8 janvier 2018

Motion : une performance à l’assaut de l’espace

Le mardi 12 décembre à 20 heures, Fragil a assisté à la nouvelle performance du chorégraphe Brahim Bouchelage à la salle de spectacle Stéréolux à Nantes. Retour sur ce spectacle hiphop.

Motion : une performance à l’assaut de l’espace

08 Jan 2018

Le mardi 12 décembre à 20 heures, Fragil a assisté à la nouvelle performance du chorégraphe Brahim Bouchelage à la salle de spectacle Stéréolux à Nantes. Retour sur ce spectacle hiphop.

C’est un interprète bien connu du milieu de la danse Hiphop qui a travaillé pour de grands chorégraphes tels que Mourad Merzouki et Kader Attou. En 2007, il créé sa propre compagnie Zahrbat. Après plusieurs créations, le spectacle MOTION – Peremishchennya, est créé en février 2017. Cette fois, Brahim Bouchelagem s’entoure de 12 danseurs Ukrainiens, issus pour la plupart des crew Ruffneck Attack et EastSide Bboys, avec lesquels il a travaillé en résidence artistique à Kiev.
Comment peut-on occuper un espace scénique carré de 7 mètres de côté avec 13 danseurs ? C’est une des questions à laquelle répond avec brio cette performance hiphop d’une heure et quart. Ce spectacle est le digne témoin d’une danse qui se démocratise dans les salles de spectacle et qui laisse la place à un véritable hiphop d’auteur, tout en conservant sa marque de fabrique !

Un public hétéroclite

Ce soir les spectateurs sont au rendez-vous ! Pour les programmateurs, les performances de hiphop sont presque toujours l’assurance d’une salle remplie. Cet art américain, originaire des ghettos noirs de la fin des années 70, n’a pas fini d’attirer les foules. Cette performance ne déroge pas à la règle, en témoigne le nombre important de personnes présentes dans l’assistance ! Et puis cet art, auparavant réservé aux « Battles » de rues, a l’avantage de séduire des publics qui proviennent d’univers très différents. On y trouve beaucoup de personnes non habituées des salles de spectacle.

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Stereolux

De la danse, mais pas que…

La scène, un carré de 7×7 mètres, grandit et rapetisse à vue d’œil. On est éblouie par les jeux de lumière. Une manière de ne pas oublier qu’un spectacle de danse n’est pas qu’un enchaînement de mouvements mais bien le mix de plusieurs ingrédients : un jeu de chorégraphie, des effets de lumière, des musiques adéquates… Ici on retrouve tous les éléments réunis pour offrir un spectacle de qualité.

Un mélange de différents styles

Le break dance, style emblématique de la danse hiphop se pare ici d’autres disciplines propres à ce mouvement culturel et artistique originaire des États-Unis. Le Popping (des micro-contractions des muscles combinés à des déplacements plus ou moins rapides), le locking (déclinaison de nombreuses techniques qui reposent sur un travail avec les articulations des bras, des jambes et des poignets), viennent agrémenter cet art de la rue. Une très belle démonstration de popping a lieu pendant la pièce. On découvre, ébahis, un des B-Boys, c’est ainsi qu’on appelle les danseurs de breakdance, qui tel un automate, enchaîne les contractions musculaires sur un rythme très soutenu ! C’est tout simplement époustouflant de voir une succession de mouvements saccadés exécutés avec une telle fluidité.

Un espace totalement réinventé

Des danseurs avancent, certains reculent. Il y a tant de manières d’occuper l’espace et ce sont toutes ces possibilités que souhaite mettre en lumière le chorégraphe Brahim Bouchelagem. Cette recherche et cet approfondissement de l’espace lui sont venus d’une question posée par un spectateur après l’un de ses solos ou, seul, il avait extrêmement bien occupé la scène !

Les danseurs marchent les uns derrière les autres sur des bandes de lumière qui semblent ouvrir un passage piéton infini. J’ai presque l’impression de voir les Beatles marchés sur le célèbre « zebra crossing » d’Abbey road. Le chorégraphe cherche-t-il à reproduire l’image de la pochette mythique de l’album ? Dans tous les cas, le rendu est particulièrement énergique et rythmé. Des adjectifs qui conviennent parfaitement à la description de la pièce dans son ensemble. En effet, les phases lentes et rapides s’alternent avec régularité, ce qui ne laisse aucune place à une quelconque baisse d’énergie ou ennui !
L’espace est divinement bien occupé ! Notre regard est captivé par les différentes formations qui s’enchainent devant nous. Il y a une très bonne alternance entre les solos, les effets groupés et l’occupation de l’espace !

Les danseurs jouent aussi les acrobates en enchainant des figures pyramidales. Cette fois, les combinaisons n’ont pas lieu au sol, comme c’est le cas en breakdance, mais bien en l’air. Ils grimpent les uns sur les autres et les formations se modifient au gré des pulsations.

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Stereolux

Un final de toute beauté

Le final est à la hauteur du spectacle. Tous les danseurs reviennent sur scène pour se présenter. Les interprètes se serrent, au fur et à mesure que le carré de lumière se rétrécit. Ils imposent chacun leur style en effectuant à tour de rôle leur solo. Et puis à la fin, le carré se transforme en véritable générique de film.
La musique emplie la salle maxi de notes électro swing ! On a très envie de se lever, nous aussi, pour suivre les mouvements entrainants… Mon souhait se concrétise, puisque très rapidement, le chorégraphe nous invite à suivre quelques-uns de ses gestes. Je n’étais visiblement pas la seule à attendre cela, vu que le public s’est levé massivement, entrainé par les pulsations de Brahim Bouchelaghem.

Ce spectacle jouit d’une très belle énergie, il n’y a pas de répit et tout s’enchaîne naturellement !
Les danseurs ont l’air de « s’éclater » et on ressent l’énergie des battles ressurgir dans les chorégraphies! L’esprit des rues est toujours bien présent ! Chacun impose son style et les enchaînements chorégraphiés laissent place de temps en temps à de véritables improvisations… une des bases de la breakdance !

Au final, c’est comme si on avait été plongé dans une histoire, une « sorte » de carnet de voyage déplié devant nos yeux. Aujourd’hui, l’art du hiphop réservé auparavant aux battles de rue, est devenu populaire et est un art à part entière capable de faire passer de vives émotions, en témoigne ce spectacle !

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Guide touristique de métier et amoureuse inconditionnelle des mots, Pauline aime raconter des histoires. Chaque paysage, chaque lieu, chaque rencontre est pour elle source d’inspiration. Aventurière dans l’âme, une autre passion l’anime et la suit en voyage… le dessin ! Tel l’inséparable compagnon, son carnet de croquis vit au travers de ses aventures…

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017