18 novembre 2016

Je suis passé chez Soy

14 ans. Pour fêter dignement l’entrée de Soy dans une adolescence trash et débridée, quoi de mieux que de commencer le festival par une soirée de concerts dans le lieu qui lui va le mieux : l’antre de Bitche. Quatre groupes à l’affiche et quelques mots et photos souvenirs.

Je suis passé chez Soy

18 Nov 2016

14 ans. Pour fêter dignement l’entrée de Soy dans une adolescence trash et débridée, quoi de mieux que de commencer le festival par une soirée de concerts dans le lieu qui lui va le mieux : l’antre de Bitche. Quatre groupes à l’affiche et quelques mots et photos souvenirs.

[aesop_quote revealfx= »off » type= »pull » cite= »Vitas Gerulaitis à la sortie de sa victoire contre Jimmy Connors après 16 défaites d’affilée » quote= »Nobody beats Vitas Gerulaitis 17 times in a row » direction= »left » parallax= »off » size= »1″ align= »left » height= »auto » text= »#ffffff » background= »#282828″ width= »100% »]

20h30 : Vitas Guerulaitis
Premier service

Incantation satanique ? Groupuscule pro-vie ? Perdu. Avant d’être le groupe d’ouverture de cette soirée, Vitas Guerulaitis est d’abord le nom (le U en moins) du tennisman le plus classe et débridé des années 70. Aussi décontracté et endurant que leur idole, le trio batterie/guitare à paillettes/clavier-cor partage aussi avec lui un goût pour le joyeux bordel et a vite pris dans son jeu le public de Bitche en envoyant des salves dansantes et déglinguées. Entre onomatopées, jeux de voix et expérimentations instrumentales, les cousins pas si lointains de Gablé ont offert beaucoup plus qu’un warm-up au public qui a même délaissé le bar pour se rapprocher de la scène. Une entrée en matière qui rappelle qu’à l’instar de Yannick Noah ou nos locaux de Djokovic, tennis et musique peuvent faire bon ménage.

[aesop_gallery caption= »Vitas Guerulaitis © Benjamin Rullier » width= »75% » galleryType= »thumbnail » id= »3345″]

[aesop_quote type= »pull » background= »#282828″ text= »#ffffff » align= »left » size= »1″ quote= »Mais quand le diable, qu’est un bon diable me tire par les pieds, Ça me gratouille, ça me chatouille, ça me donne des idées » cite= »Annie Cordy, La Bonne du curé » parallax= »off » direction= »left » revealfx= »off »]

 

21h30 : Guili Guili Goulag
« Est-ce que ça vous chatouille, ou est-ce que ça vous gratouille ? »

Le groupe précédent avait mis la barre haut, mais non, c’est bien Guili Guili Goulag qui remporte à l’unanimité la palme du nom le plus barré de la soirée. Et on se laisse rapidement titiller sous les pieds par ces trois franco-belges qui envoient des syncopes tribales qui prennent aux tripes, portées par une harpiste quasi chamanique qui dissone, creuse dans le métallique, martèle le rythme et donne même une voix à son instrument. Accompagné par une basse lourde et pénétrante et une batterie sauvageonne, Guili Guili Goulag se fait aussi catacombesque que mélodique, aussi entraînant qu’hypnotique. On y entend des sonorités africaines ou nippones, on se gargarise des chamboulements rythmiques et on laisse notre corps balancer d’avant en arrière pendant trois quarts d’heure avant un rafraîchissement bien mérité.

[aesop_gallery caption= »Guili Guili Goulag © Benjamin Rullier » width= »75% » galleryType= »thumbnail » id= »3348″]

[aesop_quote type= »pull » background= »#282828″ text= »#ffffff » align= »left » size= »1″ quote= »Quand on prend quelque chose, on prend en même temps Le Bon et le mauvais » cite= »Proverbe gallois » parallax= »off » direction= »left » revealfx= »off »]

 22h30 : Cate Le Bon
La brute et les truands

Retour au sérieux. Sans jeu de mots ni patronyme alambiqué, la grande Cate Le Bon monte sur scène. Déjà convaincu du talent de l’auteure-compositrice galloise, on était en droit de se demander si son rock flegmatique n’allait pas paraître un peu terne après ses deux prédécesseurs. Crainte sans fondement car après quelques notes on reste scotché par ses instrumentations fouillées entre rock 70’s, pop et percées expérimentales, son charisme à toute épreuve et cette voix presque nonchalante et profonde (entre Joe Casey de Protomartyr et Nico). Cate Le Bon et ses musiciens prennent le temps d’appuyer là où sa fait mal, font durer les séquences instrumentales et tirent des pièces claquantes, extraites en grande partie de son excellent dernier album Crab Day. Ils nous font chavirer dans une écriture exigeante et propre à l’artiste où les mélodies ne sont jamais aussi simples qu’on le pense et où les riffs, solos et breaks apparaissent quand on ne s’attend pas.

[aesop_gallery itemwidth= »100″ caption= »Cate Le Bon © Benjamin Rullier » width= »75% » galleryType= »thumbnail » id= »3349″]

[aesop_quote type= »pull » background= »#282828″ text= »#ffffff » align= »left » size= »1″ quote= »Hey sista, go sista, soul sista, flow sista, Hey sista, go sista, soul sista, go sista » cite= »Lady Marmalade, Christina Aguilera » parallax= »off » direction= »left » revealfx= »off »]

0h00 : Sister Iodine
Tu cherches des noise ?

Enfumé ! Il n’aura fallu que quelques minutes pour que les frères de scène de Sister Iodine et le mur d’amplis qu’ils ont dressé derrière eux ne disparaissent derrière un lourd nuage gris, aussi épais que leur son. En guise de final, le trio a lâché tout ce qu’il avait de plus indus et bruitiste devant un public qui ne pouvait plus attendre que ça pour conclure proprement cette première soirée de Soy 14. Après vingt-cinq ans de désolation semés à travers l’hexagone (et même en première partie de Sonic Youth), les deux guitares saturées et la batterie se sont lâchées dans leurs expérimentations les plus sombres et sauvages, et ne se font pas fait prier pour dépouiller sans pitié la scène de Bitche entre hurlements, larsens et ravages rythmiques. Et après ces déflagrations, on sort lessivé et joyeusement vidé par ce final aussi apocalyptique que salvateur.

[aesop_gallery caption= »Sister Iodine © Benjamin Rullier » width= »75% » galleryType= »thumbnail » id= »3350″]


A lire également l’interview de Cate Le Bon.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017