28 novembre 2023

Les Impertinant.es : Les nuits nantaises s’annoncent festives et inclusives

Le mardi 28 novembre, le collectif Les impertinant.es organise une table ronde au Labo Diva autour de la question de la mixité choisie sur la scène musicale. Fragil est allé à la rencontre de ce collectif qui milite pour sensibiliser le public nantais aux enjeux féministes.

Les Impertinant.es : Les nuits nantaises s’annoncent festives et inclusives

28 Nov 2023

Le mardi 28 novembre, le collectif Les impertinant.es organise une table ronde au Labo Diva autour de la question de la mixité choisie sur la scène musicale. Fragil est allé à la rencontre de ce collectif qui milite pour sensibiliser le public nantais aux enjeux féministes.

Labo Diva, par un après-midi grisâtre comme on en vit tant à Nantes. Dans ce café-cantine chaleureux et solidaire qui vient d’élire son nouveau domicile sur l’île, se prépare une table ronde aux accents féministes. Les organisatrices, ce sont sept femmes, militantes depuis plusieurs années, qui ont créé il y a un an un projet bien particulier : celui des Impertinant.es, un futur lieu de vie féministe intersectionnel, culturel et engagé nantais. Fragil est allé à la rencontre de quatre membres de ce collectif : Nymphea, Marion, Edith et Aline. A l’heure où nous les rejoignons, elles terminent une de leurs réunions. Et pour cause, il y a encore beaucoup à penser et à organiser pour mettre en place ce projet d’envergure. En attendant d’avoir trouvé le lieu parfait, un endroit qui permettrait d’accueillir en toute sécurité et jusqu’à une heure tardive, des personnes sexisées, les impertinant.es sont déjà à l’œuvre : depuis plusieurs semaines, elles vont à la rencontre du public nantais et organisent des événements qui mettent à l’honneur les artistes sexisées. Un avant-goût de leur future programmation et un moyen de promouvoir les femmes et minorités de genre. Car, une chose est claire, la fête ne se fera pas sans iels. Chez les impertinant.es, la nuit s’annonce festive et inclusive.

Quatre des sept Impertinant.es (de gauche à droite : Nymphea, Marion, Edith, Aline) et leur énergie communicative

Si vous deviez expliquer le projet des Impertinant.es à quelqu’un.e, comment vous le définiriez ? En gros, qu’est ce que vous voulez faire à Nantes ?

Edith : Abolir le patriarcat… ça c’est l’objectif principal ! Et les objectifs secondaires…

Nymphea : … Les moyens mis en place pour y arriver ! C’est vachement l’envie de créer un lieu festif de vie nocturne safe. Et ça, c’était doublement important parce qu’on a visité des lieux où on ne pouvait pas ouvrir après 21h par exemple et, typiquement, ça a été un non. Nous on veut un lieu où on puisse faire la fête jusqu’à 2h. En faisant en sorte que cet espace, il soit safe pour toutes les personnes sexisées.

Aline : Un espace de rencontre, de mise à disposition des locaux pour des associations, des collectifs qui souhaiteraient bénéficier d’espace pour se retrouver. Travailler aussi sur la parentalité, sur les différentes formes de parentalité ! Questionner, débattre… il y aurait en fait plusieurs temporalités dans le projet : en soirée, mais aussi en journée. Permettre d’élargir au maximum le public.

Le logo des Impertinant.es, tout feu tout flamme

« C’est vraiment un lieu pour valoriser, mettre en avant, favoriser la place des personnes sexisées et du coup que ce soit en interne des instances de décision et en externe dans la vie du lieu. Que les personnes sexisées soient en première ligne, qu’elles prennent la place. »

On parle de « Café » pour le moment, mais les impertinant.es, de ce que je comprends, c’est beaucoup plus que ça ?

