17 octobre 2018

« Tunisie, la Transition inachevée », entre espoir et déception

17 janvier 2011, en Tunisie, le Président Ben Ali est renversé par un soulèvement populaire. C’est le début du Printemps arabe. Un immense espoir gagne la Tunisie... Mais qu’en est-il quatre ans après (en 2014) ? Nicolas Beau fait le point sur l’envers du décor tunisien, plombé par la crise, l’insécurité et la déception. Retour sur la Tunisie des oubliés.

« Tunisie, la Transition inachevée », entre espoir et déception

17 Oct 2018

17 janvier 2011, en Tunisie, le Président Ben Ali est renversé par un soulèvement populaire. C’est le début du Printemps arabe. Un immense espoir gagne la Tunisie... Mais qu’en est-il quatre ans après (en 2014) ? Nicolas Beau fait le point sur l’envers du décor tunisien, plombé par la crise, l’insécurité et la déception. Retour sur la Tunisie des oubliés.

Ce mois-ci, l’espace Cosmopolis met à l’honneur la Démocratie au travers d’expositions, de conférences et de films, et c’est déjà fini depuis dimanche (14 octobre 2018) !

Mardi 25 septembre était projeté le documentaire de Nicolas Beau, « Tunisie, la Transition inachevée ». Une soirée proposée par la Maison des citoyens du Monde. Je me suis rendue sur place, rien que pour vous.

17 janvier 2011, en Tunisie, le Président Ben Ali est renversé par un soulèvement populaire. C’est le début du Printemps arabe. Un immense espoir gagne la Tunisie…
Mais qu’en est-il quatre ans après (en 2014) ? Nicolas Beau fait le point sur l’envers du décor tunisien, plombé par la crise, l’insécurité et la déception. Retour sur la Tunisie des oubliés.

Démocratie ? Oui ! Migration ? Aussi !

Le peuple tunisien est déçu. Et en particulier les jeunes. Tous veulent partir, quitter le pays pour l’Italie ou la France, ces pays idéalisés. En 2014, près de 140 000 clandestins ont tenté de traverser la mer et beaucoup en sont morts. Pourtant, les jeunes tunisiens sont loin d’être découragés et souhaitent rejoindre l’Europe à tout prix, et ce, sous la bénédiction de leurs parents. Étonnant non ? Plus tellement lorsque l’on en apprend un peu plus sur le contexte que traverse le peuple tunisien depuis le début de sa transition démocratique.

 

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Une succession de déceptions

En effet, désormais, le travail se fait rare, ici en Tunisie. Pour ce pays vivant principalement du tourisme et de la pêche, la crise fait mal.
Maintenant pour trouver du travail il faut du piston et il devient très difficile d’entreprendre dans les régions agricoles, la création d’emplois se trouve donc relativement limitée.

En plus du taux de chômage extrêmement élevé, depuis le soulèvement de 2011, la contrebande prospère (en partie pour des produits comme l’alcool et l’essence).

S’ajoute à cela, la suppression des décharges sur l’île de Djerba, où la majorité des déchets est créée par le tourisme.

Cela s’en suit d’un exode massif des cerveaux vers la France, les hôpitaux sont les premiers impactés.

L’islamisation en profondeur de la société et une montée en puissance terrifiante du djadisme ? Oui, le laxisme de l’État a aussi été une porte ouverte pour le terrorisme. Malheureusement, la Tunisie est devenue le pays ayant fourni le plus de djihadistes : en 2014, déjà 3000 jeunes étaient partis rejoindre le Djihad.

L’essor de la censure. L’État a beau être devenu une « démocratie », interdiction de parler de lui et des relations France / Tunisie… Finalement es choses ont peu changé depuis Ben Ali…

Un peu de positif…?

Ouf ! Il y a aussi des choses qui agissent dans le bon sens et on en parle que trop peu ! Par exemple, la démocratie a offert aux tunisiens une plus grande liberté d’expression et un accès à la culture facilité au plus grand bonheur des artistes et des photographes.

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Un transtition démocratique râtée

La transition entre la dictature et l’état démocratique se fait difficile, d’autant plus à cause du contexte du pays (avec la guerre en Libye par exemple).
La colère et la frustration sont palpables chez le peuple tunisien, en majorité chez les jeunes. Désespérés, la plupart est au chômage et sans perspectives d’avenir, hormis l’exil. Ils disent regretter le règne de Ben Ali et sont déçus de la révolution.

Le film de N. Beau peut sembler offrir une vision très pessimiste de la situation tunisienne en montrant l’échec politique total depuis 2011. Mais la situation en 2018, est pire encore qu’en 2014. La dette de la Tunisie ne fait qu’augmenter, de l’argent est emprunté pour pouvoir donner les salaires, il n’y a toujours pas réels projets, tout le monde s’arrache le pouvoir…

Cependant, certains arrivent tout de même à voir le positif et pensent qu’il est nécessaire de reconquérir le cœur des tunisiens et de les convaincre. Les élections, c’est encore un concept tout nouveau en Tunisie. Il y a d’ailleurs eu récemment des élections municipales (en 2018) alors qu’avant les élus étaient nommés. C’est tout un travail que de se reconstruire après ue système qui datait des années 50, c’est normal que cela prenne du temps.
« Les tunisiens sont heureux mais ils ne le savent pas encore »

Débat : « Tunisie, quels échanges pour favoriser l’élan démocratique ?

La projection s’en est suivie d’un débat sur le thème : « Tunisie, quels échanges pour favoriser l’élan démocratique ? », celui-ci a permis de soulever l’espoir qui subsiste malgré la crise en Tunisie actuellement.
Anne-Marie Giffo-Levasseur, directrice de la Maison des Citoyens du Monde, lance un cri d’alerte. Les nouveaux élus de la Région Pays de la Loire ont décidé d’arrêter de soutenir la Tunisie en lui arrêtant de la financer. Selon elle, la France se doit de soutenir la Tunisie dans sa transition démocratique, il faut maintenir les échanges et les liens entre les tunisiens et les français.

Maintenant, à vous de vous faire votre propre avis…

Même si l’exposition est terminée, vous pouvez toujours jeter un coup d’œil au documentaire « Tunisie, la transition inachevée » de Nicolas Beau.

Née à Montréal (Québec), Maëlane est une étudiante en Communication voyageuse et curieuse. Depuis toujours intéressée par le milieu journalistique, elle le touche du doigt en combinant les petites expériences dont son blog personnel portant sur le voyage et son bénévolat à Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017