• Groupe de jeunes entre 16 et 24 ans lors des ateliers de préparation à la performance d'éloquence organisée par l'association place aux jeunes à nantes avec l'encadrant et l'intervenante
28 mai 2025

Place aux Jeunes : quand l’éloquence devient un chemin pour gagner en confiance

Depuis le mois de mars, une douzaine de jeunes de 16 à 24 ans se préparent à une performance d’éloquence qui aura lieu le 11 juin au Théâtre Francine Vasse à Nantes. Porté.e.s par l’association Place aux Jeunes, iels suivent un parcours mêlant ateliers collectifs et suivi individuel. Loin des concours classiques, le projet redonne confiance à des jeunes souvent éloigné·es des espaces d’expression.

Place aux Jeunes : quand l’éloquence devient un chemin pour gagner en confiance

28 Mai 2025

Depuis le mois de mars, une douzaine de jeunes de 16 à 24 ans se préparent à une performance d’éloquence qui aura lieu le 11 juin au Théâtre Francine Vasse à Nantes. Porté.e.s par l’association Place aux Jeunes, iels suivent un parcours mêlant ateliers collectifs et suivi individuel. Loin des concours classiques, le projet redonne confiance à des jeunes souvent éloigné·es des espaces d’expression.

Tous les mercredis soir, dans le quartier des Dervallières à Nantes, une petite salle s’anime. Une douzaine de jeunes s’y retrouvent pour s’exercer à l’art de la prise de parole : poser leur voix, occuper l’espace, affiner leurs textes. Depuis le mois de mars, ils et elles se préparent à un moment clé : la performance d’éloquence de l’association Place aux Jeunes, qui aura lieu le 11 juin 2025 au Théâtre Francine Vasse. Créée en 2019 par Antoine Payen et Manon Mizrahi, l’association est née d’un constat : beaucoup de jeunes n’ont tout simplement pas accès à des espaces où leur parole est légitime et écoutée. Chaque année des jeunes de 16 à 24 ans sont accompagné·es lors d’un parcours de quatre mois mêlant ateliers collectifs et suivi personnalisé pour préparer cette performance. À contre-courant des concours d’éloquence classiques, souvent réservés à une élite, le projet mise sur la singularité des parcours, la sincérité, l’engagement, et la confiance. Un cadre bienveillant pour oser s’exprimer et parfois se révéler.

Redonner la parole aux jeunes qu’on écoute peu

C’est Nicolas Raymond qui nous accueille ce soir. Membre actif de l’association Place aux Jeunes, il se présente avec le sourire : « Moi, je suis un peu la nourrice des jeunes. » Il veille sur le bon déroulement des ateliers hebdomadaires et nous fait découvrir les coulisses de cette initiative, à quelques semaines de la performance d’éloquence prévue le 11 juin. Ce programme, gratuit et ouvert à toustes les jeunes de Nantes (avec une priorité pour celleux du quartier des Dervallières et prioritaires), repose sur une approche humaine et un accompagnement progressif. « On fait beaucoup de sensibilisation en amont, dans les maisons de quartier, les pépinières jeunesse… Le but, c’est d’aller chercher celles et ceux qu’on n’attend pas, pour qui cette expérience peut vraiment faire la différence. »
Pendant quatre mois, les jeunes suivent des ateliers hebdomadaires encadré·es par des intervenant·es venus d’horizons divers. Chaque participant·e est aussi accompagné·e individuellement par un parrain ou une marraine, pour l’aider à écrire son texte et le·la soutenir dans cette aventure souvent très personnelle.

Groupe de jeunes lors d'un atelier d'éloquence

Les jeunes préparant leur performance d’éloquence lors d’un atelier

Une performance, pas un concours

Chez Place aux Jeunes, on ne parle pas de concours d’éloquence, mais de performance : « Le but n’est pas de mettre les jeunes en compétition, mais de leur permettre d’exister à travers leur parole, de se sentir légitimes », insiste Nicolas. Le sujet, c’est elles et eux qui le choisissent. Le texte, c’est elles et eux qui l’écrivent, sans censure. Les parrains et marraines sont là pour aiguiller, suggérer, encourager.

