19 mars 2018

Dans le Château de Nantes, y avait une expo rock, y avait une expo rock…

Rock ! Une histoire nantaise, nouvelle exposition temporaire du Château des ducs de Bretagne, a ouvert ses portes et ses amplis guitare. Plus qu’une rétrospective sur un style musical, c’est l’histoire politique et sociale des musiques actuelles à Nantes qui est présentée ici. Fragil vous fait la visite guidée.

Dans le Château de Nantes, y avait une expo rock, y avait une expo rock…

19 Mar 2018

Rock ! Une histoire nantaise, nouvelle exposition temporaire du Château des ducs de Bretagne, a ouvert ses portes et ses amplis guitare. Plus qu’une rétrospective sur un style musical, c’est l’histoire politique et sociale des musiques actuelles à Nantes qui est présentée ici. Fragil vous fait la visite guidée.

Branchez la guitare… moi j’accorde ma basse… un, deux, trois quatre !
Eh oui, nous sommes bien dans l’imposant Château des ducs de Bretagne pour visiter une expo consacrée au rock. Assez inattendu. Mais comme nous sommes aussi au Musée d’histoire de la ville de Nantes, une plongée dans l’histoire des musiques actuelles sonne ici complètement juste. Car le terme ʺrockʺ dans le titre de l’expo sert de générique et permet d’appréhender les styles et les artistes qui ont composé la scène nantaise, des années 60 à nos jours.

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Les Devils, groupe rock nantais des années 60

DR

On débarque dans l’expo au début des années 60, pour le premier concert rock nantais, le 29 avril 1962 : concours de guitares électriques, après le concours d’accordéon… petit conflit de génération ! (Rappelons qu’à cette époque, le rock français reprenait en français des tubes rock anglo-saxons). Se crée alors un vivier d’artistes de bals et de kermesses, qui vont trouver dans ces représentations le moyen de jouer et de gagner leur vie – près de 35 bals avaient lieu chaque week-end dans la région.

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Tequila dans les années 70

Jean-Marc Cremet

Il faudra attendre les années 70 pour voir émerger des groupes nantais qui vont jouer leurs propres compositions : Zig Zag, Ulysse puis Tequila, l’un des groupes qui a marqué les débuts du rock nantais et où officiait à la basse Claudine Lapart, première femme à accompagner un groupe de rock – milieu très masculin et très macho, ʺà l’époqueʺ paraît-il.
Apparaît ensuite le rock folk-tradi avec le groupe Tri Yann – non, on ne peut pas parler musique à Nantes sans évoquer ce groupe à la longévité record : 48 années d’existence !

Les années 70 marquent surtout la démocratisation de la musique et de son écoute : ouverture des magasins d’instruments et des premiers disquaires (Fuzz Disques place de la Bourse, qui fera venir les premiers imports anglo-saxons), arrivée des magnétophones à cassettes sur lesquels on pouvait non seulement écouter mais aussi enregistrer de la musique, premiers concerts rock dans les bars, les cinémas (cinéma de l’Atlantique) et les amphis de l’université, et premiers festivals comme ʺRock à Nantesʺ sur l’île de Beaulieu.

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Les gobelets permettent d'écouter les 120 titres de l'expo

DR

Le parcours de l’expo joue évidemment sa propre bande-son, qui se compose de 120 titres que l’on écoute au gré de sa déambulation grâce à des ʺgobelets auditifsʺ qui servent ici à amplifier le son, et pour lesquels on doit verser une consigne à l’entrée, comme en festival. Des bulles sonores sont également disséminées dans la scénographie grâce à des téléphones (modèle années 80), qui, lorsqu’on les décroche, font entendre des témoignages comme celui de Jean-Claude Bompais, guitariste des Rapaces (vainqueurs du premier concours de guitares électriques) ou de Noël Terrones, créateur de Fuzz Disques.

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Floride
Affiche du club Le Floride

Fanny Michaud

Si les années 80 mettent Rennes sur le devant de la scène rock, c’est que les musiciens nantais ont peu de salles où se produire – à part le club-discothèque Le Floride, premier lieu dédié à la musique rock live.

Il faut dire que le nouveau maire de droite, Michel Chauty, entame une bataille pour couper les subventions culturelles. En signe de protestation, plusieurs groupes nantais (les Flamingos, Compartiment Fumeur, Mickeynstein) vont organiser un concert place du Bon-Pasteur en mai 1983, sous la bannière ʺRock against Chautyʺ. En 1986, la municipalité commence apparemment à plier en lançant les travaux de rénovation des salles Paul Fort et Boris Vian, avant de décider que les rockeurs n’y auront pas accès du fait du fort risque de dégradation… L’intercommunalité prend alors le relais pour créer des lieux de diffusion des musiques actuelles (Saint-Herblain, Rezé, Saint-Sébastien).

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Rock Against Chauty

Pat Oger

Où l’action politique favorise effervescence culturelle et esthétiques plurielles

En 1989, Jean-Marc Ayrault devient maire de Nantes et nomme Jean-Louis Jossic, chanteur de Tri Yann, conseiller délégué aux musiques actuelles. S’ouvre alors une nouvelle ère de politique municipale culturelle, avec notamment la création de Trempolino, qui va fédérer et structurer les initiatives en musiques actuelles, et l’ouverture de l’Olympic en 1995.
L’effervescence culturelle qui naît alors va contribuer à la reconnaissance de la scène rock nantaise dans les années 90, dans une pluralité de styles : cold wave de Dominique A et Françoiz Breut, rock alternatif et humoristique d’Elmer Food Beat, rock anglo-saxon de Dolly…
Les années 2000 posent définit la ville de Nantes comme un modèle de métropole accueillante pour les artistes et les amoureux de culture, grâce au foisonnement d’initiatives associatives et privées, et aux orientations politiques de l’agglomération nantaise ; les musiques actuelles bénéficient d’un réseau de salles et de petites scènes, de structures de formation et de diffusion, d’associations d’artistes et de tourneurs.

On ne vous raconte pas les reconstitutions de chambre d’adolescent ou du studio de repet’ des Elmer Food Beat (avec, bien sûr, des soutiens-gorge accrochés), les expositions des quatre platines des C2C ou d’une basse fabriquée maison avec du bois et des cordes de piano, etc… Beaucoup de pépites sont présentées dans cette rétrospective, récoltées grâce à un appel aux prêts lancé par Laurent Chariot, commissaire de l’exposition, qui pendant deux ans a amassé les souvenirs des groupes de musique nantais : affiches, instruments, contrats d’engagement, costumes de scène. C’est touchant et émouvant de découvrir ces trésors conservés précieusement, comme la jaquette de la K7 démo de John Merrick, premier groupe de Dominique A.

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John-Merrick
K7 de John Merrick, premier groupe de Dominique A

Fanny Michaud

L’expo se termine par un aperçu de la nouvelle scène nantaise, artistes d’envergure nationale voire internationale : Sexy Sushi, Pony Pony Run Run, C2C, Christine and the Queens… Pop, électro, hip-hop, rock expérimental, Nantes la foisonnante n’a pas dit son dernier mot.

Rock ! Une histoire nantaise, à voir au Château des ducs de Bretagne jusqu’au 10 novembre 2018.

Ouverture, culture et mieux-vivre ensemble sont des sujets qui touchent particulièrement Fanny. Engagée depuis plusieurs années dans le secteur public culturel, elle revient grâce à Fragil à ses premières amours : le journalisme.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017