17 mai 2018

Le Camion : un voyage vers l’inconnu

Le Camion, c’est d’abord un film de Marguerite Duras. Ou plutôt la possibilité d’un film. Car celui-ci ne sera pas joué en tant que tel mais lu à voix haute par Marguerite Duras elle-même donnant la réplique à Gérard Depardieu dans une cuisine en 1977. Aujourd’hui, la metteure en scène Marine de Missolz a choisi de l’adapter au théâtre. Fragil a assisté à la représentation du 17 avril au Théâtre Universitaire de Nantes.

Le Camion : un voyage vers l’inconnu

17 Mai 2018

Le Camion, c’est d’abord un film de Marguerite Duras. Ou plutôt la possibilité d’un film. Car celui-ci ne sera pas joué en tant que tel mais lu à voix haute par Marguerite Duras elle-même donnant la réplique à Gérard Depardieu dans une cuisine en 1977. Aujourd’hui, la metteure en scène Marine de Missolz a choisi de l’adapter au théâtre. Fragil a assisté à la représentation du 17 avril au Théâtre Universitaire de Nantes.

Sur scène ils ne sont plus deux mais trois. Trois hommes silencieux et immobiles sur un plateau quasi nu. Le premier geste est une main levée. L’atmosphère est mystérieuse, intrigante. La parole décousue interroge en permanence la possibilité d’un événement. On saisit peu à peu qu’une femme monte dans le camion d’un homme. Destination inconnue. Quelle femme ? Quel homme ? D’où viennent-ils et vers où se dirigent-ils ? Ces interrogations distillées tout au long du texte représentent la seule action de la pièce. La probabilité est de mise quand on ne connait pas la tournure que va prendre l’histoire. Que va-t-il se passer entre cet homme et cette femme ? Où va-t-il l’emmener ? Autant de possibilités qui vont construire un fil conducteur qui amènera les personnages à se questionner sur des sujets tels que l’amour, le prolétariat, la classe ouvrière… Le public peut se sentir parfois déstabilisé face à tant d’inconnus puisque seule la scène de départ fait office de vérité absolue. On se place donc comme les trois personnages dans une posture d’attente face à la suite des événements.

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Jean-Louis Fernandez

La route de Marguerite Duras

Au théâtre, l’écriture de Duras prend toute son ampleur, elle nous transporte.

Son écriture est semblable à ce camion qui roule dans la nuit. Un voyage vers l’inconnu. La route défile mais on ignore où elle nous mène. Un peu comme la vie. On ressent à la fois le vent de liberté qu’offre ce voyage et le sentiment paradoxal d’être étriqués, enfermés dans des questions qui ne trouvent aucune réponse. Comme les trois protagonistes, nous nous retrouvons enfermés dans cet univers clos représenté par la cabine du camion. Nous ne pouvons nous en échapper, ou seulement par la parole, l’imaginaire.
Le comédien Laurent Sauvage qui joue le rôle de Marguerite Duras s’approprie le texte avec élégance. Sa partition est dense, ce qui rend sa performance impressionnante. A ses côtés, Hervé Guilloteau reprend le rôle de Depardieu et Olivier

Dupuy, co-pilote muet, est témoin du dialogue sur le plateau.
Derrière eux, un écran diffuse des images noir et blanc léchées évoquant des fonds marins, des vagues, des chutes d’eau, entrecoupées de longs travellings autoroutiers. La création vidéo de Tesslye Lopez est un personnage à part entière qui illustre ce voyage philosophique intemporel sur l’état du monde.

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Jean-Louis Fernandez

Une interrogation permanente

Nous sommes généralement habitués à des pièces qui vont nous interroger une fois que le rideau tombe. Dans Le Camion, les réactions qui vont nous animer vont être tout autre puisque l’incompréhension et l’attente vont demeurer en permanence. C’est assez troublant puisque les réponses à nos questions n’arriveront jamais. Nous allons essayer d’imaginer toutes les issues possibles pour cet homme et cette femme sans pour autant être capable de s’identifier à ces personnages. C’est audacieux de la part du metteur en scène d’avoir traduit à travers les textes des personnages autant de questionnements. C’est un parti pris risqué que choisit la metteure en scène. Entre les spectateurs qui auront embarqué dans le camion et ceux qui seront restés au bord de la route, la pièce va certainement diviser le public. Ce qu’on ne pourra pas remettre en question c’est que Marie de Missolz, à l’instar de Marguerite Duras, nous aura laissé un espace de liberté et d’imagination certes déstabilisant mais assez rare pour être noté.

Article rédigé par Marie Marguerite et Christelle Lader

Exposition Masà par Chama Chereau : Voyage en terres inconnues

Archiculture : toute la lumière sur la 10ème édition

Passionnée par les sujets d’actualité, j’attache de l’importance à informer et à sensibiliser sur des histoires méconnues. J’aime découvrir et appréhender le monde qui m’entoure par des rencontres, des partages et des parcours de vie.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017