10 novembre 2023

La fragilité des ouvrières mise en lumière à travers la collaboration entre Le Cinématographe et Ciné Femmes

Ce mercredi 8 novembre à 20h, la projection du documentaire “Femmes précaires” (Marcel Trillat, 2005) au Cinématographe marquait l’ouverture du cycle “Femmes précaires : la double peine”. Orchestré par l’association Ciné Femmes, cet événement engagé allie visionnages et discussions autour de la précarité féminine pendant 3 soirées, jusqu’au 20 novembre.

La fragilité des ouvrières mise en lumière à travers la collaboration entre Le Cinématographe et Ciné Femmes

10 Nov 2023

Ce mercredi 8 novembre à 20h, la projection du documentaire “Femmes précaires” (Marcel Trillat, 2005) au Cinématographe marquait l’ouverture du cycle “Femmes précaires : la double peine”. Orchestré par l’association Ciné Femmes, cet événement engagé allie visionnages et discussions autour de la précarité féminine pendant 3 soirées, jusqu’au 20 novembre.

Il faut faire autre chose à côté, sinon tu deviens bête”, “Je suis dans la vigne en attendant d’être dans un fauteuil [roulant, NDLR]” : ces phrases sont celles de deux des travailleuses dont le documentaire “Femmes précaires” dresse le portrait. La première, Danielle, enchaîne les CDD dans un centre de tri postal, où elle réalise des tâches répétitives et peu stimulantes pour 800 à 1000 euros nets par mois. La seconde, Agnès, est ouvrière viticole durant 9 mois de l’année pour 900 à 1100 nets mensuels. Malgré son hernie discale, les médecins ne la jugent pas suffisamment handicapée pour être déclarée inapte à travailler dans les vignes.

Sans fioritures, le journaliste et réalisateur Marcel Trillat nous emmène dans le quotidien de femmes du monde ouvrier dont les problématiques sont bien connues d’Ève Meuret-Campfort et d’Annie Guyomarc’h, les deux invitées de la soirée du 8 novembre. En tant que sociologue du genre, du travail et des mobilisations pour l’une et qu’ancienne ouvrière de Chantelle à Saint-Herblain pour l’autre, elles ont en effet proposé compléments d’informations et retours d’expérience aux participant·es de l’événement, à travers un temps de questions-réponses de 50 minutes environ.

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Ève Meuret-Campfort (à gauche) et Annie Guyomarc’h le 8 novembre 2023 au Cinématographe, Nantes

Marine Gobert

“Si on ne s’était pas battues, ils nous auraient bouffées !”

D’abord hésitante à rejoindre le devant de la scène, Annie Guyomarc’h s’est rapidement sentie en confiance pour raconter un pan de son histoire de “fille de Chantelle”, une appellation qui désigne les ouvrières de la fabrique de lingerie de Saint-Herblain qui se mobilisèrent notamment contre la délocalisation de la production dans les années 1980. L’usine a fermé ses portes en 1994 et Annie est désormais retraitée, mais le discours de cette rebelle autoproclamée suggère encore un certain ressentiment, ainsi qu’une réelle admiration pour les luttes menées par les nouvelles générations contre la précarité.

Annie Guyomarc’h identifie le manque d’organisation, au sens syndical du terme, comme difficulté majeure des femmes précaires du documentaire projeté avant l’échange. Son analyse est complétée par celle d’Ève Meuret-Campfort, qui définit la création de collectifs comme “la grande conquête des femmes” face à une précarité à la fois financière, temporelle et projectionnelle. La sociologue présente aussi l’agilité et la flexibilité comme les nouveaux termes de la précarité, prouvant ainsi que la dénonciation des situations professionnelles instables est l’enjeu d’hier, d’aujourd’hui et de demain.

Si un public d’habitué·es a majoritairement répondu présent lors de la séance du 8 novembre, les cycles organisés par Ciné Femmes dans le cinéma de la rue des Carmélites sont en réalité ouverts à toute personne désireuse de mettre des images et des mots sur des thématiques féministes aussi complexes et essentielles que le droit à l’avortement ou la santé des femmes.

Rédactrice web dans une agence de référencement naturel côté pile et rédactrice bénévole pour Fragil côte face, je possède définitivement un attrait pour l'écriture. La littérature, le cinéma, le féminisme et l'écologie font partie de mes sujets de prédilection au quotidien.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017