29 mars 2017

Se dorader la pilule au soleil

A l'occasion du festival Turbulences organisé au Théâtre Universitaire de Nantes, La Dorade Lab' a investi la Stratosphère. Rencontre avec les fondateurs de cette association qui nous explique le projet et nous invite à réinvestir l'espace public pour plus de solidarité et de vie dans ces lieux qui nous appartiennent, à nous aussi.

Se dorader la pilule au soleil

29 Mar 2017

A l'occasion du festival Turbulences organisé au Théâtre Universitaire de Nantes, La Dorade Lab' a investi la Stratosphère. Rencontre avec les fondateurs de cette association qui nous explique le projet et nous invite à réinvestir l'espace public pour plus de solidarité et de vie dans ces lieux qui nous appartiennent, à nous aussi.

Nous sommes à Nantes, sur le campus de l’université : paillotes, canap’ et petit bar sur lequel trône un panier plein de biscuits faits maison par le « cuistot » : « C’est bio et vegan ! ». La Dorade Lab’ s’est installée dans le village de la Stratosphère pendant le festival Turbulences, organisé dans le cadre des journées des arts et de la culture dans l’enseignement supérieur. Juste à coté, Vélo Campus a mis en place un atelier de réparation improvisé pour briquer nos bicyclettes plus ou moins rouillées. Le soleil brille, le ciel est bleu, une petite brise nous soulève les cheveux. Comme un air de printemps, comme un air de changement.

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Ladoradelab'
L'association est partie d’un constat simple : les citoyens ne s’approprient pas l’espace public qui leur appartient pourtant comme tout un chacun.

Aurélie Clement

Micro-climat doradien

La Dorade Lab’ c’est une asso née en février 2016, créée par des artistes indépendants et des étudiants en fin de parcours, tous de divers horizons mais avec une seule et même ambition : redonner sens à l’espace public. Soutenus par la Ville de Nantes mais aussi par le Crous et l’Université, ils proposent d’organiser des événements en pleine journée, « en s’éloignant des lieux conventionnels », dans un esprit de solidarité et tout ça gratuitement. Jeanne, l’une des fondatrices de l’association, témoigne : « On est une jeune asso, nous sommes des jeunes porteurs de projets, aucun d’entre nous n’est Nantais mais nous avons tout de suite eu le soutien de la ville. Il y a deux mois, nous avons gagné un prix dans le cadre du concours « Culture-actionS » organisé par le Crous. Nous avons remporté la deuxième place dans la catégorie « actionS » au niveau national, ce qui nous a apporté une certaine visibilité et plus de poids ». Cette volonté de fonder une asso telle que celle-ci, c’était dans le but de « mettre en place des choses qu’on avait envie de faire tous les jours ». Ils sont partis d’un constat simple : les citoyens ne s’approprient pas l’espace public qui leur appartient pourtant comme tout un chacun.

La Dorade Lab', c'est un énorme laboratoire d’initiatives citoyennes

Il y a au total neuf bénévoles permanents et la confiance est d’ordre : « Nous avons un statut collégial. Nous cherchons à mutualiser nos compétences tout en gardant une certaine autonomie, on adopte une vision horizontale dans chaque prise de décision : personne n’impose rien à personne ». Ils poursuivent : « La Dorade Lab’, c’est un énorme laboratoire d’initiatives citoyennes ». Lors des gros événements, il y a une effervescence bouillonnante fédérant l’implication de bénévoles ponctuels qui viennent prêter main forte : « Des potes, de la famille mais aussi de plus en plus de gens que l’on ne connaît pas et qui nous contactent par mail (…) Sans eux, on ne pourrait rien faire ! » confient-ils.

Dorader l’espace public

Ils conçoivent l’espace dans son intégralité, en apportant une scénographie qu’ils ont pensée et construite à l’unisson. Leur crédo ? Un free-shop : des fringues, des bouquins et parfois même des fruits et légumes. Le développement d’un partenariat avec La Ressourcerie, dans une démarche d’échange de bons procédés, sans aucun échange monétaire, s’est imposé comme une évidence : quelques heures de bénévolat contre des vêtements et du mobilier. Pour « la bouffe », ils en récupèrent une partie avec les MIN (Marché d’Intérêt National) et vont faire les fins de marché : « Celui de la Petite-Hollande le samedi matin par exemple » afin d’y récupérer fruits et légumes gratuits : « Quand tu as le statut d’asso, c’est tout de suite plus facile ! Depuis on a créé pas mal de liens avec les producteurs. » Ils concluent alors : La Dorade Lab’, c’est une « plateforme de redistribution autonome ».

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Ladoradelab'
Ils conçoivent l’espace dans son intégralité, en apportant une scénographie qu’ils ont pensée et construite à l’unisson.

Aurélie Clement

On doit envahir l'espace public, dans une logique non-consumériste

L’association s’est aussi engagée sur le terrain culturel : ils proposent une programmation musicale « pointue mais pour tout public » dont ils trouvent l’inspiration auprès « d’artistes nantais et de la région, émergents ou non » et fonctionnent beaucoup selon leurs coups de cœur personnels. A l’avenir, ils aimeraient développer des opérations « coup de poing » afin de partir à la rencontre d’un public plus large : « On doit envahir l’espace public, dans une logique non-consumériste ». Ils font en sorte de travailler avec les « relais sociaux », même s’ils n’aiment « pas utiliser ces termes », leur seule intention et de « décloisonner les publics, tout le monde doit savoir qu’on existe, que ce qu’on fait c’est ouvert à tous ». Dans un futur plus ou moins proche, ils ont pour objectifs de « créer un lieu propre à La Dorade, avoir des locaux », un lieu de référence où l’on pourrait les trouver et où chacun s’y retrouverait ; mais aussi d’organiser un festival, « le plus grand festival solidaire de la région… voire même au niveau national ! » plaisantent-ils.

La Dorade Lab’ c’est donc un peu tout ça, une association qui propose des solutions alternatives, solidaires et populaires. C’est le reflet d’un phénomène sociétal : le besoin, la nécessité de créer des associations pour fédérer des mouvements collectifs. Ils l’assument : « C’est politique (…) il faut arrêter d’attendre que des mesures soient prises : on a décidé d’agir ». Puisque tout est possible…

Curieuse de tout et surtout de l'info, Romane (se) pose beaucoup de questions. Salariée de Fragil, elle écrit sur l'éducation aux médias et la musique actuelle !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017