4 décembre 2017

« Moi ta honte, je la transforme en bonheur »

Un concert, deux univers. Pumpkin et Vin'S da Cuero en première partie. Cabadzi x Blier en tête d’affiche. La liberté en ligne de mire. Ça se passait samedi 2 décembre 2017 à Stereolux à Nantes. Fragil y était. On vous raconte.

« Moi ta honte, je la transforme en bonheur »

04 Déc 2017

Un concert, deux univers. Pumpkin et Vin'S da Cuero en première partie. Cabadzi x Blier en tête d’affiche. La liberté en ligne de mire. Ça se passait samedi 2 décembre 2017 à Stereolux à Nantes. Fragil y était. On vous raconte.

Cabadzi x Blier

Le pari était casse-gueule. Celui de s’emparer de l’univers du Bertrand Blier en citant, détournant, évoquant les dialogues de ses films. Transformer des répliques en punchlines, les scander façon spoken words. Le pari était casse-gueule parce que l’univers des Valseuses, Buffet froid ou encore Tenue de soirée, est tout sauf contrôlable. Libre. Subversif. Rageur. Intempestif. Provocateur. Une bulle qui éclate à la figure. Pas le genre à se laisser enfermer dans une case. Pas le genre à se laisser dompter sans râler. Mais ça, Cabadzi l’a bien compris. En réalité, c’est précisément ce qui motive Olivier Garnier et Victorien Biteaudeau sur ce projet.

Le pari est réussi. L’appropriation maitrisée, validée par Blier himself.  La version scénique offre évidemment  plus de corps à l’album.  De lourdes sonorités électro renforcées d’éléments percussifs. Un phrasé qui braque  l’attention.  Un format relativement court apportant urgence et souffle à la démonstration.  Et une mise en scène augmentée de projections animées renvoyant directement aux films de Blier.

     

Cabadzi tape fort dès la mise en bouche. « Moi ta honte, je la transforme en bonheur. J’en fais un bouquet de fleurs. » On oublie la tension sexuelle entre Gérard Depardieu et Michel Blanc dans Tenue de soirée. Le dialogue se transpose entre Cabadzi et son public. Et il en sera ainsi tout au long du concert. On  prend alors en pleine face les mots de Blier. Leur musicalité. Leur pertinence. Leur évidence. L’injonction de vivre parce qu’on ne peut pas se payer le luxe du désespoir. Et on accepte volontiers de Cabadzi qu’il cambriole notre cœur le temps d’une soirée.


Pumpkin et Vin’S da Cuero

Attention : artistes libres. Cela fait déjà quelques temps que Fragil suit la trajectoire du duo Pumpkin et Vin’S da Cuero. Et force est de constater que celle-ci ne nous déçoit jamais. D’étape en étape, de concert en concert, la rappeuse et le beatmaker précisent leur style, aiguisent leurs propos, affinent leurs engagements. De fait, Pumpkin et Vin’S da Cuero sont aussi de plus en plus à l’aise sur scène. L’énergie est 100% hip-hop. La sauce prend rapidement. L’échange est simple, direct. Pas d’artifice. On sent le duo prendre son kiff, tout simplement. Ça tombe bien, c’est communicatif.

Pumpkin et Vin’S da Cuero  nous livre au passage leur dernier EP, Persona non gratis, trois pépites qui prolongent celles du précédent Chimiq. Avec à nouveau un titre percutant sur les questions de genres. Pumpkin nous avait mis une claque avec Science friction. Elle enfonce le clou avec l’énergique Mauvais genre, clippé dans l’ancienne Maison d’arrêt de Nantes. Une nouvelle pierre ajoutée à l’édifice de ce duo solide qui partageait très récemment le micro avec un certain MC Solaar sur les ondes de FIP. On attend la suite avec impatience.

Photos : Tuan Lê
Texte : Pierre-Adrien Roux

Les marchés de Noël, un intemporel qui se renouvelle

Quand l’Angers-Nantes-Opéra fait du cabaret dans les quartiers

Tête en l’air, Tuan photographie Nantes sous toutes ses coutures. Terrain de jeu favori de cet amateur de musique électro et culture hip-hop : la ville, la cohabitation des espaces urbains offrant courbes et symétries que Tuan s'amuse à figer dans l'instant présent.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017