11 octobre 2018

Quand l’art rencontre l’écologie – Valérie Pastre, comédienne engagée

Valérie Pastre est comédienne et voix-off depuis dix ans. Elle joue depuis décembre 2017 son seule-en-scène, Namasté Beaucoup, dans lequel elle retrace les étapes de sa transition écologique. Fragil l’a rencontrée cet été sur la terrasse d’un café-librairie et, à l’occasion de son retour au TNT les 19 et 20 octobre, nous partageons avec vous nos échanges, pour en apprendre un peu plus sur elle, son spectacle et sa vision de l’écologie au travers de l’art.

Quand l’art rencontre l’écologie – Valérie Pastre, comédienne engagée

11 Oct 2018

Valérie Pastre est comédienne et voix-off depuis dix ans. Elle joue depuis décembre 2017 son seule-en-scène, Namasté Beaucoup, dans lequel elle retrace les étapes de sa transition écologique. Fragil l’a rencontrée cet été sur la terrasse d’un café-librairie et, à l’occasion de son retour au TNT les 19 et 20 octobre, nous partageons avec vous nos échanges, pour en apprendre un peu plus sur elle, son spectacle et sa vision de l’écologie au travers de l’art.

Fragil : Bonjour Valérie, pourrais-tu te présenter

Valérie Pastre : Je m’appelle Valérie Pastre, je suis comédienne et voix-off depuis 10 ans maintenant. Je fais des voix-off pour les pubs TV, pour les films webs, pour des audioguides dans les musées, pour des audiobooks… J’ai aussi tourné dans la saison 2 de la websérie Random, qui se passe à Nantes. Avant mon parcours de comédienne, j’ai fait une école de commerce.

Et en ce moment je joue mon seule-en-scène, qui s’appelle Namasté Beaucoup. Un spectacle qui me touche beaucoup parce que je l’ai écrit, en trois ans, et maintenant il prend son envol. Et quand je vois que le spectacle parle aux gens, cela me fait très plaisir.

Fragil : D’où est venue ton envie d’être comédienne ? Pourquoi avoir fait une école de commerce ?

Valérie Pastre : En fait, j’ai commencé le théâtre en 5e au collège, et j’ai su immédiatement que c’était ce que je voulais faire. Je n’ai pas lâché, mais le deal avec mon père c’était que j’aie un diplôme. J’ai donc fait l’ESSCA à Angers. Et plus je faisais des stages en entreprise, plus cela me confortait dans l’idée que je voulais vraiment être comédienne, je ne voulais pas travailler dans un bureau, je voulais faire autre chose.

A l’ESSCA j’ai rencontré mes amis, on fait tous des métiers hyper différents aujourd’hui, c’est assez marrant. Directement après mon diplôme j’ai refait une formation à Paris qui s’appelle le studio Pygmalion, puis j’ai fait des stages avec Jack Waltzer, un coach américain. Ensuite, j’ai commencé à travailler.

© Lisa Lesourd

« Et à un moment j’ai eu une prise de conscience : je voulais continuer à jouer et faire rire les gens mais aussi avoir un message derrière. »

Fragil : Est-ce que tu peux nous parler de la genèse de ton spectacle, de tout le processus avant que tu ne le joues pour la première fois ?

Valérie Pastre : Il y a quelques années, cinq ou six ans je crois, je jouais dans des comédies de boulevard. Et à un moment j’ai eu une prise de conscience : je voulais continuer à jouer et faire rire les gens mais aussi avoir un message derrière. On a quand même la chance quand on est sur scène de pouvoir délivrer des messages et dire des choses qui sont intéressantes.

Ma cousine dont je parle dans le spectacle existe vraiment, et on s’adore sauf qu’on a des modes de vie complètement différents. Je suis allée la voir dans ses montagnes, et j’ai vraiment fait des découvertes – elle avait des toilettes sèches, pas de frigo et elle se lançait dans les cosmétiques naturels. J’ai commencé à prendre des notes sur un petit carnet, je trouvais ça très drôle tout ce qu’elle me disait, c’était à des années lumières de ce que je vivais.

Petit à petit je me suis dit qu’il y avait un truc à faire, donc j’ai commencé à écrire. Puis le temps que le projet murisse, je l’ai un peu mis de côté, j’ai repris, j’ai remis de côté… puis à un moment je me suis dit, bon, c’est maintenant ou jamais : il faut le jouer.

Après, j’ai eu la chance de rencontrer mes super metteurs en scène, qui sont hyper bienveillants et m’ont aidé aussi dans la réécriture, pour que ce soit plus dynamique.

Ensuite on a répété, j’ai eu une première date à Nantes (le 7 décembre 2017, ndlr). A ce moment-là, je crois que j’avais envie de partir loin loin loin et de ne jamais revenir.

