4 novembre 2016

Leïla Slimani, derrière le symbole

Leïla Slimani, derrière le symbole

04 Nov 2016

Un vent de fraîcheur soufflerait-il sur le Prix Goncourt ? Leïla Slimani, franco-marocaine née à Rabat et âgée de 35 ans, a remporté la sélection 2016 avec son second roman, Chanson douce (Gallimard). Elle s’opposait à Catherine Cusset, Régis Jauffret et Gaël Faye dans une sélection paritaire qui faisait la part belle aux moins de 40 ans.

Sans réduire l’auteure de Dans le jardin de l’ogre (2014, Gallimard) à un symbole, on constate que son profil est atypique dans le cadre de cette institution vieille de 114 ans qui fait la pluie et le beau temps sur le marché du livre (un Goncourt s’écoule en moyenne à plus de 345 000 exemplaires). Car derrière le symbole, les chiffres restent têtus. Le Goncourt est clairement le prix littéraire français le moins paritaire avec 10,6 % de lauréates contre 15,5 % pour le Renaudot, 19% pour le prix de Flore et le Médicis, 35,7 % pour le Goncourt des lycéens, 37,2 % pour le prix Femina.

Leïla Slimani est aussi plus jeune que la moyenne des primés au Goncourt (41,8 ans). Il faut remonter à Laurent Gaudé en 2004 (Le Soleil des Scorta, Actes Sud) pour trouver un lauréat plus jeune qu’elle (32 ans). L’auteure est enfin, avec Tahar Ben Jelloun, l’un des deux lauréats nés au Maroc. Seul 22 % des écrivains primés au Goncourt son nés à l’étranger.

Leïla Slimani, un symbole ? Pas si simple… Car elle ne dénote pas sur un point : sa maison d’édition, Gallimard, qui représente un tiers des lauréats dans l’histoire du Goncourt. Le mot valise « Galligrasseuil » (pour désigner l’omniprésence des maisons d’édition Gallimard, Grasset et Seuil) n’a jamais été aussi pertinent. Les quatre finalistes du Goncourt 2016 provenaient de l’une de ces trois maisons.

Pierre-Adrien Roux / octobre 2016
Photo : Librairie Decitre à So Ouest

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Un temps journaliste, roule aujourd'hui pour l'Information Jeunesse... Enseigne à droite, à gauche. Membre du CA de Fragil. #Medias #EMI #hiphop #jazz et plein d'autres #

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017