Marion : Oui, c’est un lieu de rencontre et aussi de sensibilisation aux enjeux féministes, et du coup pour nous ça passe par la mise en place de soirées festives où les personnes sexisées se sentent à l’aise pour faire la fête et se rencontrer de manière informelle. Mais aussi une programmation thématique et engagée autour de ces enjeux féministes. Avec des débats, des conférences, des ateliers animés par des associations autour de sujets comme la parentalité, mais pas que. Le genre de questions qu’on va se poser lors de la table ronde de mardi (Table ronde au labo diva, mardi 28/11 : « Scène féministe : en mixité choisie ? »). Clairement, si on avait un lieu, ça aurait pu être dans la programmation. C’est l’idée d’avoir un cycle de thématiques tout au long de la journée.

Nymphea : C’est quand même un lieu où dans tous les espaces de vie, il y a un choix clair qui a été décidé : il n’y aura pas d’hommes cis dans les espaces décisionnaires. Ils auront tout à fait leur place pour venir boire des coups, mais en tout cas dans les espaces de décision et derrière le bar, c’est non.

Edith : C’est vraiment un lieu pour valoriser, mettre en avant, favoriser la place des personnes sexisées et du coup que ce soit en interne des instances de décision et en externe dans la vie du lieu. Que les personnes sexisées soient en première ligne, qu’elles prennent la place. Que les mecs cis soient en retrait, consommateurs de la programmation. S’ils sont sensibles à ces thématiques, ils ont complètement leurs places pour assister aux ateliers ! Mais ce n’est pas notre cible prioritaire, c’est tout.

Nymphea : Et c’est cool s’ils viennent pour continuer à être sensibilisés.

Edith : Et même aider, financièrement ou autre. On a un fait financement participatif au moins de juin dernier et la campagne de dons est toujours ouverte ! 

La table ronde que vous organisez autour du sujet de l’accessibilité de la scène nantaise aux artistes sexisées, comme vous le disiez, c’est typiquement le genre de choses qu’on retrouvera au programme des Impertinant.es quand vous aurez un lieu, c’est ça ?

Nymphea : Oui, mais quand on aura un lieu, ça ne nous empêchera pas de continuer à programmer des événements « hors les murs » ! Notamment, dans des lieux comme labo diva ou les Ateliers de Bitche qui sont les lieux des copaines : on a envie de les mettre en avant et de partager des moments avec elleux.

Edith : Et puis on n’aura jamais aussi grand que le Labodiva ou que les Ateliers de Bitche !

Marion : il ne faut jamais dire jamais !

« A Nantes, ce n’est pas pire qu’ailleurs ! Il y a de la sensibilisation dans les lieux festifs, mais par contre, un lieu qui est à la fois safe pour faire la fête et qui en plus a la volonté de proposer une programmation socioculturelle autour de ces enjeux, ça manque. »

Un lieu comme ça, inclusif, safe, est-ce que vous trouviez que ça manquait à Nantes ? Vous avez senti qu’il y avait une place pour ce genre d’endroit ?

Edith : Oui, complètement, et d’ailleurs ça fait aussi partie des enjeux féministes. Des moments festifs ou des conférences avec des garderies, par exemple, il y en a de plus en plus mais il n’y en a pas tant que ça non plus. En tant que maman, ce n’est pas toujours facile. Et en termes de soirée, je préfère dépenser mes sous dans un café où je sais que les valeurs défendues sont proches des miennes. Et où on va pouvoir se sentir en sécurité en tant que personne sexisée. Rien que des soirées où il y a de la prévention affichée sur les murs, ça compte. En termes de médiation, il y a des choses qui ont été pensées, notamment lors des soirées Paillette party organisées par le collectif Bubble Gum, ça fait du bien mais ça reste rare. C’est ce genre de soirée où j’ai envie de privilégier mes sorties car j’ai envie de cautionner ça. Mais comme c’est rare, ben il y avait effectivement une place à prendre.

Aline : Et apparemment, on n’est pas les seules à le penser puisqu’il y a eu 230 réponses au questionnaire qu’on a diffusé pour voir les opportunités d’ouverture du lieu, en janvier dernier.

Nymphea : Moi je m’en rendais compte en tant que nantaise, mais avec les retours du questionnaire, j’ai encore pris une claque. Aussi via le nombre de gens qui se sont mis à nous suivre sur les réseaux. Et là, les deux dernières semaines, on a organisé des rencontres dans des bars de Nantes et les retours qu’on a, c’est que les gens ont hâte que ça arrive. Donc il y a une envie et un besoin de lieux comme ça.

