17 mai 2023

Créer un média sur TikTok avec des ados : les leçons à tirer d’une expérience laborieuse

Afin d'adapter ses ateliers de création de média avec les pratiques des plus jeunes, Fragil a sollicité le centre SPOT 15/25 ans de Guérande pour tester un nouveau support : Tik Tok. Face à l'enthousiasme des éducateurs du centre mais une faible mobilisation des jeunes, l'animatrice de Fragil a dû adapter son contenu et ses attentes. Retour d'expérience en quatre leçons.

Créer un média sur TikTok avec des ados : les leçons à tirer d’une expérience laborieuse

17 Mai 2023

Afin d'adapter ses ateliers de création de média avec les pratiques des plus jeunes, Fragil a sollicité le centre SPOT 15/25 ans de Guérande pour tester un nouveau support : Tik Tok. Face à l'enthousiasme des éducateurs du centre mais une faible mobilisation des jeunes, l'animatrice de Fragil a dû adapter son contenu et ses attentes. Retour d'expérience en quatre leçons.

Financé par le département de la Loire-Atlantique, le projet « création d’un média collaboratif sur Tik Tok » a chaleureusement été accueilli par les animateur·ices du centre SPOT dédié aux 15-25 ans à Guérande. L’atelier, sur deux journées entières, devait permettre à un petit groupe de jeunes de produire des reportages vidéo diffusés ensuite sur un compte Tik Tok créé pour l’occasion. Malgré l’enthousiasme et l’intérêt de la thématique chez les animateur·ices guérandais·es, le projet n’a recueilli aucune inscription. L’animatrice de Fragil a néanmoins pu réaliser une vidéo avec l’aide de quelques ados présentes, elle souhaite tirer quelques « leçons » de cet atelier en demi-teinte.

Le contexte de l’atelier

Les deux ateliers se sont déroulés lors de la seconde semaine des vacances de printemps, les 19 et 21 avril 2023. Malgré une campagne d’affichage réalisée par les animateur·ices du SPOT, le centre n’a recueilli aucune inscription préalable. Face à un « manque d’engagement » récurrent des jeunes sur les activités, Mamad, animateur au SPOT, relativise la situation et ne semble pas surpris par cette absence. Hasard du calendrier, les deux journées prévues sont entrecoupées d’un forum dédié aux emplois saisonniers pour lequel une petite dizaine de jeunes aide à l’organisation.

Les leçons à en tirer

Après ces deux journées riches en attente et rebondissement, l’animatrice de Fragil souhaite tirer quelques leçons sous forme de conseils pour de futurs ateliers de ce type.

Les voici :

il faut partir de l’envie des jeunes : malgré l’enthousiasme palpable des animateur·ices du centre SPOT de Guérande, il s’est avéré que les deux jours de création de vidéo sur Tik Tok n’ont pas eu le public escompté. Lors de leur présence au centre, certaines ados ont cependant bien voulu enregistrer quelques plans, réfléchir à quelques moments de tournage, sans pour autant se sentir pleinement concernées par le projet. À l’avenir, il parait donc essentiel de concerter les jeunes en amont du montage de projet, afin que celui-ci convienne au mieux à leurs attentes et envies. À la surprise de l’animatrice de Fragil, les jeunes de Guérande, habitué·es du SPOT, étaient peu à l’aise avec le réseau social Tik Tok, certaines n’ayant même jamais été sur l’application. Nouvelle preuve que les a priori ou présupposés ne constituent pas toujours une réalité sur l’usage des réseaux sociaux par les ados et jeunes adultes.

la communication est nécessaire mais ne fait pas tout : cette observation fait suite au premier point développé ci-dessus. La communication (visuelle, en direct, sur les réseaux sociaux…) est un élément essentiel de l’organisation d’un atelier, cependant elle ne garantit pas son succès. Les jeunes guérandais·es croisé·es lors des deux jours de stage étaient pour la grande majorité tous·tes au courant du projet. Malgré les rappels de vive voix et la réalisation d’affiche et de post Instagram, les jeunes ne sont pas emparé·es de cette thématique.

Agrandir

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capture d'écran du compte Instagram du SPOT 15/25

les jeunes ont besoin d’être rassuré·es quant à la « technique » :  étant peu à l’aise sur Tik Tok, la plupart des a jeunes ont surtout peur de se lancer dans l’activité technique que nécessite la création de vidéo. Avant de publier sur le réseau social, le groupe de trois ados venues en fin de journée a dû être rassuré et vivement encouragé quant à la prise en main d’un smartphone et d’un stabilisateur. Toutes trois avaient « peur de faire tomber » l’appareil, se dévalorisaient et avaient besoin d’être rassurées voir guidées à chaque instant du tournage. Après quelques minutes et au visionnage des premiers plans, toutes se sont rendues compte que le résultat n’était « pas si mal » et que l’aspect technique n’était pas aussi difficile qu’elles l’imaginaient.

il est parfois nécessaire de s’éloigner des méthodes d’éducation populaire : lorsque les participantes et participants sont absents ou peu motivé·es. Après avoir vivement encouragées les trois ados à prendre quelques plans pour une vidéo présentant les locaux du SPOT, l’adhésion au projet s’est drastiquement amoindri lors de la phase de visionnage et de montage. Tandis qu’aucune d’entre elles ne s’étaient essayé au montage, l’animatrice de Fragil a dans un premier temps pris les choses en main en pensant par la suite pouvoir « déléguer » une partie du montage aux jeunes présentes. C’est finalement en compagnie d’un des animateurs du SPOT que l’intervenante s’est chargée du montage et de la diffusion de la vidéo sur un compte Tik Tok. La volonté d’aboutir à un résultat fini aura eu raison des méthodes d’éducation populaire,ces méthodes s’appuyant essentiellement sur le travail en groupe et le volontariat des jeunes.

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Curieuse de tout et surtout de l'info, Romane (se) pose beaucoup de questions. Salariée de Fragil, elle écrit sur l'éducation aux médias et la musique actuelle !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017