C’était la première fois que j’écrivais et que je jouais. Et en plus je me suis inspirée de mon histoire donc c’est très personnel, on se met doublement à nu. J’avais la trouille de ma vie surtout que je n’étais pas remontée sur scène depuis des années !

Fragil : Et ça te fait quoi aujourd’hui quand tu lis les avis – très positifs ! – sur ton spectacle ?

Valérie Pastre : Je ne m’attendais pas du tout à autant d’engouement de la part des gens. Quand je vois les avis, je me dis “tiens c’est marrant ils parlent d’une autre personne”. Avant c’étaient mes amis qui écrivaient des avis, donc là voir des gens, que je ne connais pas, qui mettent des supers critiques, c’est cool. J’ai du mal à réaliser.

Fragil : Avais-tu des objectifs particuliers en écrivant ce spectacle, l’envie de faire passer des messages ?

Valérie Pastre : J’avais très envie de partager l’expérience que j’avais vécue et de faire passer des messages, c’est sûr. Les faire passer en plus avec de l’humour, je trouve que ça a un double impact. L’objectif de mon spectacle, et je le dis au début en rigolant – mais derrière la blague il y a quelque chose de vrai – c’est d’éveiller les consciences et d’encourager chacun à faire sa part.

Le spectacle aussi a évolué depuis le début, on cherche toujours des moyens de l’améliorer. L’histoire est la même mais il y a des choses qui me touchent et dont j’ai envie de parler. Par exemple on a rajouté un mini passage sur les pailles en plastique – mon combat du moment, c’est quelques lignes. Et un autre passage sur les huiles essentielles. Très drôle et hyper détourné, pour en parler aussi.

Fragil : Le côté humoristique casse le côté moralisateur qu’on retrouve souvent dans le domaine de l’écologie – c’était une volonté ?

Valérie Pastre : C’était vraiment l’objectif de ne pas être ni moralisateur, ni culpabilisant. Parce que je trouve qu’on nous culpabilise énormément déjà tous les jours, dans notre société. A chaque petit pas qu’on fait de positif on nous rappelle que « mais oui, mais il y a ça, ça et ça aussi qui ne va pas ». Cela a beaucoup plus de poids de faire passer quelque chose quand c’est fait de manière légère et avec humour.

Fragil : Est-ce que tu penses qu’on doit justement se servir de l’art pour faire passer des messages forts comme celui-ci, comme prendre conscience des enjeux derrière les questions climatiques ?

Valérie Pastre : Clairement. Je pense que ça parle. Moi ça me touche quand je vois des artistes engagés. J’ai vu il n’y a pas longtemps sur internet l’œuvre d’un artiste à Londres : il y avait un mur avec une peinture derrière sur laquelle un gars faisait du surf, et devant, l’artiste avait construit une vague géante avec des trucs en plastique qu’il avait ramassé dans la rue. C’était beau, mais flippant aussi. Là tu te dis « attends mais ce que tu viens de faire c’est avec les trucs qu’il y a dans la rue ? »

Donc oui, ça, ça doit surement plus parler que de dire « attention, il y a du plastique partout ». A un moment, les discours, les gens ne les écoutent plus.

Je pense que les artistes ont un rôle à jouer là-dedans. Mon objectif : si chaque personne ressort avec une petite info dans un coin de sa tête, le pari est gagné.

« L’objectif de mon spectacle, c’est d’éveiller les consciences et d’encourager chacun à faire sa part. »

Fragil : C’est la théorie des petits pas. Et puis à force d’en parler, petit à petit plus de gens s’y mettent ?

Valérie Pastre : Exactement. On est beaucoup en fait à se poser des questions et à essayer de faire des choses aussi dans le bon sens, changer nos habitudes.

Les retours que j’en ai, c’est que beaucoup de personnes se sentent seules dans leur démarche. Et quand elles voient que la salle est remplie, que les gens sont là, que ça leur parle, finalement elles se sentent moins seules.

Ma cousine, au départ, elle était toute seule avec ses convictions ! Et puis petit à petit je me suis posée des questions, elle m’a fait prendre conscience des choses, et alors j’ai changé mes habitudes de consommation.

Aujourd’hui je me rends compte qu’avec tout mon groupe de copines, on n’a plus du tout les mêmes habitudes. On n’a plus par exemple de cotons démaquillant, on a des brosses à dents en bambou, on est passées à la “cup”, on ne met plus de produits nocifs qu’on achète dans les supermarchés etc.

Il y a une phase avant de se « convertir » dans le zéro déchet, c’est celle de l’observation. La personne qui observe : « Ah tu fais ça comme ça. Ok moi est-ce que je peux, est-ce que j’ai envie de faire un changement d’habitudes, un changement dans ma vie. Ok combien ça va me coûter en énergie. Ah ouais en fait ça va, donc je vais le faire. »

Il y a une phrase que m’a dite ma cousine que je garde en tête : « Tout ce que tu te mets sur la peau, tu dois être capable de le manger ». Maintenant, pour moi, c’est le cas.

