20 novembre 2023

« En toute pyromanie », fresque poétique et musicale au Pannonica

Guillaume Hazebrouck sextet invite James Noël pour une session bouillonnante de "Jazz Poetry Francophone" aux accents de hip-hop.

« En toute pyromanie », fresque poétique et musicale au Pannonica

20 Nov 2023

Guillaume Hazebrouck sextet invite James Noël pour une session bouillonnante de "Jazz Poetry Francophone" aux accents de hip-hop.

Mercredi 15 novembre, se tenait au Pannonica (salle Paul fort), la première de En toute pyromanie, fresque musicale et poétique du nantais Guillaume Hazebrouck, autour de l’écrivain haïtien, poète et performeur James Noël. Près de 400 spectateurs ont assisté à la performance, organisée par Le Pannonica Nantes, en co-production avec Le Grand T et Le Petit Faucheux (Tours), et programmée dans le cadre du «  Mois Kreyol  ». Rencontre avec un compositeur prolifique, dont la Compagnie Frasques est voisine des bureaux de Fragil.

Guillaume Hazebrouck, musicien de toutes les collaborations

Ce projet s’inscrit dans la veine de Pigments & the clarinet choir (2021), concert slamé, pour lequel Guillaume Hazebrouck et son sextet s’étaient aventurés sur les pas de Léon-Gontran Damas, poète guyanais, fondateur, avec Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor, du mouvement de la négritude.
En toute Pyromanie, réunit cinq des six musiciens de Pigments : Guillaume Hazebrouck (composition, piano, claviers), Julien Stella (clarinette, beatbox), Olivier Themines (clarinette), Nicolas Audouin (clarinette) et Olivier Carole (basse). C’est Laurene Pierre-Magnani, au chant, qui complète le sextet. Rayonnante et déjà repérée dans l’opéra Les sauvages (une co-production d’Angers Nantes Opéra et de la Cie Frasques, menée avec des jeunes du quartier du Breil et des Dervallières), elle vient chanter, scander et envelopper les textes clamés par James Noël. Entre ces deux-là, qui occupent le devant de la scène, une complicité toute singulière se crée, dans laquelle les mots se font tantôt écho, tantôt se répondent, s’augmentent, dans un savant collage.
À ce duo de voix parlées et chantées, s’ajoute la performance notable de Julien Stella au beatbox, déjà présent dans Pigments (aux côtés du slameur Nina Kibuanda). Sa prestation, engagée et portée par la basse, donne à l’ensemble des accents de hip-hop qui se mêlent parfaitement à l’accompagnement et aux arrangements de Guillaume Hazebrouck, aux claviers et au piano, ainsi qu’au trio de clarinettes qui vient colorer l’ensemble. Du jazz à la musique contemporaine, cette orchestration ouvre un large champ d’expérimentation. 

«  Le pyromane adolescent se veut un espace de fête et de convivialité, une forme de réconciliation avec le rire ». James Noël.

La générosité et le plaisir communicatif

Il se dégage de cette performance, proposée en douze tableaux, une grande générosité. Interrogée sur son ressenti, l’une des spectatrices, enseignante à l’école Dervallières/Chézine ajoute « il y a, sur scène, autant d’artistes que de talents ». Et, comme à son habitude, la composition de Guillaume Hazebrouck laisse à chacun de ses complices des espaces d’improvisation et de libre expression, des tremplins, largement salués par le public. Comme dans un circle song, les sons fusent et se répondent. Chacun, à sa manière, vient porter les mots de James Noël. « On sent une symbiose du groupe, ils ont vraiment l’air de se faire plaisir. Ce sont des musiciens exigeants mais joueurs !» nous confie une jeune femme, la trentaine, à la fin du spectacle.

«  Pour la nouvelle saison je ne suis ni homme ni femme, me voici tout feu tout flamme »  James Noël, Le Pyromane adolescent.

James Noël, figure emblématique de la littérature contemporaine haïtienne

Né en Haïti en 1978, James Noël est l’auteur d’une vingtaine de publications. Ancien pensionnaire de la Villa Médicis, il a obtenu le Grand Prix de littérature de Berlin en 2020 pour Belle merveille (Éditions Zulma). Depuis une dizaine d’années il fonde et co-dirige la revue IntranQu’îllités avec l’artiste Pascale Monnin.
Le pyromane adolescent (paru chez Point, en 2015) rassemble trois recueils : l’un du même nom, Le sang visible du vitrier et, certainement le plus sensible, Amour à mort.  C’est la musicalité des textes de James Noël qui a séduit Guillaume Hazebrouck : « Il y a, dans ses textes, une forme de concision et d’épure qui laisse place à la musique. Des ouvertures et des respirations qui permettent que l’on s’y glisse ». Mais les publications de James Noël sont aussi au cœur des enjeux contemporains. Elles parlent d’identités croisées, de liberté. « James Noël parle de nous et d’aujourd’hui. Happée par les événements les plus récents, qu’il s’agisse du séisme en Haïti ou du Brexit, son écriture semble comme à l’avant-poste des enjeux de demain ». 

Comme le souffle James Noël, « Les mots ont encore de beaux jours devant eux » et l’on se réjouit qu’ils aient croisé le chemin de Guillaume Hazebrouck, l’atypique.

Pour (re)voir la performance :
5/12/23 à Saint-Nazaire  : Théâtre Jean Bart. Festival Jazz Tempo / Concerts Jazzimut
15/02/24 à Tours : Le Petit Faucheux
17/02/24 à Mâcon : Le Crescent
Et d’autres dates à venir sur www.frasques.com

Festival « Mois Kreyol » : www.lemoiskreyol.fr

Dilan, nantaise à mi-temps

Matilda, du collectif Zone Rouge

Zone Rouge, la safe place électro

Originaire de la Drôme, Domitille a jeté l’ancre à Nantes, il y a près de quinze ans après avoir fait un tour de France pour ses études et ses activités professionnelles. Guide conférencière, médiatrice et chargée de projets culturels, elle a appris à connaître la ville de fond en comble ainsi que son patrimoine grâce à son métier

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017