22 février 2021

La Roue Tourne et la Tricoteuse d’Histoires

Une scène. Un vélo. Des sacoches. Mais que se passe-t-il ? Le silence règne dans la salle lorsque les lumières s'adoucissent pour n'éclairer que ce mystérieux vélo, qui trône au milieu de la scène. Juste avant que le second confinement ne mette un terme au spectacle vivant, s'est déroulée la représentation de la pièce "La Roue Tourne" au Théâtre de la Ruche le 16 octobre 2020. Ce seule-en-scène réalisé par La Tricoteuse d'Histoires raconte son voyage presque initiatique jusqu'en Turquie.

La Roue Tourne et la Tricoteuse d’Histoires

22 Fév 2021

Une scène. Un vélo. Des sacoches. Mais que se passe-t-il ? Le silence règne dans la salle lorsque les lumières s'adoucissent pour n'éclairer que ce mystérieux vélo, qui trône au milieu de la scène. Juste avant que le second confinement ne mette un terme au spectacle vivant, s'est déroulée la représentation de la pièce "La Roue Tourne" au Théâtre de la Ruche le 16 octobre 2020. Ce seule-en-scène réalisé par La Tricoteuse d'Histoires raconte son voyage presque initiatique jusqu'en Turquie.

Emmanuelle Gros est conteuse. Sa voix assurée et énergique précède son arrivée sur scène. Tout au long du spectacle, les rires du public alternent avec les émotions. L’histoire est prenante, remplie d’anecdotes, de questionnements, de doutes et de rêves. La jeune artiste raconte cette aventure incroyable qu’elle a faite lorsqu’elle avait une vingtaine d’années, métamorphosée en pièce de théâtre. Rien n’est tabou, des amours aux pauses pipi, la comédienne nous plonge dans son univers poétique et entraine les spectateurs avec elle. « J’ai mis tout mon confort de coté au profit de la rencontre humaine. Au travers de mon spectacle, je considère mon public comme un groupe d’inconnus à rencontrer, exactement comme dans mon voyage. » Et oui, si vous cherchez quel vélo acheter, quel entrainement faire avant de partir ou quel itinéraire cyclable est le plus rapide pour arriver à destination, vous resterez sur votre fin. Emmanuelle nous parle d’émotions, de courage et de découragement, de liberté mais aussi de solitude.

« C’est un peu une histoire d’amour avec le public, mais il ne le sait pas. »

La conteuse a voyagé seule, mais ne veut pas jouer toute seule. Le public est de nombreuses fois sollicité. Les volontaires sont bien motivés, même après une désinfection complète et une distanciation physique en raison des obligations sanitaires. « J’ai rêvé de ces interactions. J’ai voyagé seule, mais c’est une revanche sur cette première solitude. J’ai la ferme conviction d’avoir des partenaires. Je leur donne une énorme responsabilité. Sans eux, mon spectacle n’est rien. Et j’aime énormément compter sur eux à ce point là. C’est un peu une histoire d’amour avec le public, mais il ne le sait pas. »

Un extrait pour se mettre dans l’ambiance :

Un récit très personnel

La comédienne se dévoile intimement, et c’est ce qui fait la force de son récit. Pourtant, la pièce a mis de nombreuses années à aboutir. « Dans le processus de création, j’ai cherché à dire « elle », j’ai interrogé d’autres cyclo voyageurs, ne voulant pas parler que de mes histoires que je trouvais trop intimes. Cela ne fonctionnait pas. Et un jour, un ami m’a dit, essaie ! Et là, j’ai senti à quel point c’était fluide, à quel point je me sentais vivante. J’arrivais à rire et à m’émouvoir. A chaque fois que je commence le récit, je me dis « Je vais vraiment parler de ça ? » Mais finalement, les gens ne s’en vont pas. » Elle avoue gênée que le récit est né grâce à une amie intermittente qui a créé la compagnie « Maraudeurs & Cie » qu’elle a rencontré lors de son voyage. « Un jour, une bibliothécaire m’appelle en me disant qu’elle cherchait un spectacle sur le thème du voyage, et que les Maraudeurs et Cie lui avaient dit qu’elle trouverait son bonheur avec moi. Et moi, je n’avais rien. J’ai été tellement touchée de la demande, et de qui ça venait, que j’ai dit oui. J’ai répondu que j’étais sur la création d’un spectacle sur un voyage à vélo. Elle m’a répondu “ça me parait très bien ça”. Je me suis dit après « Mais qu’est ce que j’ai fait ? Mais c’est génial ! » ».

