16 décembre 2020

Réseaux sociaux, journalisme et théories du complot : 6 ateliers pour accompagner des élèves en situation de décrochage

Durant l'automne 2020, l'association Fragil est intervenue auprès d'une douzaine d'élèves pris en charge par la mission de lutte contre le décrochage scolaire.

Réseaux sociaux, journalisme et théories du complot : 6 ateliers pour accompagner des élèves en situation de décrochage

16 Déc 2020

Durant l'automne 2020, l'association Fragil est intervenue auprès d'une douzaine d'élèves pris en charge par la mission de lutte contre le décrochage scolaire.

« Ludique », « intéressant », le sentiment général de la douzaine d’élèves de la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS) du lycée Monge – La Chauvinière semble plutôt positif à la sortie de la dernière séance d’éducation aux médias proposé par l’association Fragil. Depuis plus de deux ans, les salariés de l’association accompagnent le personnel de la MLDS de ce lycée du nord de Nantes dans la mise en place d’ateliers d’éveil à la critique des médias auprès d’élèves en situation de décrochage. Cette année encore, et malgré le contexte lié à la situation sanitaire, ce sont six ateliers différents, réalisés en demi-groupe sur des temps d’1h30, qui ont été organisés pour ces adolescents de 16 ans de moyenne d’octobre à décembre 2020.

6 ateliers pour s’initier à la critique des médias

Tout au long de la séquence, les élèves ont étés invités à réfléchir et débattre autour de trois thématiques principales : réseaux sociaux, journalisme et théorie du complot. Après une brève introduction définissant le cadre et les objectifs de l’éducation aux médias selon l’association, à savoir l’éveil à l’esprit critique vis à vis des contenus diffusés (articles, vidéos, posts, stories…), mais aussi vis à vis des systèmes (techniques, économiques, politiques) permettant leur diffusion, les adolescents et adolescentes ont d’abord été invités à débattre sur les réseaux sociaux. A travers des jeux de cartes et des quiz sur la thématique de la culture numérique, ils et elles ont pu échanger sur les différents types de réseaux, se questionner sur le fonctionnement technique d’internet, comprendre les modèles économiques liant récolte de données personnelles et publicité ciblée ou encore découvrir la notion d’empreinte numérique.

Dans un second temps, les élèves se sont initiés au journalisme dans un atelier dédié à la découverte de l’écriture journalistique. En réalisant un article court sur un fait simple dont tous et toutes venaient d’être témoins, ils et elles ont pu comprendre la notion d’honnêteté journalistique et l’importance de poser des questions pour se détacher de ses préjugés et obtenir une information à sa source. Cet atelier fut suivi par un autre, très apprécié, dédié à la réflexion autour des fake-news à travers un quiz par équipe.

Enfin, les adolescentes et adolescents ont été invités à réfléchir à la notion de théorie du complot. Introduisant la séance avec la vidéo « Le complot chat » réalisée par une classe de 2nde de Bondy et William Laboury dans le cadre d’un atelier d’éducation aux médias, les jeunes ont pu identifier les différents éléments techniques présents dans de nombreuses vidéos complotistes. Même si ces éléments étaient déjà bien identifiés par la majorité du groupe, cela a permis de faire réagir celles et ceux pour qui ces éléments n’étaient pas familiers. La suite de l’atelier a été dédiée à la définition des différences entre complot et théories du complot ainsi qu’à la découverte de quelques principes nécessaires à la construction de l’esprit critique. Cette dernière s’est réalisée à travers de petits jeux de mise en situation permettant de questionner la charge de la preuve ( « qui dit, prouve »), le principe de parcimonie (« les hypothèses suffisantes les plus simples doivent être préférées ») et la hiérarchisation des preuves (« une affirmation exceptionnelle nécessite des preuves exceptionnelles »).

L’éducation aux médias : une discipline nécessaire

Une séquence riche en débats et apprentissages pour un groupe qui, malgré le caractère hétérogène des profils qui le composaient, s’est impliqué majoritairement dans les activités proposées. Une belle preuve que ce type d’ateliers est nécessaire et apprécié, aussi pour des publics en marge du système scolaire classique.

Le 67 atelier de créateurs : un lieu à découvrir

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Chargé de projets numériques et médiatiques chez Fragil depuis 2017, musicien, auteur, monteur... FX est un heureux touche-à-tout nantais. Il s'intéresse aux musiques saturées, à l'éducation aux médias, aux cultures alternatives et aux dystopies technologiques.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017