13 novembre 2018

Être artiste, un métier non reconnu

“Tu veux être écrivain , danseur, sculpteur … plus tard ?” Mais ce n’est pas un métier ! A nous aspirants chanteur, écrivain, peintre... c’est une réponse que nos proches et nos professeurs nous ont tous donné à un moment de notre vie. Pourtant, même s’il est très difficile de vivre de son art, l’artiste est indispensable à la société. Les gens ont besoin de lire, d’aller au théâtre etc... pour réfléchir, se cultiver, se divertir, et tout simplement être heureux et épanouis. Alors, pourquoi artiste ne serait-il pas un métier reconnu comme n’importe quel autre ?

Être artiste, un métier non reconnu

13 Nov 2018

“Tu veux être écrivain , danseur, sculpteur … plus tard ?” Mais ce n’est pas un métier ! A nous aspirants chanteur, écrivain, peintre... c’est une réponse que nos proches et nos professeurs nous ont tous donné à un moment de notre vie. Pourtant, même s’il est très difficile de vivre de son art, l’artiste est indispensable à la société. Les gens ont besoin de lire, d’aller au théâtre etc... pour réfléchir, se cultiver, se divertir, et tout simplement être heureux et épanouis. Alors, pourquoi artiste ne serait-il pas un métier reconnu comme n’importe quel autre ?

« Ah oui tu chantes ? Mais c’est une passion ou un métier ? »
Sandra a alors répondu : “ C’est un métier non rémunéré qui occupe les trois quarts de mon temps. Le quatrième quart étant consacré à la survie alimentaire.”

Un métier très précaire

Un artiste gagne difficilement de l’argent par l’exercice de son art. Un auteur même s’il a un petit succès touchera environ sept pour cent des ventes de son livre et ne sera payé qu’une fois par an par son éditeur. Comme l’explique l’auteur jeunesse Guillaume Guéraud dans sa chaine Youtube, un artiste ne vit pas d’amour et d’eau fraîche mais d’électricité et de factures.

Un artiste est un être humain comme les autres, il doit s’habiller, manger, se loger, élever des enfants.. et a besoin d’un salaire minimum pour le faire. « Mais c’est ta passion ! » est toujours la réponse des autres, qui considèrent qu’ être artiste n’est pas un métier. Un artiste est payé en gratifications, seulement en reconnaissance morale. Il fait ce qu’il aime et a de la chance. Malgré le caractère particulier et exceptionnel de sa profession : pouvoir créer librement, un artiste ne se sent pas du tout soutenu par la société et même parfois par ses proches : “Fais un métier plus normal, plus stable !” entend souvent l’artiste. En plus d’être dans une situation difficile, il peut se sous estimer à cause de ces remarques culpabilisantes.

Un métier qui prend du temps

“Je suis parfois critiquée par mon entourage quand je dis que je suis artiste. Très peu payée, je suis inscrite à “Pôle Emploi”, alors que je ne suis pas chômeuse . Je travaille du matin au soir ! J’écris, fais des recherches et je m’occupe aussi de la promotion de mes livres déjà publiés. Je suis obligée de chercher des petits boulots pour survivre : distribuer des tracts, faire du ménage… Au lieu de m’aider, ces boulots d’étudiantes me font ressentir combien ma situation est précaire “ raconte Mélodie, auteure de 24 ans

Nombre d’artistes sont obligés de multiplier les petits jobs. La société peine à accepter qu’être artiste est un métier à part entière. Il est exercé à plein temps. On a la vision de l’artiste romantique qui crée son tableau ou son ouvrage en une nuit dans un jet d’inspiration. Or un artiste doit construire mentalement son œuvre, l’élaborer, le retravailler encore et encore… Le travail est en réalité considérable et peut prendre plusieurs années.

“ Je compte entre deux ans et cinq ans pour l’écriture de mon livre. Parfois, je suis payé d’avance par mon éditeur mais cela ne me fait que 80 euros par mois.” témoigne Jean, 30 ans.

Protéger les artistes

Si un artiste percevait un salaire tous les mois, ne serait-ce que le SMIC, et non pas une bourse très aléatoire, les artistes auraient les moyens nécessaires de créer pour les autres et de vivre.

“ Je suis pour le revenu universel. Cela aiderait considérablement les artistes à vivre dans la dignité. Car imaginons que j’aie un projet d’écriture qui nécessite un travail sur des années et que celui-ci ne soit pas accepté par un éditeur, je n’aurai rien gagné alors que j’aurai produit du travail ! Ma recherche d’écriture doit être aussi considérée comme un travail et pas seulement le nombre de ventes d’un produit fini… “ explique Mélodie.

La dérive commerciale

Ne sont reconnus que les artistes à très grand succès. Nous sommes dans une société capitaliste. Le système pousse les artistes à se battre les uns contre les autres pour atteindre le succès. Est-ce vraiment le but de l’art ? Le danger pour un artiste aujourd’hui est de rechercher le succès commercial plutôt que de privilégier son travail de créateur. La société l’y oblige pourtant. L’artiste à succès décroche alors un statut, il vend et bénéficie de tous les moyens de communication comme tout produit commercial. Or les artistes ne peuvent être mis en concurrence les uns avec les autres.

En voulant vendre et plaire au plus grand nombre, l’artiste perd sa singularité. Sa recherche doit rester libre. Seul un revenu minimum pourrait garantir la liberté des artistes.

Un parcours du combattant mais pourtant…

Certaines personnes ne peuvent qu’être artiste. Elles sont faites pour ça. Et heureusement car on a besoin de l’art dans notre vie de tous les jours : les artistes, en exprimant leur sensibilité, en délivrant leur message au monde, leur vision du monde, nous font rêver, rire, nous donnent de l’élan et de l’espoir, nous révèlent à nous-mêmes. Les artistes touchent à ce qu’il y a de plus humain en nous. Un artiste n’est pas un être égoiste. Par l’intermédiaire de son art, il cherche à se connecter aux autres et au monde. Il nous fait réfléchir, nous éclaire.

“ Je suis contente quand je reçois des messages de personnes qui ont lu mes livres et me donnent leur avis. Nous échangeons alors sur différents thèmes. J’ai même fait des rencontres et appris des autres grâce à mes ouvrages. Je me rends compte qu’en écrivant, je cherche une connexion avec les autres. Un livre est comme une bouteille à la mer. “ , pour Mélodie, 24 ans.

Parfois dans les pires conditions, l’artiste trouve le moyen de chanter, danser, peindre, écrire, porté par sa passion, son engagement. La société ne lui prévoit aucune aide : c’est le prix de sa liberté. Or, se passer de l’art c’est aussi se passer de liberté, pour tous. A travers son art, l’artiste donne le moyen aux autres d’exprimer aussi leurs pensées, leurs réflexions, et propres créativités… Tout le monde a besoin d’art pour vivre. L’art est essentiel.

Sources :

Profession ? Ecrivain, Cécile Rabot et Gisèle Sapiro
Vivre de son art, Laurence Bourgeois

Jeune auteure de 23 ans, j'ai publié trois livres aux éditions Fabert : Et il me dit : "Pourquoi tu rigoles jamais Blanche ?", un récit-témoignage sur le harcèlement scolaire, "Chair et âme" qui traite d'hypersexualisation de la société, et "Luciole", une histoire d'amour entre deux adolescents. J'écris sur mes propres expériences et aborde dans mes livres les problèmes de société qui touchent les jeunes d'aujourd'hui. Je fais également des interventions sur les thèmes de l'hypersexualisation, du consentement sexuel etc

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017