31 janvier 2023

La Folle Journée se fait entendre dans les campagnes grâce à la Région

Pas besoin d’aller à Nantes pour assister à la Folle Journée. Depuis 20 ans, des musicien·nes se déplacent dans d’autres villes des Pays de la Loire. Mais cette année, ils et elles vont aussi dans les petites communes rurales avec une scène mobile.

La Folle Journée se fait entendre dans les campagnes grâce à la Région

31 Jan 2023

Pas besoin d’aller à Nantes pour assister à la Folle Journée. Depuis 20 ans, des musicien·nes se déplacent dans d’autres villes des Pays de la Loire. Mais cette année, ils et elles vont aussi dans les petites communes rurales avec une scène mobile.

Il est 8h30 ce vendredi. Le jour vient tout juste de se lever à Drefféac, une commune de 2 300 habitant·es située près de Pontchâteau, à 50 km de Nantes. Ici, point de salle de spectacle. Alors quand un car vient s’installer sur la place de l’église pour jouer de la musique baroque, c’est un évènement.

« J’ai su hier soir par ma fille qu’il y avait un super camion qui arrivait ce matin » confie cette mère de famille croisée dans la rue. « Elle m’a dit qu’il y aurait un spectacle et un goûter, qu’elle y venait avec l’école. Elle m’en a parlé 5 à 6 fois et je trouve ça super ».

Le maire, Phillipe Jouny, est là sur le parvis. Il attend les musiciens de l’Ensemble Masque pour les accueillir comme il se doit.

8h45. Un poids lourd bariolé aux couleurs de la région Pays de la Loire pointe le bout de son nez, hésite à s’engager sur la place, s’éloigne puis fait demi-tour pour revenir à l’endroit réservé. Le maire le guide et l’invite à prendre un café.

Le car itinérant aux couleurs de la région Pays de la Loire

La course contre la montre

« Merci bien mais je n’ai pas le temps » lui répond le chauffeur en sautant du camion. « Je dois installer la scène mobile ».

Accrocher les escaliers d’accès, se brancher au compteur électrique, allumer les lumières, mettre en chauffe l’intérieur, placer le clavecin comme il faut, redresser les sièges. En 10 minutes chrono, tout doit être prêt.

9h. Les trois musiciens débarquent d’une voiture avec leurs instruments. Olivier Fortin s’empresse d’aller accorder son clavecin. Simon Pierre va s’échauffer dans une salle de la mairie. Il étire son cou et ses épaules. Il respire lentement et profondément. « Le matin, on est un peu raide » avoue-t-il. « Et comme il faut pouvoir bouger dans tous les sens, on a besoin de se détendre ».

Olivier accorde son clavecin avant chaque spectacle

Un divertissement pour les scolaires

9h45. Les élèves de l’école primaire de l’Arbre Enchanté sont déjà là, bien rangé·es en file indienne. À l’intérieur du camion transformé en petite salle de spectacle, les musiciens révisent leur partition et leur texte. Pour les jeunes scolaires, ils ont mis au point un divertissement. En une heure, ils vont leur raconter la journée d’un roi, une journée réglée comme du papier à musique : lever, toilette, repas, musique, chasse. Des scènes entrecoupées de musique baroque.

10h. Le jeune public entre dans le camion, découvre les lieux, s’assoit sur les 38 sièges qui leur sont destinés. Un drôle de personnage avec une couronne en papier leur raconte la vie de Louis XIV. Les élèves écoutent, rient, se prennent au jeu et à la fin de la représentation, les trois musiciens présentent leurs drôles d’instruments.

La leçon de musique baroque

« Savez-vous comment s’appelle cette espèce de piano ? » interroge Olivier Fortin. Quelques mains se lèvent. « Un clavecin » répond un des élèves. « Et savez-vous comment il émet du son ? » poursuit le chef de file de l’Ensemble Masque. Grand silence. « Grâce à des cordes que l’on pince » leur dévoile-t-il.

Puis c’est au tour du violoniste d’apprendre aux jeunes les mystères du son qu’il produit. « À votre avis, de quoi sont faites les cordes de mon archet ? » lance Simon Pierre à la foule de jeunes curieux et curieuses. « De queue de cheval. Sans tous ces crins, je n’arriverais pas à accrocher les cordes ». Stupéfaction dans la salle.

Dernière partie de ce quiz musical : trouver le nom de cet instrument qui ressemble fort à un violoncelle. « Une viole de gambe » finit par trouver un élève après plusieurs tentatives infructueuses de ses camarades. Et voilà qu’Etienne Floutier se met à jouer de la viole comme une guitare. Étonnant.

11h. Fin de la séance. Le compte à rebours est commencé. Le camion est attendu à 14h30 à Guémené Penfao et à 19h à Vay. Il ne faut pas trainer. Emmanuel Rousset, le chauffeur, replie tout, se débranche et file vers sa prochaine destination tandis que les musiciens vont rapidement saluer ceux qui les ont accueillis.

Un scène mobile de 38 places pour sillonner les Pays de la Loire

Mission réussie

Le maire de Drefféac est aux anges. Il ne pouvait pas rêver mieux pour ouvrir l’esprit de ses administré·es. « Si la folle Journée revient l’an prochain, je saisirai à nouveau l’opportunité » glisse-t-il avant d’ajouter. « En 2023, on va aménager un théâtre de verdure pour faire de la culture en plein air ».

Satisfaction aussi pour le directeur de l’école publique du village, Pierre André. « Les élèves ont été réceptifs. D’habitude, ils se contentent de regarder des spectacles devant un écran télé. Là, ils ont vu ce qu’était un spectacle vivant ».

Mission accomplie enfin pour la région Pays de la Loire qui finance cette opération de décentralisation comme le précise leur communiqué de presse : «Être partout et pour tous, c’est notre devise. Aller à la rencontre du public, provoquer des rencontres en proximité, c’est notre volonté».

Avec cette scène itinérante, 14 communes et 5 départements ont bénéficié de cette nouvelle initiative entre le 25 et le 29 janvier. Une action culturelle dans l’esprit de René Martin, le fondateur de cette Folle Journée.

La formule va bientôt fêter ses 30 bougies et elle connaît toujours le même succès. Sa recette est simple : démocratiser la musique classique, l’amener hors les murs et éduquer les publics éloignés à cette musique savante.

Soeurs et réfugiées ukrainiennes

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Quatre jours pour initier des pros à l'éducation aux médias

Quand on a été journaliste pendant plus de 30 ans à France 3, que l'on s'est enrichi de belles rencontres et de découvertes, on a envie de continuer à partager sa curiosité et son ouverture d'esprit avec d'autres. En travaillant bénévolement à Fragil, on peut continuer à se cultiver en toute liberté. Ca donne du sens à un retraité devenu journaliste honoraire.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017