« On tient à ce que le sujet leur tienne à cœur. C’est ce qui donne de la force au message »

Chaque saison, des thèmes reviennent : le racisme, l’égalité femmes-hommes, l’exclusion, la solitude, la quête d’identité. Mais toujours avec des regards singuliers, des émotions brutes, des mots que l’on n’entend pas ailleurs. « Les jeunes ne parlent pas que pour eux-mêmes. Ils parlent aussi au nom de tous ceux qui vivent la même chose qu’eux », précise Nicolas.

« Ça débloque parfois des choses pour toute une vie »

L’enjeu de Place aux Jeunes, c’est avant tout la confiance. Confiance en soi, en ses idées, en sa voix, en sa capacité à se faire entendre. « Il y a des jeunes très timides, très réservés, qui arrivent sans pouvoir dire un mot et qui finissent par parler devant des centaines de personnes. C’est un vrai challenge, mais ils le relèvent. Et ça débloque parfois des choses pour toute une vie », confie Nicolas. Une fois qu’on a réussi à dire quelque chose sur scène face à un public, une prise de parole à l’école ou à un entretien d’embauche paraissent tout de suite moins intimidants. Le jour de la performance, un jury est bien présent pour partager à chacun·e un petit mot personnalisé. « On ne cherche pas à élire le meilleur orateur mais à mettre en avant les points forts de chaque performance. Le message, c’est que toutes les voix sont singulières et importantes. »

« Il y a des jeunes qui refusent ce genre d’initiative, par peur ou méfiance »

Mais Place aux Jeunes ne cherche pas à convaincre tout le monde : « Il y a des jeunes qui refusent ce genre d’initiative, par peur ou méfiance. Et on ne peut pas forcer. Il faut que la démarche vienne d’eux ». C’est aussi là que le projet trouve sa limite : comment toucher davantage de jeunes, surtout celleux qui ne fréquentent pas les missions locales ou les maisons de quartier ? Si le bouche-à-oreille fonctionne (plusieurs jeunes viennent après avoir vu leurs ami.es participer), Nicolas explique que l’équipe aimerait élargir l’impact mais elle manque de moyens, de visibilité et de relais.

Témoignages de quatre jeunes engagé.e.s dans l’aventure

Islam, 19 ans, participante perfermance éloquence Place aux Jeunes

Islam, 19 ans

« Je pensais que je n’avais rien à dire, que je n’étais pas une militante. Mais le travail avec mon parrain m’a fait changer de regard. J’ai compris qu’il y avait des choses qui me tiennent à cœur, des idées que j’ai envie de défendre. »

Laurette, jeune femme de 19 ans, participe à la performance d'éloquence de l'association Place aux jeunes livre son témoignage

Laurette, 19 ans

« Je vois une évolution dans ma façon d’aller vers les autres, alors que je suis plutôt réservée de nature. Toute l’équipe est là pour nous faire progresser, sans pression. »

Enes, 18 ans, un jeune participant à la performance d'éloquence de place aux jeunes pose devant un tableau d'école à la craie noir et porte un t-shirt et un gilet gris

Enes, 18 ans

« Il y a une super ambiance, beaucoup de bienveillance et aucun jugement. J’ai vraiment gagné en confiance et j’ai moins peur du ridicule. La performance me stresse un peu mais je me rappelle que je le fais aussi pour m’amuser. C’est ça, l’essentiel. »

Lilou, 20 ans, jeune femme participante à la performance d'éloquence organisée par l'association Place eux jeunes à Nantes, elle pose devant un tableau noir d'école à la craie et a les cheveux bouclés noirs, elle porte des lunettes noires et un blouse en cuir couleur vert d'eau

Lilou, 20 ans,

« Ça m’aide à devenir plus indépendante, à prendre mes propres décisions. J’ai hâte de monter sur scène, même si c’est impressionnant, parce que c’est une partie de nous-mêmes qu’on va offrir au public. »

Pourquoi assister à cette performance d’éloquence ?

« Pour être surpris », répond Nicolas sans hésiter. « Surprenant, touchant, sincère. C’est les trois mots que je retiendrais. Ils parlent avec le cœur, sans masque. Et c’est ce qu’il y a de plus difficile à faire aujourd’hui. »

Rendez-vous le 11 juin à 19h30 au Théâtre Francine Vasse à Nantes pour découvrir cette performance unique portée par la voix des jeunes. Billets disponibles sur la billetterie en ligne.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017