• Matilda, du collectif Zone Rouge
21 novembre 2023

Zone Rouge, la safe place électro

Créé en 2019, le collectif Zone Rouge met en avant les femmes et les minorités, trop souvent cantonnées à des rôles de second rang dans le monde de la musique ; miroir de notre société. Rencontre avec Matilda, membre de ce collectif, qui nous parle de la naissance de celui-ci, des actions de Zone Rouge, et du festival «Zone Fesses» en préparation.

Zone Rouge, la safe place électro

21 Nov 2023

Créé en 2019, le collectif Zone Rouge met en avant les femmes et les minorités, trop souvent cantonnées à des rôles de second rang dans le monde de la musique ; miroir de notre société. Rencontre avec Matilda, membre de ce collectif, qui nous parle de la naissance de celui-ci, des actions de Zone Rouge, et du festival «Zone Fesses» en préparation.

Nous sommes lundi, il pleut. Si l’addition de ces deux éléments n’augure généralement rien de bon, c’était sans compter la rencontre avec Matilda, qui a l’habitude d’apporter un peu de soleil dans nos vies à travers ses sets techno. C’est en sirotant un golden latte qu’elle nous raconte son arrivée au sein du collectif Zone Rouge, il y a de cela 3 ans maintenant : « Je revenais de Séoul, où j’ai fait mes premières soirées en tant que DJ, et où j’ai rencontré des femmes qui mixaient dans un lieu atypique, le Puxxyberry, un café/bar/sexshop réservé uniquement aux femmes. Arrivée à Nantes, mon objectif était de retrouver un collectif avec cet état d’esprit ».

Le timing est parfait, puisqu’en août 2020, Zone Rouge organise sa première soirée à Askip.
C’est la rencontre avec Matilda, qui intègre le projet.

Photo de Matilda – par Florent Gerard

«Mettre en avant les personnes minorisées»

Mais rembobinons ! Un an plus tôt, en 2019, le collectif Zone Rouge naissait par la volonté de Soa420 et Aasana, habituées du Macadam – temple nantais des musiques électroniques – tout comme Akira, Lizzie, Super Salmon et Tina Tornade, les autres membres du groupe. L’objectif depuis ce jour n’a pas changé : mettre en avant les femmes et minorités de genre… L’idée du collectif étant d’unir leurs forces pour tenter de briser cette invisibilité.

Après des débuts sur Radio DY10, le collectif commence à enchaîner les dates, pour arriver aujourd’hui à des résidences de renom comme le Lieu Unique, le Macadam ou encore la mythique Rinse Radio à Paris. Un superbe palmarès, témoignage de la force de Zone Rouge.

«Les femmes sont au service au bar et au vestiaire, les hommes sur les line-ups»

Et de la force il en faut, pour lutter contre les inégalités qui règnent dans le monde de la musique électronique comme ailleurs : la majorité des DJ, bookers, ingés son et lumière sont des hommes cis blancs. La non-mixité choisie du collectif permet aux femmes et minorités de se sentir à l’aise lors d’un set, sans crainte du jugement :
« quand tu commences derrière les platines, tu as un peu peur de faire des erreurs, et c’est con à dire, mais entre personnes minorisées tu te sens plus à l’aise de tenter des trucs, de poser des questions, alors qu’avec un homme tu as plus peur de te faire juger, ils veulent toujours t’apprendre des trucs ».

Matilda voit tout de même une timide évolution dans la tentative de certaines programmations plus mixtes, avec la mise en avant de davantage de femmes notamment, même si « on voit rarement des line-ups 100% féminins, et au contraire beaucoup de 100% masculins ».
Pour elle, cette (r)évolution doit se faire à tous les niveaux, y compris celui de l’organisation ou du staff technique « parfois tu arrives dans un endroit, et l’ingé son te dit «voilà comment utiliser la platine», j’ai juste envie de lui répondre «je sais comment ça marche, merci» ». L’ouverture de ces métiers techniques aux femmes et aux minorités réduirait probablement les remarques sexistes récurrentes (conscientisées ou non), même si Matilda concède que « se faire une place dans ce milieu quand on est une femme est difficile ».

Mais Zone Rouge y contribue à son échelle, puisque le collectif essaie de collaborer au maximum avec des ingés son et/ou lumière femmes « ça fait partie du truc, mettre en avant les femmes dans les musiques électroniques, que ce soit devant les platines ou derrière ».

« On n’est pas là pour se faire emmerder, mais pour l’amour de la musique, le plaisir de la danse, la fête safe ! »

Au-delà de l’inclusion, Zone Rouge cherche à instaurer un cadre bienveillant dans ses soirées : « On tend à mettre plus de personnes minorisées sur scène mais il y a encore la question de l’accompagnement et de la sécurisation des équipes pour que le lieu soit safe tant pour le public que pour les DJ ».
La récente prise de parole de Paloma Colombe suite à son agression lors d’un DJ set montre l’ampleur du travail de prévention à effectuer « en tant que public, on a aussi toutes subi des agressions, on veut vraiment que nos soirées soient safe, que ce soit de beaux souvenirs pour tout le monde ».
Des maraudes sont ainsi organisées lors des sets de Zone Rouge : des binômes de bénévoles se relaient pour quadriller la salle, et s’assurer que chacun.e profite de la soirée sereinement. Une safe place est installée, à l’écart de la musique : « un espace un peu cocooning pour pouvoir respirer si la personne se sent mal ».

« Ouvrir la musique électronique à tout le monde »

La grosse actualité du moment pour le collectif, c’est leur tout premier festival, Zone Fesses, qui aura lieu du jeudi 23 au dimanche 26 novembre 2023 à Nantes, avec notamment plusieurs soirées gratuites « ça fait partie de notre volonté d’ouvrir les musiques électroniques à tout le monde, et pas d’avoir des soirées uniquement payantes ». Avec une promesse aussi belle et un programme aussi dense, n’hésitez pas à courir à la rencontre de Zone Rouge, vous ne serez pas déçu.e.s !

Le programme du festival (plus de détails sur la page Facebook du collectif Zone Rouge) :

– Jeudi 23 : Aux 3 Corbeaux – DJ set Gaya / Hortense / David David + stand nail art et tirage de cartes
– Vendredi 24 (part 1) : Ohm Town – Luciedamiante / DJ set Le Kaiju + performances Afrohoedite & Ily Sina
– Vendredi 24 (part 2) : Macadam – DJ set Spacer Woman / Madam X + performances Afrohoedite, Assury & Princ3kx
– Samedi 25 : Lieu Unique – Atelier DJing en non-mixité par Paloma Colombe + Conférence sur la santé mentale des artistes avec Lisa More, Mado Prévitali-Miranda, Paloma Colombe, Tina Tornade et Anaëlle Abasq + DJ set Metasepia / V8 Vixens + performances Afrohoedite, Assury & Princ3kx
– Dimanche 26 : Le Floride – B2B du crew Zone Rouge au grand complet pour la clôture + performances All Stars !

« En toute pyromanie », fresque poétique et musicale au Pannonica

Mobilisation contre les violences sexistes et sexuelles le 25 novembre à Nantes

Philanthrope made in Saint-Nazaire n’hésitant pas à réinventer sa vie, Florent est prêt à défier les conventions pour une vie plus enrichissante. Et ce sont ses passions et son engagement social qui vont l’accompagner dans cette aventure.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017