19 mai 2020

Les ateliers confinés : de l’utilité de comprendre certains mécanismes

Troisième semaine des ateliers confinés, avec comme chaque semaine quatre ateliers prévus mais celui de vendredi a été annulé faute de participant.es.

Les ateliers confinés : de l’utilité de comprendre certains mécanismes

19 Mai 2020

Troisième semaine des ateliers confinés, avec comme chaque semaine quatre ateliers prévus mais celui de vendredi a été annulé faute de participant.es.

Cette semaine, Fragil propose la suite de l’atelier podcast, un quiz sur les théories des complots et un atelier “désossage d’articles” qui a été proposé pour la première fois par l’association à la demande d’Elisabeth, contributrice chez Fragil.

Mardi 21 avril : Atelier d’initiation au podcast audio n°2

Les participant.es n’ont pour la majorité pas d’expérience dans le podcast et le montage. Certaines personnes présentes à l’atelier n°1 ne sont pas présentes à ce deuxième atelier. D’autres personnes en revanche viennent à celui-ci sans avoir pu assister au premier : “D’un point de vue technique, c’était très intéressant, dommage que j’ai pas pu participer au premier atelier pour avoir plus d’éléments”. L’atelier débute par un rafraichissement de mémoire sur ce qu’il faut en amont pour faire un podcast : cadrage, ligne éditoriale etc..

Deux groupes sont ensuite formés dans le but de créer deux podcasts collaboratifs, soit sur le sujet des animaux et du confinement, soit sur celui de l’écologie à Nantes. Chaque groupe, de quatre à cinq personnes, écrit ses idées sur un document partagé. L’idée est de donner à chacun.e un rôle et de créer un vrai podcast avec intro et outro. La communication n’est pas la même entre les deux groupes, un des groupes ayant eu plus de mal : “Le fait de pas pouvoir parler, c’est compliqué, on sait pas ou vont les autres” de l’avis d’une participante. Une autre participante dira en fin d’atelier : “Effectivement, sur le groupe des animaux, peut-être manque de communication donc ça a été moins fluide”. Malgré finalement la liberté de pouvoir parler sur Zoom.

Après avoir pris du temps pour enregistrer les podcasts respectifs, ils sont envoyés à Romane, salariée chez Fragil. En partage d’écran, elle monte les podcasts sur le logiciel Audacity, l’occasion de discuter collectivement du montage. On s’attarde surtout à la “normalisation”, il s’agit de mettre tous les podcasts enregistrés à un niveau sonore équivalent, de calibrer les voix. Vu la différence d’enregistrement entre personnes qui parlent plus proche ou plus loin du micro, mais aussi avec la qualité différente des micros.

Normalisation difficile du podcast « Animaux et confinement » avec des enregistrements plus hauts et plus bas selon la qualité du micro, la distance entre le micro et la bouche etc..

Une partie sur le montage appréciée des participant.es qui s’initiaient pour la majorité au logiciel Audacity : “C’était intéressant de voir le montage de différentes parties, essayer de faire quelque chose de cohérent”. D’ailleurs, à la fin de l’atelier, beaucoup de questions concernent Audacity et son fonctionnement. Le conseil est simple : aller voir des tutoriels sur youtube et bidouiller ! En tout cas, l’idée de créer des podcasts va suivre, certaines personnes ayant émis l’idée d’en faire par la suite : “C’était cool à faire et ça donne envie d’en refaire”. D’ailleurs, un projet dans ce sens a vu le jour : “Education 2.0 : La place du numérique dans l’éducation” et dont l’épisode 1 est disponible sur le site de Fragil !

Mercredi 22 avril : Quiz sur les théories du complot

Pour ce quiz, les participant.es sont majoritairement issu.es du réseau amical de François-Xavier, qui anime l’atelier. Avec des participant.es intéressé.es par le sujet, certain.es étant déjà tombé.es dans le piège de ces théories. En témoigne une participante “Je me fais avoir par certaines théories, donc je viens ici”.

Le début du quiz revient sur la différence fondamentale à faire entre théories du complot et complots. Tandis que les complots sont avérés dans l’histoire, comme le meurtre de Jules César par des sénateurs romains, une théorie du complot, quant à elle, va tenter de trouver une rationalité historique pour expliquer qu’un groupe est derrière une action.