Marion : En fait, comme le disait Edith, il y a de plus en plus de bars qui travaillent sur leurs postures d’accueil, contre les violences, et c’est d’ailleurs pas toujours évident de former les équipes car il y un gros turnover. A Nantes, ce n’est pas pire qu’ailleurs ! Il y a de la sensibilisation dans les lieux festifs, mais par contre, un lieu qui est à la fois safe pour faire la fête et qui en plus a la volonté de proposer une programmation socioculturelle autour de ces enjeux, ça manque. En tout cas nous on le pensait et le questionnaire nous l’a confirmé. Et l’attente qu’on voit sur les réseaux sociaux continue de nous le confirmer.

La table ronde se déroulera le mardi 28/11 au Labo Diva. Graphisme : Soa

« On a envie de donner la parole aux personnes concernées. On ne va jamais se poser en expertes à la place de ces personnes-là. En l’occurrence, c’était pertinent de trouver des gens qui ont l’expérience, le point de vue en termes de scène musicale nantaise. »

Mardi soir a donc lieu votre première table ronde au Labo Diva autour du grand sujet : « Scène féministe : en mixité choisie ? » Vous aborderez notamment la question de la non-mixité dans l’espace scénique. Pourquoi cette thématique ?

Marion : C’est assez perso en fait ! C’est en se posant des questions sur notre fonctionnement du café et la place des hommes cis dans le café, comme on le disait tout à l’heure, qu’on est arrivés à la question : et alors sur scène, qu’est ce qu’on fait ? et là… c’était pas unanime !

Nymphea : En fait, on ne veut pas que les mecs cis puissent être là où il y a une possibilité d’avoir du pouvoir : dans les espaces décisionnaires, il y a du pouvoir, derrière le bar il y en a… et sur scène aussi ! Peut-être pas au moment où tu y es, mais quand tu ressors de scène, tu as une sorte d’aura autour de toi et tu peux user de ce pouvoir-là sur quelqu’un. Donc voilà d’où vient la question des mecs cis sur scène. Et du coup on a fait un débat mouvant entre nous sept lors d’une causerie impertinant.e, et on n’était pas d’accord sans être complètement en désaccord. Il y a deux propositions qui sont ressorties à la fin.

Aline : La première, c’est que sur scène il n’y aura que des personnes sexisées. La deuxième proposition, c’est qu’on peut faire venir des hommes cis sur scène mais que s’ils ne sont pas en lead et que s’ils ne sont pas en majorité. On en débat entre nous et notre objectif c’est que la scène soit safe pour les personnes sexisées, sauf qu’on a aucune artiste dans notre groupe d’impertinant.es. Donc le mieux c’est d’aller directement demander leur avis aux artistes sexisées.

Nymphea : On a la chance à Nantes d’avoir un gros réseau de collectifs de personnes sexisées qui se sont créés beaucoup dans le hip hop mais pas que (le collectif Raymonde par exemple). On s’est dit qu’on allait organiser une table ronde, et ça va potentiellement nous donner la ligne de notre programmation future.

Edith : Ça va nourrir nos argumentaires et ce sera plus facile de prendre une décision. Nous on n’a pas de préjugés sur ce qui va ressortir de cette table ronde.

Aline : Ça c’est aussi une des valeurs du café. Le principe qu’on s’est posé c’est de se dire qu’on n’a pas la science infuse et on n’a pas réponse sur tous les sujets, donc qu’on doit s’entourer de personnes qui sont sur ces thématiques là pour nous accompagner sur les prises de décision. On est transparentes, on a conscience de nos limites et de nos biais, et on est toutes attachées à s’aider au maximum des ressources nantaises pour accompagner la définition du projet du café.

Edith : En fait, de manière générale, on a plus envie de donner la parole aux personnes concernées. On ne va jamais se poser en expertes à la place de ces personnes-là. En l’occurrence, c’était pertinent de trouver des gens qui ont l’expérience, le point de vue en termes de scène musicale nantaise. De s’appuyer sur ces expériences-là. La réalité du terrain, quoi !

