26 mars 2020

Insécurité à Nantes le soir : inquiétude grandissante dans les milieux étudiants et professionnels

À l’approche des élections municipales, étudiants et commerçants semblent particulièrement attentifs aux propositions des candidats sur leur sécurité. Questionnement et point sur un sentiment d’insécurité grandissant chez les jeunes Nantais et Nantaises.

Insécurité à Nantes le soir : inquiétude grandissante dans les milieux étudiants et professionnels

26 Mar 2020

À l’approche des élections municipales, étudiants et commerçants semblent particulièrement attentifs aux propositions des candidats sur leur sécurité. Questionnement et point sur un sentiment d’insécurité grandissant chez les jeunes Nantais et Nantaises.

« Quand je suis là bas je ne suis pas à l’aise »

C’était il y a 10 mois. Un homme était tué par balle dans un bar à chicha le 23 mars 2019 en pleine nuit dans le centre-ville de Nantes. Un événement d’une rare brutalité qui témoigne d’une recrudescence de violence ces dernières années dans Nantes. Comme le montrent ces chiffres du gouvernement, c’est tout le département de la Loire Atlantique qui est concerné par cette hausse de violence. Une augmentation du nombre de coups et blessures chiffrée à 8,2% en deux ans. Sur le sol nantais, ce sont les autorités judiciaires qui confiaient leurs inquiétudes lors de la rentrée au tribunal judiciaire le 16 janvier 2020. Le Procureur de la République, Pierre Sennes, avait alors déclaré que «tous les clignotants sont au rouge», confirmant le ressenti des habitants.

Mais en cette année 2020, ce sont les violences sexuelles qui sont source d’inquiétude particulièrement chez les étudiantes, comme nous le confie Selma : «J’ai l’impression que Nantes devient une ville de plus en plus violente, que cela se dégrade surtout le soir au niveau de Bouffay, Commerce. Quand je vais là-bas, je crois qu’il n’y a pas une fois sans qu’un homme me siffle ou vient m’aborder, quand je suis là-bas je ne suis pas à l’aise.» Les chiffres sur ce type de violences ne sont pas moins alarmants en Pays-de-la-Loire puisqu’ils ont augmenté de 13,2% entre 2018 et 2019 (chiffres gouvernement).

Mais Pierre Sennes se veut rassurant sur ce sujet «Désormais, les plaintes sont systématiquement reçues et une enquête judiciaire doit être ouverte pour toute information parvenue aux services de police ou gendarmerie sur l’existence de violences faites aux femmes.» Un discours et des actions appréciés mais s’expliquant par l’arrivée à grands pas des élections municipales selon une étudiante nantaise: «Cela craint beaucoup à Nantes mais au vu des futures élections, il y a plus de policiers ; néanmoins c’est seulement pour pouvoir faire bonne figure au vu des municipales à mon avis : il y a un véritable problème d’insécurité dans cette ville.» En effet la présence des forces de l’ordre en cette période électorale est à souligner mais son absence en temps normal doit l’être aussi selon Ilyana «Il n’y a pas trop de sécurité je trouve, pas beaucoup de forces de l’ordre le soir alors qu’il y a pleins d’agressions.»

« Je ne me sens pas forcément moins en sécurité qu’ailleurs »

Bien que les chiffres soient clairs, les étudiants sont eux plus divisés sur le sujet, une division qui se caractérise par les lieux des sorties nocturnes comme l’affirme Théo «Tout est relatif, disons qu’il y a des lieux d’insécurité… Disons que je commence à y être habitué, il ne m’est jamais rien arrivé de spécial, bien que l’ambiance soit plus pesante c’est vrai autour de Commerce et dans les secteurs du Quai de la fosse et des Machines de l’île passé 23 heures. Mais pour ce qui concerne le reste du centre pour ma part je ne me sens pas forcément moins en sécurité qu’ailleurs.»

Il y a aussi une division, certes minime, entre les sexes. En effet les jeunes femmes semblent plus réticentes que les jeunes hommes quant à l’idée de sortir le soir. Une explication semble ressortir du lot : la crainte des remarques et des agressions qui les accompagnent. Et cette explication provient malheureusement souvent d’expériences comme celle que nous a confié Yasmine «Je rentrais un vendredi vers 22h30-23h, et en attendant le tram à Commerce, un grand monsieur arrive canette de bière à la main. Il s’est mis à me parler en arabe que je comprends en me disant « ma chérie », tout en s’avançant vers moi. J’ai alors reculé mais il insistait en me demandant où j’allais et ce que je faisais. J’ai alors tourné la tête vers un monsieur et une dame qui n’étaient pas loin en me disant que quelqu’un allait réagir. Avant qu’il me touche la dame est intervenue en disant « vous ne voyez pas qu’elle ne veut pas vous parler, vous allez partir, vous ne voyez pas qu’elle n’a pas très envie ? ». Il a alors affirmé me connaître, m’a demandé si cette dame était ma maman. Cette dernière m’a raccompagné jusqu’à Beauséjour, où j’ai pu rentrer chez moi très choquée. Ce qui m’a marqué c’est qu’il y avait un homme à côté qui n’a pas réagi alors qu’il s’était rendu compte de la situation.»

Une situation générale que certains jeunes hommes arrivent à relativiser comme Paul-Antoine lui aussi étudiant à Nantes «Je ne sais pas si cela s’aggrave car cela fait un moment que ça craint.» Pour d’autres, la sécurité de ces sorties peut s’assurer avec le simple fait de le faire toujours en groupe, c’est ce que confirme Gabin : «Je ne me suis jamais fait agresser parce que je bouge toujours en groupe mais souvent il y a des gens qui t’accostent juste dans l’optique de s’embrouiller quand tu sors de boîte ou autre, et dans ces moments là, t’es content d’être sortis avec toute ta bande de potes et pas tout seul.»

« À chaque fois que je rentre, j’ai ma lacrymo dans ma poche »

Les travailleurs de nuit du centre-ville dénoncent eux leurs conditions de travail qui se dégradent au fil des mois. Le mercredi 29 janvier 2020 ils étaient environ 200 réunis place Royale pour dénoncer une augmentation des agressions dont ils sont régulièrement témoins ou victimes. Leur inquiétude grandit comme avait témoigné Romane, jeune barman, à actu.fr : «À chaque fois que je rentre à 3h du matin, j’ai ma lacrymo dans ma poche et mes clés dans l’autre, au cas-où».

200 commerçants rassemblés place Royale le 29 Janvier 2020.

La lacrymogène dans la poche, raccompagner ses serveurs à leur voiture ou même circuler en groupe, nombreuses sont les solutions trouvées par les Nantais, travailleurs de nuit ou non, pour assurer leur sécurité le soir. Afin d’améliorer cette situation mais aussi de la dénoncer il y a aujourd’hui une méthode qui regroupe plus de 10 000 personnes : un groupe Facebook nommé La sécurité rose à Nantes. L’objectif du groupe est de «recueillir les doléances de tous les Nantais sur la sécurité» selon la description fournie par son créateur. Un groupe créé début décembre 2019 avec à l’origine du projet un membre de la liste de Laurence Garnier (les républicains) principale rivale de Johanna Rolland à la mairie de Nantes. Comme quoi le jeu politique n’est jamais très loin…

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L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017