15 août 2018

Brigitte : « À deux, on se sent plus forte ! »

Depuis leur reprise de Ma Benz, Brigitte a imposé un style, une marque de fabrique. Avant leur concert nantais prévu le 4 octobre prochain, Fragil a eu la chance d’interviewer Sylvie Hoarau, la Brigitte brune. Rencontre.

Brigitte : « À deux, on se sent plus forte ! »

15 Août 2018

Depuis leur reprise de Ma Benz, Brigitte a imposé un style, une marque de fabrique. Avant leur concert nantais prévu le 4 octobre prochain, Fragil a eu la chance d’interviewer Sylvie Hoarau, la Brigitte brune. Rencontre.

Brigitte, c’est une blonde, Aurélie Saada et une brune, Sylvie Hoarau. Après avoir écumé les salles parisiennes, les deux complices ont envahi la France (et le monde) grâce à leurs mélodies, leurs paroles, leur style et leur sensualité.
Quand on leur demande pourquoi elles ont choisi le nom Brigitte, elles répondent simplement que c’est en référence à « Brigitte Bardot, Brigitte Lahaye, Brigitte Nielsen, Brigitte femme de flic, Brigitte Fontaine, Brigitte ma tante qui cuisine si bien ». Mais Brigitte c’est avant tout une « histoire de femmes, de mamans et d’amitié ». Car malgré les différences, les deux femmes ont trouvé leur langage et leurs dénominateurs communs : la fantaisie, la folie, la liberté, la confiance et l’admiration réciproque.

L’histoire

Fin 2010, le groupe enregistre son premier album intitulé « Et vous, tu m’aimes ? », qu’elles écrivent et composent à deux. Quatre ans plus tard, Brigitte donne naissance à l’album « A bouche que veux-tu ? ». Après avoir dévoilé le morceau Palladium en septembre 2017, l’album « Nues », dont est tirée cette chanson, vient compléter leur discographie.

Un troisième opus plus mélancolique et nostalgique les deux précédents. Les morceaux traitent d’un père absent, d’un homme perdu qu’on aimerait retrouver… Mais l’ambiance reste dansante, enjouée, illuminée par les voix emmêlées des deux chanteuses, unies pour le meilleur. Pourtant, elles avouent que sur cet album, « on a retiré le maquillage mais aussi, la première couche de peau. C’est comme s’il s’agissait de faire face à la réalité, à la douleur. Assumer l’inassumable, avouer l’inavouable, se mettre nues ». Pour exprimer cette souffrance féminine, elles se sont notamment inspirées de Lilith, Frida Kahlo et Marie Laveau.

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Brigitte

Sophie Ebrard

Rencontre avec Sylvie Hoarau

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Sylvie Hoarau

« Je n’avais pas osé rêver devenir musicienne professionnelle ou rock star. Je crois que je ne savais même pas que ça existait vraiment. »

Fragil : Enfant et adolescente, qui étiez vous et à quoi rêviez vous ?
Sylvie Hoarau : C’est une vaste question. (elle hésite) J’étais une petite fille assez commune, il me semble. J’étais assez réservée. J’avais la chance d’avoir beaucoup de musique à la maison, parce que mon père était et est toujours musicien amateur. Nous écoutions donc beaucoup de musique. Mais je n’avais pas osé rêver devenir musicienne professionnelle ou rock star. Je crois que je ne savais même pas que ça existait vraiment.

Fragil : Comment vous êtes vous rencontrées ?
Sylvie Hoarau : Ce sont des amis musiciens que nous avons en commun qui nous ont présentées. Je les avais invités à venir boire un verre chez moi et ils étaient avec Aurélie. J’avais déjà entendu parler d’elle avant cette rencontre et, ce soir là, ça s’est passé très simplement…

« J’ai trouvé une super chanson érotique : Ma Benz ! »

Fragil : La reprise de Ma Benz a changé la vie du groupe. D’où est venue cette idée de reprendre ce classique des Suprême NTM ?
Sylvie Hoarau : C’est un hasard total. On n’avait pas prévu d’en faire une chanson phare ou un hymne féministe. Il se trouve qu’on a participé à la clôture d’un festival de cinéma vintage érotique très « arty ». Le programmateur nous a demandé si on accepterait de faire une reprise d’une chanson érotique. Alors évidemment, on pense tout de suite à Juliette Gréco avec « Déshabillez moi » ou à Gainsbourg avec « je t’aime moi non plus » ou « sea sex and sun ». Et ça nous embêtait un peu d’aller vers quelque chose de trop évident, on ne trouvait pas ça amusant. Et puis un soir, je me souviens très bien, il était 23h, Aurélie m’appelle, j’étais dans mon lit et elle me dit « j’ai trouvé une super chanson érotique : Ma Benz ! ». Je me suis levé pour écouter attentivement le morceau et les paroles. C’était parfait ! On l’a jouée à ce festival, on l’avait beaucoup travaillée et on l’a refaite à un autre concert. Après on nous l’a réclamée. Elle fait désormais partie de notre répertoire et on ne l’a plus jamais quittée.

