15 octobre 2020

Punk is not dead au Grand T

Du 28 septembre au 03 octobre, le Grand T a programmé “Mort prématurée d’un chanteur populaire dans la force de l’âge”, pièce écrite par Arthur H et mise en scène par Wajdi Mouawad. De l’agonie d’une carrière à la résurrection de l’âme d’Alice, le public assiste pendant plus de trois heures aux tribulations d’une vieille star déchue en quête de rédemption. Retour sur ce spectacle qui a réussi à nous faire oublier que l’on portait des masques.

Punk is not dead au Grand T

15 Oct 2020

Du 28 septembre au 03 octobre, le Grand T a programmé “Mort prématurée d’un chanteur populaire dans la force de l’âge”, pièce écrite par Arthur H et mise en scène par Wajdi Mouawad. De l’agonie d’une carrière à la résurrection de l’âme d’Alice, le public assiste pendant plus de trois heures aux tribulations d’une vieille star déchue en quête de rédemption. Retour sur ce spectacle qui a réussi à nous faire oublier que l’on portait des masques.

Le rideau s’ouvre.

Derrière un voile transparent, cinq musiciens et un chanteur tournent le dos au public. Ils achèvent le dernier morceau du concert, saluent, puis rentrent dans la loge. Accueilli par son attachée de presse, la star, Alice, est mal en point, son ventre le fait souffrir. Oui, Alice est un homme, une vieille rock star abîmée qui, face à un journaliste qui l’interview après son show, avoue l’abandon de ses idéaux et crache son mal-être. Ce soir-là, il croise une fan québécoise volubile et fantasque, et revoit son premier producteur, celui qui était là au tout début, quand tout était subversif. Ensemble, ils échafaudent un plan machiavélique : annoncer la mort d’Alice, pour redevenir punk ! Mais tout ne se passe pas comme prévu et lors de son enterrement, allongé dans son cercueil, il se réveille devant ses proches et le monde entier. Abandonné et soudain aveugle, Alice va renaître grâce à cette fan qui le sauve et l’aide à retrouver son humanisme abandonné.

Le rideau se ferme.

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Portrait-équipe-Mort-prématurée-10-09-19-Simon-Gosselin
La troupe

Simon Gosselin

Combats et utopies

Avec “Mort prématurée d’un chanteur populaire dans la force de l’âge”, Arthur H et Wajdi Mouawad nous plongent dans une critique du star system et du show business. Combien sont-ils ces artistes obnubilés par la gloire et l’argent, qui ont laissé de côté leurs rêves de jeunes rockers ? Qu’ont-ils fait de combats, de leur utopies ?

Sur un ton humoristique et décapant, la pièce flingue pendant plus de trois heures la starification à tout va et à travers elle la société de consommation qui vampirise toute la créativité et les idéaux artistiques.

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Portrait_Wajdi_Mouawad©Simon_Gosselin
Wajdi Mouawad

Simon Gosselin

Imagination et liberté

“Mort prématurée d’un chanteur populaire dans la force de l’âge” dure plus de trois heures, mais quel plaisir d’assister à un spectacle mis en scène avec autant d’imagination et de liberté. Car le plateau passe d’une scène de concert aux loges puis à un studio d’enregistrement en parallèle d’un studio de radio, sans oublier la cérémonie d’enterrement, pour finir avec les coulisses d’un zoo, le tout avec une facilité déconcertante. Avec une mention spéciale pour la pluie qui inonde la scène pendant plus d’un quart d’heure à la fin du spectacle.

Sans oublier le texte finement ciselé et magnifiquement porté par la troupe menée par Arthur H qui compte d’ailleurs parmi elle le comédien Lionel Abelanski et le bassiste Pascal Humbert.

Trois heures de spectacle qui ont réussi le tour de force de faire oublier les masques que tout le public portait, public qui a conclu la soirée par une standing ovation amplement méritée.

Photo de tête : ©Simon Gosselin

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“Mort prématurée d’un chanteur populaire dans la force de l’âge”

un spectacle d’Arthur H et Wajdi Mouawad

texte et mise en scène Wajdi Mouawad

avec Marie‑Josée Bastien ou Linda Laplante, Gilles David de la Comédie-Française, Arthur Higelin, Pascal Humbert, Isabelle Lafon, Jocelyn Lagarrigue, Patrick Le Mauff, Sara Llorca

chansons originales Arthur H

musique originale Pascal Humbert

assistanat à la mise en scène Valérie Nègre

dramaturgie Charlotte Farcet

conseil artistique François Ismert

son Michel Maurer et Bernard Vallèry

scénographie Emmanuel Clolus

lumières Eric Champoux

costumes Emmanuelle Thomas assistée d’Isabelle Flosi

maquillage, coiffure Cécile Kretschmar assistée de Juliette Bailly et Judith Scotto

couturière Anne-Emmanuelle Pradier accessoires Eric Blanchard

suivi du texte Marie Demesy coach Cyril Anrep

 

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Réalisateur de formation, Merwann s’intéresse à la musique, à la littérature, à la photographie, aux arts en général. De juillet 2017 à juillet 2023, il a été rédacteur en chef du magazine Fragil et coordinateur de l'association.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017