26 juillet 2021

« Compartiment fumeuses » : une mise en scène théâtrale entre brutalité et douceur

Le jeudi 17 juin, à la maison de quartier de la Butte Sainte-Anne Le Dix , la Compagnie Mirifique faisait partie de la programmation du festival La Réplique. Ce soir là, c’est la comédie dramatique de Joëlle Fossier, «Compartiment Fumeuses », que Lucie Naveau, jeune étudiante de 24 ans, a choisi de mettre en scène.

« Compartiment fumeuses » : une mise en scène théâtrale entre brutalité et douceur

26 Juil 2021

Le jeudi 17 juin, à la maison de quartier de la Butte Sainte-Anne Le Dix , la Compagnie Mirifique faisait partie de la programmation du festival La Réplique. Ce soir là, c’est la comédie dramatique de Joëlle Fossier, «Compartiment Fumeuses », que Lucie Naveau, jeune étudiante de 24 ans, a choisi de mettre en scène.

Comment cette jeune institutrice à la coiffure impeccable a-t-elle pu se retrouver derrière les barreaux ? Nous le découvrons au cours de la pièce à travers l’histoire de deux femmes contraintes à cohabiter avec leurs différences et leurs histoires, dans une même cellule de prison. Le jeu des actrices nous transporte dans une atmosphère lourde et saisissante, ponctuée d’humour. Durant 1h30, Suzanne, incarnée par Anne-Claire Becque, une jeune prisonnière bretonne et endurcie, appréhende Blandine, la jeune institutrice interprétée par Sarah Naveau.

Sarah Naveau, Lucie Naveau et Anne-Claire Becque – Maison de Quartier « le Dix »

« La musique vient englober le tout. Le silence est aussi important sur scène, mais la musique peut créer une émotion en plus, une nouvelle image. C’est un plus indispensable. » Lucie Naveau, metteuse en scène

Pour Lucie, c’était une deuxième expérience dans l’art de la mise en scène, et à la vue des différents retours des spectateurs, ce fut une réussite. Grâce à une création sonore originale, aux décors, et aux jeux de lumière, celle-ci est parvenue à donner du rythme et de la profondeur à une histoire se déroulant dans un espace exiguë. La jeune metteuse en scène revient sur ses choix de réalisation.

Fragil : Comment as-tu choisi les décors ?

Lucie Naveau : « J’étais certaine de vouloir un carré délimité avec le dedans et le dehors. Je voulais faire une scénographie réaliste, pas figurée. J’avais aussi envie de montrer que l’hygiène n’est pas forcément au rendez-vous en prison. Je voulais montrer l’essentiel du quotidien des détenues. Pour ça, j’ai regardé beaucoup de reportages. On fait énormément de récup’ pour les décors. Il faut aussi accepter de mettre de sa poche au début, quand on est une compagnie amatrice. »

Extrait de la pièce « Compartiment fumeuses ».

Fragil : Quelles difficultés as-tu rencontrées pendant le travail de mise en scène ? 

Lucie Naveau :« Le plus difficile, ça a été la direction des actrices. Anne-Claire fait souvent des rôles qui se rapprochent du personnage de Blandine, et Sarah des rôles qui ressemblent à celui de Suzanne. Cette année, j’ai décidé d’inverser pour leur faire découvrir autre chose. Cela a été très difficile pour elles, elles ont travaillé des choses qu’elles n’avaient jamais travaillées avant. On a requestionné le chemin des personnages énormément de fois. »

Fragil : Tu as choisi une pièce engagée sur différents sujets de société ; comme l’homosexualité, ou l’inceste. C’est important pour toi de dénoncer certaines choses ? 

Lucie Naveau :« Quand je choisi une pièce qui traite ces sujets, je ne me dis pas que je dénonce, mais que je montre aux gens ce que l’on cache, et ce qu’on ne veut pas voir. Il y a forcément un côté politique car je montre ce que je veux, mais ce n’est pas pour dire ce que je pense. C’est plus pour montrer aux gens que c’est réel, pour faire réfléchir. »

Extrait de la pièce « Compartiment fumeuses ».

« J’ai adoré la pièce ! On était dans la prison, et en même temps, c’était un échappatoire. » Aude, étudiante de 18 ans.

La mise en scène minutieuse de Lucie et l’émotion suscitée par les deux actrices n’ont pas laissé le public indifférent. Après plusieurs mois passés sans accès aux salles de théâtre, le pari de la « Compagnie mirifique » d’embarquer à nouveau les spectateurs·trices dans leur histoire, est réussi. Un moment de divertissement évident, qui sensibilisait à des sujets de société importants.

Le choix des décors semblait permettre aux deux actrices d’occuper l’espace de manière magistrale grâce à leurs dialogues poignants. Parmi les thèmes abordés ; l’homophobie, le sexisme, ou encore l’inceste. Revenu au cœur des débats d’actualité, ce dernier semble avoir marqué les spectateurs·trices. Parmi eux·elles, Aude, une jeune étudiante rencontrée après la représentation : « C’était l’échappatoire de cette femme qui toute sa vie s’était retrouvée coincée. Pour la première fois, elle pouvait se sentir sereine et comprise. Elle a eu une manière de traiter ces sujets de façon très légère, et lourde à la fois. »

Extrait de la pièce « Compartiment fumeuses », sur scène Anne-Claire Becque et Sarah Naveau.

“Il y a une vérité qui est annoncée de but en blanc, ça choque” Quentin, spectateur.

L’ambiance légère et à la fois pesante, est ce qui semble avoir marqué le public. Pour Quentin, l’émotion était au rendez-vous « C’était traité de manière choc et brutale. C’était tourné à la dérision et dédramatisé, et pourtant ça m’a beaucoup touché. Il y a une vérité qui est annoncée de but en blanc, ça choque et ça dénote complètement avec le reste de la pièce qui garde un côté comique à travers le jeu des actrices. C’est très important, car ça permet aux gens de prendre conscience que c’est un réel problème et qu’il faut en parler. » 

Après les nombreux mois de fermeture des salles de théâtre, ce retour de la culture a eu le mérite de mettre en lumière de jeunes talents, autant sous les projecteurs qu’en coulisse. Pour notre plus grand plaisir, les opportunités semblent sourire à ce trio que nous pourrons retrouver bientôt sur différentes scènes de la région Nantaise, comme lors de la journée Nationale des prisons le 20 novembre 2021 (lieu communiqué prochainement) sous le nom de la « Compagnie de l’Ombelle ».

A la découverte des pratiques numériques des préados à la Chapelle sur Erdre

Conseil lecture : trois livres pour une approche critique des nouvelles technologies et des géants du numérique

Attirée par Nantes il y a 5 ans pour y étudier l'Histoire, je suis heureuse de pouvoir y poursuivre ma passion pour l'écriture et le journalisme au sein d'un webzine comme Fragil.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017