• Equipe du Vlipp
19 novembre 2025

Au Vlipp : « On ne sait pas comment payer les salaires de janvier »

Jusqu’au 12 décembre, l’association Le Vlipp lance un appel aux dons de 8 000 €. Une campagne de dernier recours pour espérer « passer l’hiver » dans un contexte économique précaire. Fragil est allé à la rencontre de ce média associatif nantais pour comprendre cette demande d'aide.

Au Vlipp : « On ne sait pas comment payer les salaires de janvier »

19 Nov 2025

Jusqu’au 12 décembre, l’association Le Vlipp lance un appel aux dons de 8 000 €. Une campagne de dernier recours pour espérer « passer l’hiver » dans un contexte économique précaire. Fragil est allé à la rencontre de ce média associatif nantais pour comprendre cette demande d'aide.

« Là il faut ramener de l’argent à tout prix. » Le 20 octobre, l’association le Vlipp publie une campagne de dons sur ces réseaux sociaux intitulée « Sauvez le Vlipp ». L’objectif : récolter 8 000€ avant le 12 décembre. Huit semaines décisives pour l’activité de cette structure d’éducation populaire et d’éducation aux médias.

La campagne de dons, un dernier recours

Le Vlipp accumule un déficit depuis plusieurs années, dans un contexte où les structures associatives s’essoufflent : en 2025, 70% des associations employeuses ont des fonds propres au montant fragile ou nul, un tiers des associations ont moins de 3 mois de trésorerie d’avance. Un bilan qui estime que près de 90 000 emplois seraient menacés pour les associations faute de trésorerie selon cette étude du Mouvement associatif. Le Vlipp n’a pas échappé à cette spirale. Pour Marion Durand, coordinatrice de rédaction depuis six mois, la réponse est claire : « L’appel aux dons, c’est un peu le dernier recours de l’association. »

Cet été, l’association a dû supprimer un poste de chargée de communication et de médiation. « On essaie de faire des économies sur tous les leviers possibles. » Suppression de l’accueil des volontaires en service civique, du prestataire externe pour gérer le site web et de la newsletter. Mais ces ajustements ne suffisent plus. Les financements publics se réduisent ou arrivent tardivement : « On attend surtout les subventions majeures de février 2026. »

Equipe du Vlipp dans les bureaux.

« Moi je suis arrivée il y a six mois, mais mes collègues eu ont la fatigue d’une situation qui dure depuis un an. » explique Marion Durand. Photo prise par Ambre Guitton le 18/11/2025.

Un changement de stratégie pour se relever

Le Pass culture, autrefois une source importante d’autofinancement via les ateliers EMI, a chuté drastiquement. « On nous dit souvent : on aimerait vous faire intervenir mais on n’a plus aucun moyen. » Même les partenaires habituels manquent de ressources. Pour tenir, le Vlipp a du revoir sa stratégie et l’axe sur les prestations.

« À la base, on privilégie le projet associatif porté par et pour les jeunes. Les activités annexes qui permettent de ramener de l’argent pour autofinancer l’association avaient été reléguées au second plan. Le projet associatif est trop important et on voulait mettre toute notre énergie dedans. C’est un choix qui colle avec nos valeurs mais là on est obligé de revoir ça et de passer plus de temps sur la vente de prestation en éducations aux médias ou de vidéos pour renflouer un peu les caisses. », avoue Marion et ajoute aussi : « dans un monde idéal on ne mettrait pas autant d’énergie dans ces prestations parce qu’on devrait pouvoir tenir avec le reste. »

 

Portrait Marion Durand

Si la campagne stagne, Marion Durand reste touché par ce qui a déjà été collecté. « On a reçu plein de messages qui nous font très chaud au coeur. » Photo par Ambre Guitton, le 18/11/2025.

Un enjeu vital pour les prochains mois

Dans ce contexte, les 8 000 € demandés permettront à l’association de se « stabiliser pour cet hiver ». « Le montant est une estimation entre ce qu’on aura en déficit en janvier et ce qui nous semblait raisonnable de demander. Dans un monde idéal, on aurait sollicité 12 000 €. »

La collecte avait bien démarré : 1 500 € en une semaine. À un mois de la fin de la campagne, la cagnotte affiche 2 691 € le 19 novembre. « On s’attendait à être au moins à 50 % à mi-parcours. » L’équipe tente de rester lucide : un creux en milieu de campagne est fréquent. En parallèle, d’autres pistes sont en réflexion comme la contraction d’un prêt en attendant les réponses aux projets déposés, prévues pour le printemps.
« On ne sait pas encore comment on va payer les salaires de janvier », confie Marion Durand. Les 8 000 € serviront en priorité à maintenir les postes des salarié.es. Une part permettra aussi de renouveler le matériel audiovisuel, indispensable au média.

Matériel Vlipp

Un matériel essentiel pour organiser au mieux les projets des 30 bénévoles du Vlipp. Photo par Ambre Guitton, le 18/11/2025.

 

Malgré la fatigue accumulée et une année qualifiée de « longue descente », l’équipe reste soudée. « Globalement, on a une bonne équipe, on se serre tous les coudes. » Les messages de soutien ont apporté un regain d’énergie et rappelé à l’équipe que le Vlipp occupe une place importante chez certain.es Nantais.es.
Mais le temps presse : « On ne va pas pouvoir tenir longtemps comme ça. On a besoin de se refaire une santé pour passer l’hiver. »

Infos utiles : 

Campagne de don du 20 octobre au 12 décembre 2025
Lien vers la campagne

Après deux ans en journalisme sur Nantes, Ambre a rejoint l’équipe de Fragil en service civique. Dans l’œil de sa caméra et les pages de son carnet, elle capture les histoires qui animent Nantes.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017