4 mars 2020

aSH : un solo qui transcendre

Les 12 et 13 février 2020, le théâtre du Grand T accueillait aSH : un solo venu tout droit d’une autre dimension. Renaissant de ses cendres à chaque représentation, la danseuse et chorégraphe indienne Shantala Shivalingappa nous transporte dans son univers. Fragil raconte.

aSH : un solo qui transcendre

04 Mar 2020

Les 12 et 13 février 2020, le théâtre du Grand T accueillait aSH : un solo venu tout droit d’une autre dimension. Renaissant de ses cendres à chaque représentation, la danseuse et chorégraphe indienne Shantala Shivalingappa nous transporte dans son univers. Fragil raconte.

Pour la dernière pièce de sa trilogie de portraits sur des danseuses-chorégraphes après Questcequetudeviens (2008) et Plexus (2012), Aurélien Bory nous propose un solo puissant où l’interprète se livre en profondeur.

Shiva, dieu aux multiples facettes

Au-delà de la fin de son prénom et du début de son nom, aSH fait écho à l’intériorité de la danseuse et à une importante part de spiritualité. Dans son nom, Shivalingappa, une référence à Shiva : dieu indien de la danse mais aussi de la création comme de la destruction. Couvert de cendres (ashes en anglais), il s’inscrit dans un cycle perpétuel de transformation : détruire pour mieux reconstruire, mourir pour mieux renaître.

Voyage spirituel et métaphore de l’existence, les différents tableaux que composent aSH envoûtent et les spectateur·trice·s ne peuvent pas quitter la scène des yeux.

Shivalingappa, danseuse à la grâce hypnotique

Shantala agit sur son environnement tel une déesse des éléments, instigatrice du calme comme de la tempête.

Une imposante toile de fond en papier accompagne la scénographie tout au long du spectacle, haute d’une dizaine de mètres. Elle gonfle au gré des mouvements de la danseuse, obéissant à sa volonté. Comme un étrange instrument démesuré, la toile produit un son modulé, tantôt grave et menaçant, tantôt rythmé et captivant. Shantala agit sur son environnement telle une déesse des éléments, instigatrice du calme comme de la tempête. Les accords puissants des percussions jouées en direct par Loïc Schild marque avec une force singulière les arrêts et poses de la danseuse.

© Aglaé Bory

Inspiré du Kuchipudi, danse du sud de l’Inde développé au 15 ème siècle et fortement en lien avec le contemporain européen, Shantala transcende la scène avec toute la force poétique et symbolique de sa danse

Le faible éclairage projette l’ombre mouvante de l’interprète sur la toile gonflée qui semble respirer, se découpant sur le fond noir en déesse aux multiples bras et jambes. Après avoir tamisé un grand cercle de farine sur le papier maintenant étalé au sol, elle dessine grâce à la répétition de plusieurs pas créant un ensemble harmonieux.

© Aglaé Bory

© Aglaé Bory

Ce dernier, après plusieurs minutes de contemplation, est détruit par la remontée de la bâche. L’artiste danse alors dans les cendres de ce “Kolam, dessin éphémère indien et offrande au jour qui se lève, soulevant des nuages de farine qui marquent le rythme des percussions. Toute-puissante devant cet immense Totem, elle frappe du plat de la main la toile tendue qui résonne jusque dans les poitrines. Des volutes se créent, cosmiques, seuls restes du dessin tracé quelques minutes plus tôt.

Ode au cycle qui caractérise toute chose, Aurélien Bory nous offre un solo d’une profondeur rare, élevant les esprits et les âmes vers une vision plus humble de l’être humain.

© Maëva Rioual

Pour découvrir le teaser du spectacle :

 

Rencontre.s Mouvement.s : La libre association

FilmmakErs, le documentaire de Julie Gayet et Mathieu Busson, libère la parole des femmes réalisatrices

Etudiante en communication, passionnée par les arts et le spectacle vivant. Je danse et j’écris un peu, parfois.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017