Un spectacle universel

Le spectacle parle de voyage à vélo, mais n’est pourtant pas réservé aux cyclo randonneurs. Après son voyage, Emmanuelle a cherché à trouver ce souffle d’air qu’elle y avait trouvé, en allant voir des conférences. Elle était toujours déçue. « Il n’y avait rien sur l’aspect émotionnel, sur le bonheur, les joies, les tristesses. Les questions traitaient énormément du matériel. Lorsque l’on se rencontre en tant que cyclo voyageur, on se retrouve vite comme en famille, il y a quelque chose de fort qui ne s’explique pas tant qu’on ne l’a pas vécu. C’est ça que j’ai voulu transmettre. » nous explique-t-elle. « Quand je l’ai créé, je le destinais à toutes les personnes que j’avais rencontrées en voyage, qui me posaient toujours plein de questions, et me disaient « il faut énormément de courage ». Je voulais raconter à ces gens là comment j’ai voyagé. » Emmanuelle a découvert son public en jouant son spectacle. « Des retours que j’ai, il parle autant aux ados qui ont envie de savoir ce qu’il y a d’autre que l’école, qu’aux jeunes qui sont en phase préparatoire d’un voyage, qu’aux gens qui l’ont fait, ceux qui ne l’ont pas encore fait, ceux qui ne le feront jamais mais sont contents de savoir que ça existe. Beaucoup ont vécu le voyage dans leur jeunesse et cela ravive les souvenirs. J’ai beaucoup de retours de spectateurs qui me disent merci de parler de la solitude, de la femme qui voyage en solitaire, de donner un sens à sa vie. Il est très intergénérationnel. »

Pourtant, dans la salle sont présents plusieurs cyclo-randonneurs, qui ne sont pas forcément habitués à la fréquentation des théâtres. L’un d’entre eux nous explique qu’il a été « embarqué » par son amie. Il a réalisé son premier voyage à vélo récemment, et a beaucoup apprécié le récit. « J’ai beaucoup aimé la manière dont elle arrive à embarquer le public et le rendre acteur de son récit. On retrouve clairement des petits détails, des situations, des sentiments qui sont communs aux cyclo voyageurs. » Un autre spectateur est venu en vélo, et arrive en tenue de cycliste, juste à temps pour la représentation. Il interpelle l’artiste à la fin du spectacle pour la féliciter, lorsqu’elle se tient à disposition des personnes qui voudraient s’entretenir avec elle.

« L’énergie est directe, c’est la plus grande qualité de ce spectacle. »

Bertrand Pineau, membre de l’équipe technique de la Ruche estime que le spectacle est de très grande qualité du fait du jeu de la comédienne, de l’énergie et de l’adresse qu’elle déploie. « C’est extrêmement plaisant à écouter et à partager. Je trouve que c’est un spectacle dans lequel on voyage magnifiquement. Le spectacle est bien écrit dans le sens où l’on peut y prendre ce que l’on a envie, et on a le choix d’y entrer comme on veut, par n’importe quel but, n’importe quelle voie : le pays, la culture, notre rapport personnel au voyage. Je trouve que les points d’accès sont très nombreux et bien amenés. C’est très dur d’arriver à une vraie simplicité de jeu et d’adresse, et le spectacle est magnifiquement simple, ce qui n’est pas facile, il coule de source et est très fluide. L’énergie est directe, c’est la plus grande qualité de ce spectacle là. Il n’y a pas de fioritures. »

« Bouger ensemble dans un imaginaire, c’est presque devenu un luxe un peu magique. »

La dernière représentation s’est déroulée entre deux confinements liés à la pandémie. Alors qu’aujourd’hui voyager est devenu compliqué, le récit permet de s’évader « Le spectacle a pris une autre dimension. Déjà, jouer c’est énorme, mais ce sujet là, j’ai presque l’impression de faire de la politique, en portant les gens ailleurs et soutenir leur besoin d’ailleurs. Il y a beaucoup plus d’émotions fortes. Je ne sais pas si c’est à cause du confinement, mais maintenant il y a des rires, mais aussi des larmes dans les yeux. »

A ce jour, toutes les dates sont reportées, mais vous pouvez suivre les actualités de la Tricoteuse d’Histoires en ligne, sur son site internet et sa page Facebook. Le Théâtre de la Ruche a aussi son site internet et sa page Facebook, en espérant une réouverture prochaine !

Jean-Luc Ballestra dans « Madame Butterfly » à Metz : une victoire sur le destin !

Exposition Golden Age - l'abondance du street art

Baroudeuse à ses heures perdues, ce sont les rencontres qui l’animent. Son truc ? La photo et l’écriture, de formidables moyens d’expression et de créativité. Son baluchon se pose un instant à la rédaction, pour vous faire découvrir la diversité culturelle Nantaise.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017