6 avril 2023

Oscar Fernandez Orengo, la mémoire en photos des stars espagnoles

À Nantes, on connaissait Jorge Fuembuena, le photographe officiel du festival du cinéma espagnol depuis 2005. Mais pour la 32ème édition, c’est un autre photographe que l’on découvre avec l’exposition consacrée aux femmes cinéastes espagnoles, la mirada horizontal (traduction le regard horizontal). Il s’agit d’Oscar Fernandez Orengo.

Oscar Fernandez Orengo, la mémoire en photos des stars espagnoles

06 Avr 2023

À Nantes, on connaissait Jorge Fuembuena, le photographe officiel du festival du cinéma espagnol depuis 2005. Mais pour la 32ème édition, c’est un autre photographe que l’on découvre avec l’exposition consacrée aux femmes cinéastes espagnoles, la mirada horizontal (traduction le regard horizontal). Il s’agit d’Oscar Fernandez Orengo.

Voilà 22 ans qu’Oscar Fernandez Orengo photographie les stars du cinéma espagnol : Pedro Almodovar, Carlos Saura pour ne citer qu’eux mais aussi Agnès Varda, Olivier Assayas et bien d’autres. À force de les côtoyer, il a créé des liens forts avec ces célébrités.
« Nous sommes devenus amis» confie-t-il.

L’exposition qu’il présente cette année à Cosmopolis est une commande d’un collectif de cinéastes espagnoles : des actrices, des réalisatrices, des productrices, des talents émergents que le Festival du cinéma espagnol a voulu mettre en avant. Y figurent par exemple Carla Simon, Carlota Pereda, Neus Ballus ou Clara Roquet.

Pour elles, il s’agissait d’élargir les horizons et de montrer qu’une nouvelle génération principalement féminine était en train de renouveler le cinéma espagnol, un cinéma qui s’intéresse aux phénomènes de société comme Fragil.

Beli Martinez et Virginia Garcia regardent vers de nouveaux horizons

La mémoire du cinéma espagnol

Elles ont choisi les lieux où elles souhaitaient être photographiées et Oscar Fernandez Orengo s’est plié à leurs exigences avec délectation.
«Pour moi, c’est très important de garder une trace de ces endroits» souligne-t-il. «Je travaille comme un documentariste qui cherche à garder une mémoire de ces endroits intimes. Je me suis beaucoup inspiré d’Eugène Atget qui a photographié Paris dans les années 1920. Aujourd’hui, les paysages ont changé mais il reste ses photos».

Capter l’expression naturelle

Carla Simon photographié chez elle avec la porte en bois qui lui rappelle son père architecte

Pour créer un lien de confiance, Oscar Fernandez Orengo prend le temps, avant chaque séance, de discuter avec elles.
«Ça permet de briser la glace et d’obtenir des photos plus naturelles» explique-t-il. «Je les laisse prendre leurs aises et quand je vois qu’elles prennent une attitude habituelle avec leurs corps. Je leur demande de poser pour moi».

Autrement dit. Il ne les dirige pas. Il se met à leur service. Par exemple, pour photographier Carla Simon, il est allé chez elle et elle lui a montré une porte en bois à laquelle elle tenait. Son père était architecte et il travaillait beaucoup le bois. Il a intégré cet élément dans la photo pour lui donner du sens.

«Je trouve que ça donne de l’émotion à la photo. Elle est esthétique mais surtout sentimentale »

Roser Aguilar, une femme en construction

Idem pour la photo de Roser Aguilar qui sert d’affiche à l’exposition. Elle a été réalisée dans la maison de ses parents qui venait juste d’être vendue. Oscar Fernandez Orengo s’est servi du décor pour montrer sa vraie personnalité.

«Regardez derrière elle, il y a une bâtiment en construction avec un cadre métallique et des fils qui pendent. J’ai trouvé qu’il y avait des similitudes avec sa carrière en pleine évolution»

Les 2 passions réunies

Ce métier, Oscar Fernandez Orengo, ne l’échangerait pour rien au monde. Il lui permet d’assouvir ses deux passions, le cinéma qu’il a commencé à étudier à Madrid, et la photographie qu’il a étudié ensuite à Barcelone. Ses premières armes, il les a faites avec Augustin Villalonga.  Il a réalisé d’abord l’affiche d’un de se films,  El mar, puis son portrait chez lui. C’est de là qu’est parti son idée de devenir le documentariste des cinéastes espagnols, leur mémoire photographique.

En tant que cinéphile, trois films l’ont marqué : El espiritu de la colmena (L’esprit de la ruche) de Victor Erice, Pepermint frappé de Carlos Saura et Tren de Sombra (Le train des ombres) de Jose Luis Guerin. Mais pour lui, le plus grand réalisateur de tous les temps, celui qu’il aime par dessus tout, c’est Luis Bunuel, qu’il n’a malheureusement pas connu car il était trop jeune.

À chaque fois qu’il a voulu faire le portrait de ses auteurs fétiches, il lui a fallu déployer beaucoup d’énergie pour décrocher un premier rendez-vous un et demi pour rentrer en contact avec Carlos Saura, 15 ans pour convaincre Victor Erice de lui ouvrir les portes de sa maison.

   « Ce métier m’a appris à devenir patient et à ne jamais me décourager » avoue-t-il avec un léger amusement.

Rentrer dans l’intimité des gens, surtout lorsqu’ils et elles sont célèbres, n’est jamais facile. D’abord parce qu’ils et elles sont souvent très occupé·es, et qu’ils et elles ont peu de temps à consacrer à ce qu’ils et elles considèrent comme moins essentiel. Et ensuite parce qu’ils et elles sont soucieux·ses de préserver leur vie privée.

Mais une fois adopté et rentré dans leur cercle intime, les barrières tombent et les échanges peuvent s’avérer enrichissants. Oscar Fernandez Orengo se souvient de sa première rencontre avec Carlos Saura.

« Il m’a montré ses caméras, son studio, ses portraits photographiques. On s’est tout de suite bien entendu« .

Mais c’est lors du tournage du documentaire sur lui, Saura(s) de Felix Viscarret, qu’il a connu ses moments les plus forts.

« Je me souviens de nos conversations pendant les temps morts du tournage, dans sa loge. J’ai beaucoup appris avec lui. »

Savoir observer, trouver le regard juste qui cerne bien la personnalité. Le grand maître Carlos Saura cultivait cet art  à la merveille. Oscar Fernandez Orengo s’en est inspiré pour devenir un portraitiste reconnu par la profession. Il y a ajouté sa touche personnelle en choisissant de contextualiser ses personnages dans leur décor et leur sphère personnelle. L’une de ses photos préférée, c’est Augustin Villalonga dans son bain qu’il a pris d’en haut.

La photo préférée d’Oscar Fernandez Orengo, celle d’Augusti Villalonga dans son bain

Assises du journalisme 2023 : Fragil nommée, mais pas récompensée

Fragil accompagne des collégien·nes à surmonter les difficultés de la création d'un média

Quand on a été journaliste pendant plus de 30 ans à France 3, que l'on s'est enrichi de belles rencontres et de découvertes, on a envie de continuer à partager sa curiosité et son ouverture d'esprit avec d'autres. En travaillant bénévolement à Fragil, on peut continuer à se cultiver en toute liberté. Ca donne du sens à un retraité devenu journaliste honoraire.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017