25 octobre 2023

« Les secrets du Puy du fou » : journalistes et public se rencontrent

Le reportage "Les secrets du Puy du fou" est le résultat de 9 mois de co-enquête entre deux journalistes de Médiacités et d’Hikari. Le complément d’enquête diffusé à la télévision en septembre, a été projeté mardi 3 octobre dernier, par le club de la presse nantais et le média d’investigation Médiacités dans une des salles du site Désiré-Colombe. Nous avons assisté à un temps d’échange palpitant ouvert à tous·tes, entre les co-auteurs et le public.

« Les secrets du Puy du fou » : journalistes et public se rencontrent

25 Oct 2023

Le reportage "Les secrets du Puy du fou" est le résultat de 9 mois de co-enquête entre deux journalistes de Médiacités et d’Hikari. Le complément d’enquête diffusé à la télévision en septembre, a été projeté mardi 3 octobre dernier, par le club de la presse nantais et le média d’investigation Médiacités dans une des salles du site Désiré-Colombe. Nous avons assisté à un temps d’échange palpitant ouvert à tous·tes, entre les co-auteurs et le public.

Lorsque une enquête locale met à charge le troisième plus grand parc d’attraction de France, dans un département voisin qu’est la Vendée, avec des personnalités politiques connues, elle créé du débat.

Médiacités l’a bien compris et en a profité pour mettre à l’honneur son journaliste Thibault Dumas lors d’une soirée d’investigation. Il a déjà publié en 2020 des articles sur le Puy du Fou, et a été rejoint par Raphaël Tresanini pour nous partager le fruit de leur travail et surtout répondre avec transparence aux diverses questions du public. La projection est pertinente, elle suscite des rires notamment lors des sorties de De Villiers père, et à l’inverse des soufflements face aux réponses floues et maladroites du fils Nicolas De Villiers mis devant certains faits tels que l’exploitation des bénévoles du parc ou encore l’instrumentalisation de l’histoire de la Vendée.

Visionnage du Complément d’Enquête « Les secrets du Puy du fou »

Le bénévolat, l’histoire de la Vendée, débattus avec les investigateurs

Les personnes présentes sont journalistes, étudiant·e·s, adhérent·e·s au club de la presse et des curieux·s·es. Lors du débat, on comprend que certaines personnes sont venues préparées, avec des questions. Trois points en particuliers ont créé du débat : le bénévolat, le récit familial des De Villiers et l’histoire de la Vendée.

« Vous n’avez rien de plus croustillant que la baby-sitter ? »

« Pourquoi les gens donnent autant de leur temps ? », « Vous n’avez rien de plus croustillant que la baby-sitter ? » intervient une personne du public qui souhaite accentuer sur l’aspect positif du bénévolat en accusant les journalistes d’avoir cherché un certain angle. Notamment en référence à l’interview d’une ancienne bénévole, témoignant du besoin de payer des baby-sitter pour pouvoir donner de son temps au parc.

Là, le journaliste de Médiacités, Thibault Dumas affirme qu’ il était «important d’enquêter [sur le bénévolat] car on ne l’aurait jamais su», en référence aux accusations travail dissimulé et preuves présentées dans l’enquête. L’investigateur fait également une comparaison sur le festival du Hellfest, dont il est auteur d’une nouvelle enquête et ajoutera plus tard que «cette question du bénévolat est critiquée par beaucoup ».

Un autre point de tension a émergé lorsqu’une dame originaire de la Vendée qui précise « ne pas avoir de lien avec les de Villiers », bien qu’elle soit autrice de deux livres sur le Puy du Fou, accuse les journalistes d’un travail « lamentable ». Renvoyant au fait « d’avoir instrumentalisé l’histoire familiale » en référence à l’interview de Laurent de Villiers, qui a accusé l’un de ses frères Guillaume de Villiers de l’avoir violé.

L’un des enquêteurs précise qu’ « il y a eu un non lieu dans cette enquête pour viol, mais que c’est lui [Guillaume] qui a fait le choix d’en parler et surtout le père qui en a parlé en premier et non Laurent qui l’a instrumentalisé »

Mais c’est également l’histoire de la Vendée, en tant que « descendante de vendéens massacrés pendant la guerre » de la fin du 17ème siècle qui l’émeut, même si elle affirme, comme la plupart des personnes présentes «être consciente que le terme de « génocide » ne devrait pas être employé» mais qu’elle préfère employer le mot « populicide ».

Là encore, Raphaël Tresanini, journaliste pour Hikari, reconnaît que » 200.000 morts c’est colossal. Mais que ce n’est pas un génocide, mais une guerre civile« .

Échanges entre le public et les deux investigateurs Raphaël Tresanini (visio) et Thibault Dumas

J’ai pu en savoir d’avantage grâce à cette enquête – Chantale, Challandaise

Chantale, Challandaise et ancienne prof de lettres de collège, à la retraite depuis une semaine avait lu les articles Médiacités sur le Puy du Fou, mais n’avait pas visionné le documentaire. Pendant le temps d’échange, elle intervient « je suis vendéenne, j’ai aussi appris qu’il y avait 14 morts dans ma famille liés à cette guerre en Vendée », mais elle s’est avouée « triste de la manière dont les Devilliers traitent le bénévolat« , « qu’ils en profitent et que c’est dommage« . À la sortie, elle se dit « ravie de ce temps d’échange […] j’ai pu en savoir d’avantage grâce à cette enquête ». Avec son mari ils avaient prévu de rester dormir au Puy du fou, elle n’en a plus envie.

Il n’y a pas encore de soirées d’investigations annoncées et organisées par Médiacités, mais vous pouvez rester informé·es des différentes enquêtes et évènements du média nantais sur leur site internet Médiacités.fr.

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23 ans, originaire de Laval, future journaliste ? je suis très attentive et curieuse du monde qui m'entoure ! j'adore faire des playlists à rallonge et écouter les gens parler.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017