11 mai 2023

Le journalisme à l’épreuve de l’inertie d’une classe au collège de Sainte-Pazanne

Une classe de 4ème du collège Olympe de Gouges de Sainte-Pazanne a participé au dispositif classe média, financé le département. En cinq séances de deux heures, les jeunes élèves ont pu créer un média sur Instagram visant à lutter contre le sexisme, le tout encadré par l'association Fragil.

Le journalisme à l’épreuve de l’inertie d’une classe au collège de Sainte-Pazanne

11 Mai 2023

Une classe de 4ème du collège Olympe de Gouges de Sainte-Pazanne a participé au dispositif classe média, financé le département. En cinq séances de deux heures, les jeunes élèves ont pu créer un média sur Instagram visant à lutter contre le sexisme, le tout encadré par l'association Fragil.

Créer un média pour dénoncer le sexisme au collège Olympe de Gouges… un projet cohérent. Qui de mieux que cette pionnière du féminisme français pour incarner la thématique choisie par une classe de 4ème ? Sans avoir fait de lien direct avec le nom de leur établissement, c’est après de nombreux débats que les élèves se sont emparé·es de la question du sexisme à travers ce projet de création de média encadré par Fragil. En une demi-douzaine de séances, la classe s’est essayée au journalisme, non sans difficulté, pour produire une série de reportages au sein de leur collège et publiés sur le compte @antisexisme.odg.

Susciter l’intérêt du groupe

Le premier enjeu de cette série d’ateliers a été d’intéresser la classe au projet, tenter de susciter en chaque élève un intérêt. D’une durée initiale de cinq séances de deux heures et une séance d’une heure, le projet encadré par Fragil a mis du temps à s’installer dans cette classe du collège de Sainte-Pazanne. Il aura fallu attendre la troisième séance pour aboutir à un consensus autour de la thématique du média créé sur Instagram : le sexisme. Ces temps de négociations et de dialogues ont néanmoins permis à certain·es de rentrer plus vivement dans le projet, ayant du convaincre les autres de la pertinence de traiter ce sujet que d’autres ont qualifié de « déjà trop présent » sur les réseaux sociaux.

Liste d’arguments avancés par des élèves pour défendre la thématique du compte Instagram

Au-delà du choix de la thématique du média commun à toute la classe, les trois premières séances de travail ont été également l’occasion pour les élèves de s’essayer aux pratiques journalistiques. Comme dans chaque projet de création de média qu’elle accompagne, Fragil propose des initiations à l’écriture journalistique, à la prise de photo de presse ou encore à la réalisation d’interviews. Ces premières étapes dans l’élaboration du média permettent à chacun et chacune de se mettre « dans la peau » de journalistes et d’envisager par la suite le travail qu’ils et elles vont devoir fournir pour produire leurs propres reportages.

Travailler en autonomie

Le travail de réalisation de reportages par petits groupes de deux ou trois élèves a été le plus gros challenge à surmonter pour cette classe. Certain·es y sont arrivé·es, d’autres non. L’atelier, faisant appel à des méthodes d’éducation populaire, atteint ici ses limites puisque sans volonté ou sans essayer, l’élève ne peut espérer produire un résultat. Épaulée par trois professeures différentes, c’est une petite majorité de la classe qui revient à la cinquième et dernière séance de travail avec des interviews de qualité, réalisées en autonomie entre deux séances de travail.

Atelier « autour du mot » qui cherche à trouver une définition commune du mot « sexisme »

L’atelier « autour du mot » (voir photo ci-dessus) a permis à chaque groupe d’élèves d’orienter son reportage vers un sujet plus précis. Parmi les sujets choisis, on retrouve par exemple les élèves ont-ils/elles l’impression de pouvoir s’habiller comme ils et elles le veulent au collège ?, les différences de salaires et de représentation des hommes et femmes salarié·es au collège ou encore les stéréotypes dans les sports dits « féminins » et « masculins ».

Entre deux ateliers animés par Fragil, les professeures en charge du projet ont pu suivre et encourager vivement les élèves parfois en difficulté lors de l’étape indispensable de l’interview. « Il y a beaucoup de travail en autonomie« , souligne avec justesse Mme Douillard, professeure d’histoire-géographie, ce qui n’est habituellement pas le point fort de cette classe. La séance dédiée à la mise en forme sur le site Canva a été l’un des moments favoris pour bon nombre des élèves, bien que la plupart regrettent « le manque de temps » pour les dernières étapes du projet.

La dernière séance en présence de l’association Fragil est dédiée à la restitution du projet. Tous·tes les élèves doivent présenter leur travail devant le reste de la classe, en détaillant leur méthode de travail ainsi que les informations récoltées. En conclusion de ces 11 heures d’ateliers, les élèves ont pu exprimer leurs sentiments quant à l’ensemble du projet. Beaucoup ont « bien aimé » ces séances, en particulier le thème du sexisme. La plupart déplore un temps « trop long » entre les séances hebdomadaires animées par Fragil, certain·es ont également reconnu un manque d’organisation de leur part dans la réalisation de leurs articles.

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Curieuse de tout et surtout de l'info, Romane (se) pose beaucoup de questions. Salariée de Fragil, elle écrit sur l'éducation aux médias et la musique actuelle !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017