Vous pouvez nous en dire plus sur les personnes qu’on pourra retrouver mardi soir, du coup ?

Aline : En tout cas, la première décision qui a été prise c’est qu’il n’y aura que des personnes sexisées sur scène, et dans l’organisation !

Nymphea : Dans les intervenantes de mardi, on a fait le choix de n’avoir que des artistes. On s’est posé la question d’inviter des programmatrices, par exemple. Du coup on a deux artistes nantaises et une artiste rennaise : Double C, membre du XXFLY, MC. Rappeuse, Boris Viande multi-instrumentiste et à l’initiative du label Vlad et Solange Maribe, coordinatrice de l’annuaire Majeur.e.s et co-présidente du collectif Raymonde. Ce sera animé par une des impertinant.es, Mathilde, qui est journaliste.

Et vous avez d’autres événements de prévu pour les mois à venir ou vous vous laissez le temps de souffler ?

Marion : Le 30 novembre, on a été sollicitées pour tenir la buvette de l’observatoire départemental des violences faites aux femmes, qui organise une journée autour de cette thématique, à la salle festive Nantes nord. On fait aussi de la prestation, comme pour le festival Les Fameuses en juin dernier. A part ça, on va se concentrer sur le nouvel an qui est une petite orga, quand même.

Effectivement, j’ai pu voir que vous aviez annoncé ce nouvel an impertinant.es aux ateliers de bitche. Pour l’instant, vous n’avez pas donné plus d’informations… elle va ressembler à quoi, cette soirée ?

Nymphea : Les Raymondes viendront y faire une jam en mixité choisie pour le concert live ! Et après on aura un dj set avec deux dj : La diablaaaaa et Fuega.

Marion : On va aussi travailler avec une entrepreneuse qui tient le restaurant Farniente (info), qui est le « plus petit restaurant au monde », c’est comme ça qu’elle le décrit. Elle a une petite caravane devant Scopeli à Rezé. Elle va nous proposer un menu vegan et il y aura une formule sur réservation pour pouvoir manger sur place avant l’ouverture des portes.

Nymphea : On pourra faire la fête jusqu’à 2h et après, pour continuer la soirée, il faut qu’on voit le lien qu’on peut faire avec d’autres lieux.

En tout cas chez Fragil, on a hâte de festoyer avec les Impertinant.es !

Petit récap’ impertinent :

– TABLE RONDE « scène féministe : en mixité choisie ? » avec Solange Maribe, Double C et Boris Viande, animée par Mathilde Doizie.
Où ça ? Au Labo Diva, 23 mail des chantiers, 44000 Nantes
Quand ça ? Mardi 28 novembre à 19h
Accessibilité : une garderie gratuite sera mise en place, de 19h à 21h pour les enfants de 3 à 10 ans

– BUVETTE-CAFE lors de la Journée départementale sur les violences faites aux femmes, événement organisé par l’Observatoire des violences faites aux femmes de Loire-Atlantique
Où ça ? Salle Festive Nantes Nord, 73 avenue du Bout des Landes à Nantes
Quand ça ? Jeudi 30 novembre de 9h à 17h

– NOUVEL AN IMPERTINENT avec le collectif Les Raymondes, la diablaaa et Fuega. Formule repas vegan sur réservation par le restaurant Farniente.
Où ça ? Aux ateliers de Bitche
Quand ça ? Le 31 décembre de 19h à 2h

Un voyage cinématographique entre le Sénégal, l’Inde, Hong Kong et le Vietnam

Sophie Baudry, artiste en broderie contemporaine

Sophie Baudry, de la collection de fils à la confection de broderies d'art

Margaux est arrivée à Nantes il y a quelques mois pour se lancer dans la vie tumultueuse d'illustrautrice, après quelques années parisiennes en tant qu'éditrice jeunesse. Elle aime écrire des BD rigolotes et a une vive inclination pour les livres, l'art et le féminisme.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017