer est pour moi très très faible » déplore-t-elle.

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Alexandra de SOS Méditerranée et Baptiste de l’Aquarius face au public du Cyclope

Karina Bordier

SOS méditérranée et Aquarius témoins directs de la situation migratoire

A l’issue de la représentation de la pièce samedi soir, les spectateurs ont eu le plaisir d’échanger avec Alexandra de l’association européenne de sauvetage en mer, SOS Méditérranée, et Baptiste marin sauveteur sur l’Aquarius, le bateau affrété par SOS Méditérranée et Médecins sans frontières.

« 175 missions et 30 000 vies sauvées »

SOS Méditérannée est « la rencontre d’un marin allemand et d’une humanitaire française  en 2015 » avec une première mission en février 2016.
L’Aquarius est le dernier bateau dédié au sauvetage en mer des migrants.

«Si l’Aquarius n’est plus là on ne raconte plus, on ne montre plus »

La semaine dernière l’Aquarius s’est vu retirer son pavillon par le Panama ce qui a affecté grandement son action humanitaire car sans pavillon il ne pourra plus naviguer. « C’est peut-être ce que beaucoup d’états veulent » s’interroge Alexandra.
Une pétition a été lancée vendredi dernier sur le site de SOS Méditérannée , « Sauver l’Aquarius, c’est le terme utilisé On espère atteindre les 1 millions de signatures »
SOS méditérranée lançe une « mobilisation citoyenne ».

Le 6 Octobre prochain une mobilisation sera organisée . Une « mobilisation citoyenne, européenne nous l’espérons mais au moins nationale », le lieu de rendez-vous à Nantes est le square Daviais, lieu hautement symbolique pour la ville où pendant plusieurs mois des migrants s’y étaient installés. « Nous aimerions la vague orange » couleur de l’Aquarius.

« Je suis Marin de profession et sauveteur par obligation »

Baptiste, 25 ans est marin à bord de l’Aquarius. Chez les marins , il y a ce qu’il nomme la « solidarité des gens de mers ». « Au lieu de leur tendre la main à ces gens dans le besoin, on leur tourne le dos et chez nous les marins ce n’est pas tolérable ».

Les autorités « essaient de  détourner les yeux et leurs moyens »

Baptiste qui a commencé le sauvetage en mer en 2016 nous explique qu’à l’époque il y avait 12 organisations humanitaires sur eaux à qui les autorités européennes affectaient des missions de sauvetages en mer.
Depuis le début de l’année, les autorités européennes « ont fait en sorte de rendre la mission des humanitaires de plus en plus difficile , à l’heure où l’on parle il n’y a plus aucun bateau » à part l’Aquarius.

L’Aquarius en plus de sa mission de sauvetage cherche ainsi également à témoigner de « la réalité des faits »

Dimanche 30 Septembre, les 58 rescapés de l’Aquarius dont 17 femmes et 18 mineurs ont pu enfin être débarqués par les gardes côtes maltais et seront ensuite répartis en France, en Allemagne, en Espagne et au Portugal.

Au vu du succès de la pièce « Migraaaants » et de l’attention du public aux témoignages d’Alexandra et Baptiste, il est fort à parier que ce tandem théâtre et action humanitaire se réuniront de nouveau pour informer et éveiller les consciences sur le sort migratoire.

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L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017