Chaque mercredi, près de la place Zola, des rires et des voix résonnent dans une petite salle. Ici, la Fédération des Malades et Handicapés (FMH) organise ses ateliers de rencontre. On y vient pour discuter ou peindre, et surtout, voir du monde. « Pour la plupart, à part nous, iels ne voient personne », explique Clémentine Lacroix, animatrice et salariée de l’association. Pour certain·es adhérent·es, ces moments sont « la seule sortie possible de la semaine ».
Mais derrière cette convivialité, la réalité est plus dure. Madeleine Puaud, présidente de la FMH, tire un constat amer : « Le monde associatif trinque. Les coupes budgétaires, on les sent passer. Et on oublie complètement l’humain dans les décisions politiques. » En 2025, la FMH a vu ses aides fondre : « nos subventions ont été minorées de 20% », soit une perte de près de 6 000 euros. Le Département, pourtant considéré comme un partenaire clé, avec une subvention de 2 500 euros, a été catégorique : « Cette année, ce n’est même pas la peine de faire la demande », s’est entendue dire l’association. « On serait hors des clous selon eux », explique la présidente. Contacté, le Département n’a pas donné suite à notre demande d’interview.
Des économies à tous les étages
Au-delà du fait d’avoir réduit leur abonnement internet et la qualité du journal interne, l’association est contrainte de perdre en qualité de service : fin du concert gratuit annuel avec une participation demandée aux spectateur·ices et réduction d’activités en dehors de Nantes. « On ne veut pas faire pleurer, ni attirer la pitié. Les gens chez nous sont heureux. Nous on a quand même des réserves mais si on en avait pas…», alerte la présidente. Mise en garde partagée pour le Planning Familial 44 dont les aides régionales ont été totalement supprimées. Aujourd’hui, l’association n’a pas encore réussi à trouver de financeur·se pour remplacer cette coupe. Pour autant, son activité réussit à se maintenir, « c’est surtout le public qui est le plus à perdre dans tout ça », déplore Léa Orain, coordinatrice de projet.

La FMH avait aussi fait une demande pour racheter du matériel « mais là non plus on a pas pu avoir le soutien du département », déplorent la présidente Madeleine Puaud (à droite), Philippe Trividic bénévole et adhérent (au centre) ainsi que l’animatrice et salariée Clémentine Lacroix (à gauche). Octobre 2025, Ambre Guitton.
Du côté de la FMH, iels comptent bien aussi continuer d’offrir des instants de joie. L’été dernier, une sortie en mer a marqué les esprits : « Certain·es n’étaient pas allé·es à la plage depuis plus de dix ans », raconte Philippe Trividic, bénévole et adhérent de longue date. « On a vu du bonheur dans leurs yeux. Sans la FMH, ça n’aurait pas été possible. »
Le manque de subvention freine les actions
Même constat à Kit ou Double, une jeune association créée en 2021. Elle aussi lutte pour exister. Son objectif : sensibiliser les jeunes à la santé mentale. Un sujet crucial à l’heure où, selon une enquête de l’OMS parue en septembre 2025, le suicide est la troisième cause de décès chez les jeunes de 15 à 29 ans.
Mais pour agir, il faut des moyens. Après un bon départ il y a cinq ans avec 5 000 € de la Ville de Nantes pour créer un site web et un jeu de cartes éducatif, les années suivantes ont été plus compliquées.
« Sur 65 séances, il nous manque pour en financer encore 45. »
Si l’association s’est développé petit à petit, l’aide n’a pas suivi la même évolution. En 2024, iels avaient reçu 5 600 € pour subventionner 20 séances de prévention dans les établissements scolaires. Pour continuer à développer son activité, l’association en avait demandé trois fois plus pour 65 séances, soit une aide de 18 000€. « On nous a dit : on ne peut pas attribuer plus que ce qu’on a nous-mêmes », raconte Brigitte Anceaux, membre du conseil d’administration.
Kit ou Double a donc dû multiplier les appels aux dons, les candidatures aux fondations et aux appels à projets. « C’est un cercle vicieux. Les institutions n’ont pas assez de ressources, mais sans soutien, on ne peut pas non plus grandir », explique Brigitte. « Aujourd’hui, il nous manque pour financer encore 45 séances. » Même l’Agence Régionale de Santé (ARS) n’a pas pu les financer, faute d’antériorité.
Malgré tout, l’équipe garde la tête froide : « On n’a pas le couteau sous la gorge car on n’a pas de salariés, mais nos activités sont réduites. Chaque coupe budgétaire, directe ou indirecte, finit par impacter la santé des jeunes qu’on veut aider. »
« On fait partie du décor »
Partout, le constat est le même : le tissu associatif de la santé s’étiole, fragilisé par les arbitrages budgétaires. « Aucun financeur ne vient nous voir », regrette Madeleine Puaud. « Le Département, la Région, l’État… On ne sait plus vers qui se tourner. Et avec un gouvernement instable, le budget peut sans arrêt être gelé… ».
La FMH prévoit déjà un déficit important d’ici la fin de l’année, malgré des initiatives locales comme un loto solidaire organisé en novembre.
« On n’est pas égoïstes, on sait qu’il faut aider tout le monde. Mais aujourd’hui, on se sent oubliés », souffle la présidente. « Nous, on crée du lien, on valorise les gens, on leur donne confiance. Mais sans moyens, ça ne tiendra pas. »