La question sur l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy permet de débattre sur les effets d’internet. A cette question, tout le monde s’est trompé en répondant qu’une théorie du complot était apparue soit 27 minutes soit 27 h après son assassinat. En réalité, la première est apparue presque un mois plus tard. Une réflexion sur internet est ainsi lancée. Comme internet n’existait pas à l’époque, il n’était pas possible d’écrire et diffuser une théorie dans la seconde. La réflexion s’étale aux attentats du 11 septembre 2001. A ce moment là, le marché du complotisme n’était pas aussi développé qu’aujourd’hui puisqu’il fallait pouvoir accéder aux grands médias pour avoir la parole publique.

Une autre question à laquelle presque tout le monde se trompe, sauf un participant, permet d’amener du débat (la dernière question). Cette question interroge la croyance en l’existence d’un Graal au Proche-Orient selon la classe sociale à laquelle on appartient. On pourrait penser que les catégories les plus pauvres sont plus poreuses aux théories du complot alors que c’est justement l’inverse. Cette statistique remet en cause l’intervention d’un participant qui expliquait plus tôt dans le quiz que les personnes les plus poreuses à ces théories étaient justement des personnes seules, au chômage. En effet, l’éducation amène la capacité à douter et donc celle de croire à de nouvelles choses.

Enfin, l’objectivité dans le journalisme est débattue à la fin de l’atelier. Suite au commentaire d’un participant qui explique trouver difficile de se faire son avis puisque “avec le coronavirus tous les médias donnent leur avis” selon lui.

Jeudi 23 avril : Atelier “désossage d’articles”

Pour cet atelier, réalisé pour la première fois par Fragil, trois articles sont analysés. Une participation moins importante pour cet atelier puisqu’il y a 3 participant.es, dont Élisabeth, contributrice chez Fragil, qui avait émis l’idée de faire cet atelier pour mieux comprendre la construction d’un article.

On apprend à faire du “reverse engineering” d’articles. Le reverse engineering est “l’activité qui consiste à étudier un objet pour en déterminer le fonctionnement interne ou la méthode de fabrication”. C’est un exercice qui a plu puisqu’il a permis de déconstruire des articles et de comprendre comment ils ont été écrits. C’est ce que dit une participante : “Je trouve intéressant de s’approprier le mécanisme de questionnement sur l’article, sur comment c’est dit, qui parle. Je trouve que c’est un mécanisme de réflexe dans la tête qui fait qu’on se pose les bonnes questions”

Le premier article étudié a été publié sur Konbini à propos du prochain film de Sofia Coppola avec Bill Muray. La journaliste a ici repris des informations d’un article déjà existant, mais en anglais. Elle n’apporte donc pas d’informations supplémentaires et se centre sur la réunion entre Sofia Coppola et Bill Murray.

Le deuxième article, du Figaro, intitulé “Castaner relativise l’ampleur des violences en banlieues” revient sur les évènements post Villeneuve-la-Garenne. Dans cet article, les sources viennent uniquement de la police et du ministre de l’Intérieur. On voit ici l’intérêt de croiser les sources puisqu’on a seulement l’avis de la police et de son chef. La comparaison est faite avec un article de Ouest-France, lu par une contributrice, qui lui donne la parole aux habitants et aux associations en plus de la police.

Le troisième article, publié sur Le Monde, revient sur le déficit de la Sécurité sociale avec le coronavirus. Ici, c’est un exemple d’article avec plusieurs sources. Néanmoins, malgré trois sources politiques différentes, le spectre reste centre-droit et centre-gauche. Durant l’analyse de cet article, l’importance des citations est évoquée. Elles protègent en effet les journalistes d’être accusés de donner leurs opinions en rapportant simplement les paroles de la source en question. Et si on ne peut appuyer un jugement, on évitera l’écriture généralisante comme “tout le monde sait que” ou “beaucoup de personnes pensent que”.

L’atelier a abordé différents thèmes liés au journalisme comme, d’après le retour d’une participante “La différence entre communication et information”  qui lui “permet d’analyser plus précisément une information”. Cet atelier permet aussi de désacraliser le travail de journaliste dans le sens ou pour aller chercher de l’information, cela peut passer par un témoignage par texte, par facebook et que une source déjà utilisée peut être réutilisée. On prend l’exemple de l’interview de Christophe Castaner évoquée dans le deuxième article, Le Figaro a choisi d’extraire certaines phrases mais un.e autre journaliste aurait probablement mis en avant d’autres éléments. Donc, une même source peut constituer une interprétation différente selon l’angle choisi.

Quiz sur les théories du complot :

Syndicalisme à Broadway

The Voice, "un truc de ouf" !

En service civique et originaire de Perpignan. Tout ce qui tourne autour de la politique m'intéresse, grand amateur de science fiction et de dystopies. J'écris principalement sur les ateliers d'éducation aux médias et au numérique.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017