« Je sais que le chemin est encore long, mais je suis assez contente d’en être à ce stade aujourd’hui. »

Fragil : Donc tu en es où par rapport à ta démarche ? Après ton séjour chez ta cousine tu y es allée petit à petit ?

Valérie Pastre : En premier, j’ai dû changer tout ce que j’avais dans mes placards en cuisine, et ma façon de cuisiner. J’ai découvert les graines germées, le tofu et plein d’autres choses pour cuisiner veggie. Ça c’est un premier pas. Et là je sais que je ne retournerais pas à ma consommation d’avant. Je ne vais plus au supermarché depuis des années.

Donc j’ai commencé par ça et ensuite … je pense que dans ma salle de bain je n’ai absolument plus de produits des grandes surfaces.

Après je me suis dit « ok j’ai fait la nourriture, j’ai fait les cosmétiques… Mais il y a aussi les fringues », parce que le textile, c’est quand même la 2e industrie la plus polluante du monde ! Depuis quelques années, je ne fais plus les soldes. Je regarde vraiment les étiquettes et quand j’achète un truc je me dis d’accord, mais je donne autre chose. On n’a pas besoin d’avoir des placards remplis à ras bord. J’ai aussi découvert plein de marques éthiques grâce à “Slo We Are”, une plateforme de la mode éco-responsable.

Voilà où j’en suis. Je sais que le chemin est encore long, mais je suis assez contente d’en être à ce stade aujourd’hui. Je vais tout le temps aller chercher des infos sur internet, m’informer sur des blogs et sites “zéro déchet”, appeler ma cousine pour lui demander conseils.

J’ai commencé un potager en permaculture il y a un an aussi, je suis ravie d’avoir pu mettre les mains dans la terre et d’avoir récolté mes premières carottes et tomates !

Valérie Pastre dans Namasté Beaucoup

Fragil : Pour continuer sur les projets « écolos », j’ai vu que tu étais présentatrice pour un magazine nantais sur la transition écologique ?

Valérie Pastre : La productrice du magazine a entendu parler de mon spectacle et elle est venue à ma première. Elle m’a dit « j’ai un super projet, c’est un magazine sur la transition écologique, et en fait c’est en total rapport avec toi, ton spectacle ». J’avais déjà été présentatrice pour une autre émission donc je me suis dit oui, pourquoi pas, ça peut être sympa.

On a pu tourner le pilote pour le présenter à Télé Nantes.

C’était vraiment cool, on était dans une ferme, à St Julien de Concelles. Et après on est allés chez Johanna de Ô Bocal. Ça me plait bien, parce que je découvre aussi des personnes super inspirantes, qui sont passionnées par ce qu’elles font.

Fragil : Quel va être le but du magazine ?

Valérie Pastre : Le but c’est de dire aux gens que c’est possible et de trouver des « écosolutions » pour un monde plus durable, plus responsable. Il y a des parties interview, reportage, et des parties où on présente des choses que tout le monde peut faire chez soi.

Fragil : D’autres projets autour des mêmes thématiques ?

Valérie Pastre : Les autres projets… c’est de jouer le plus possible ! Améliorer le spectacle, encore et toujours. Je me suis vraiment investie à 300% dedans donc pour le moment j’ai un peu mis le reste de côté. Ça prend énormément de temps et d’énergie, notamment tous les à-côtés comme l’administratif.

Fragil : Et pour terminer, des conseils à donner, des phrases inspirantes ?

Valérie Pastre : Pour les nantais je dirais… Passez voir Johanna de Ô Bocal, achetez des brosses à dents en bambou de chez MyBoo Company… Et je suis ravie de jouer sur scène avec des chaussures éthiques de la marque nantaise Ngo Shoes !

Ma phrase inspirante est celle de Gandhi qui dit :

« sois le changement que tu veux voir dans ce monde ».

Un grand merci à Valérie de nous avoir accordé cette belle interview. Vous pourrez la retrouver les 19 et 20 octobre au TNT dans son spectacle Namasté Beaucoup. Billetterie en ligne.

Et si vous ne voulez louper aucune miette des actualités de Valérie, n’hésitez pas à la suivre sur Facebook & Instagram.

Chez Fragil, on a hâte d’y être ! 🙂

Poésie brutale

Rousseau musicien : la vérité des sentiments

Curieuse et entrepreneuse | Addict à beaucoup de choses comme les réseaux sociaux, les séries ou encore le chocolat | Ecolo engagée dans une démarche zéro déchet. • J'aime faire et découvrir mille choses à la fois. Théâtre, jeux vidéo, écologie, numérique, développement personnel, cinéma, féminisme, écriture, littérature sont autant de sujets qui me passionnent et m'intriguent.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017