Fragil : Comment avez-vous travaillé la réalisation de votre dernier album Nues, vu qu’Aurélie s’est exilée aux États-Unis ? Était-ce compliqué ?
Sylvie Hoarau : C’était différent. C’était une inconnue totale. On ne savait absolument pas comment on s’en sortirait. Le fait d’être si loin l’une de l’autre, de travailler à distance, on l’avait déjà un peu fait, mais ce n’était jamais aussi long. Il nous était déjà arrivé de terminer une chanson au téléphone, mais tout un album à distance, c’était compliqué. Le décalage horaire est juste énorme… Aurélie s’est retrouvée seule, dans le silence de sa maison aux États-Unis, il y avait un piano désaccordé qui l’a beaucoup inspirée. On a travaillé chacune de notre côté et on s’est retrouvé régulièrement. J’ai fait quatre séjours chez elle pour travailler. C’est sûr que ça créé forcément des chansons différentes. Le fait d’être loin, le fait d’avoir envie d’écrire sur son père, ça fait un album plus intime…

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crédit-Sophie-Ebrard-.

Sophie Ebrard

« C’était un fantasme de petite fille qui rêve d’être une diva. »

Fragil : Est-ce une volonté que vos concerts dégagent une énergie très sensuelle ?
Sylvie Hoarau : Avant qu’on fasse nos premiers concerts, quand personne ne nous connaissait et qu’on était à la maison, on n’avait même pas idée de faire un concert, on ne savait pas pour qui on faisait nos chansons. On s’était dit en rigolant que si un jour on devait faire des concerts, on s’habillerait avec des tenues de diva, des robes longues avec des paillettes, on ferait des chorées, on ferait les princesses. C’était un fantasme de petite fille qui rêve d’être une diva. On s’est pris au mot. Donc on a tout de suite travaillé des chorés, on a acheté des robes vintage avec des paillettes… On a décidé de faire ce qu’on avait jamais osé faire auparavant. Aujourd’hui, on a un peu plus travaillé les chorés avec un chorégraphe. Mais il n’y a pas de volonté ou un directeur marketing qui nous dirige. Ce sont juste nos envies…

« Je n’ai pas forcément envie de parler de ma famille, de mon mari, de mes enfants, de mes vacances ou de ce que j’aime. Ce n’est même pas que je ne veuille pas en parler, mais j’ai l’impression que ce n’est pas particulièrement intéressant. »

Fragil : Comment vivez vous la médiatisation ?
Sylvie Hoarau : On a pas mal de chance, parce qu’on ne nous reconnait pas trop dans la rue. Pour la médiatisation, je me prête au jeu. C’est super que les gens soient curieux de savoir qui on est, ce qu’on a fait ou de parler de notre dernier album. Après je suis peut-être plus pudique qu’Aurélie. Je n’ai pas forcément envie de parler de ma famille, de mon mari, de mes enfants, de mes vacances ou de ce que j’aime. Ce n’est même pas que je ne veuille pas en parler, mais j’ai l’impression que ce n’est pas particulièrement intéressant. J’ai une vie assez normale. Je dis toujours que j’ai gardé les mêmes enfants, le même mari, je descends toujours mes poubelles au même endroit, je fais mes courses au même supermarché depuis presque vingt ans.

« On ne va pas arrêter de vivre et ce concert on va le faire ! »

Fragil : Quel souvenir gardez-vous de votre concert au Zénith quelques jours après les attentats du 13 novembre et de l’interprétation de Paris en colère dans la quasi pénombre ?
Sylvie Hoarau : J’avais la gorge tellement serrée que j’en avais physiquement très mal. C’était un moment unique. On s’est demandé comme tout le monde comment on allait réussir à faire ce concert. Je me souviens du silence qu’il y avait dans la salle. Tout le monde était horrifié, pétrifié de douleur. Le concert était complet depuis des semaines et on a compté que 1000 personnes ne sont pas venues. Ce qui est normal. Certains n’avaient pas envie de faire la fête si peu de temps après les attentats. A un moment, on s’est même demandé si on n’allait pas annuler. Je me souviens avoir dit à Aurélie qu’on allait pas arrêter de faire de la musique à cause de ces gens là. C’est ce qu’ils veulent. On ne va pas arrêter de vivre et ce concert on va le faire !

Fragil : Quel est votre univers artistique au delà de la musique ?
Sylvie Hoarau : Malheureusement, je ne vais pas très souvent au cinéma. Je sais qu’Aurélie a adoré le film « Call me by your name ». Moi j’avais très envie d’aller voir « Gueule d’ange », mais je l’ai raté. En ce moment je lis Delphine de Vigan, que j’aime beaucoup. On va également voir beaucoup d’expositions. J’ai adoré Kupka au grand palais. Et à Londres, on a vu une expo intitulée Fashioned from nature. Magnifique !

« Je me dis régulièrement que ce serait génial de faire une comédie musicale. »

Fragil : Quels sont vos rêves maintenant ?
Sylvie Hoarau : (elle rit) Que ça dure ! Ce serait bien déjà. Au-delà de ça, je me dis régulièrement que ce serait génial de faire une comédie musicale. Ce serait une sacrée expérience !

« On se cale tellement bien ! »

Fragil : Avez-vous parfois envie l’une ou l’autre de chanter en solo ?
Sylvie Hoarau : Non, je me sentirais trop nue. On est tellement habituées à chanter ensemble. On se cale tellement bien ! Avant Brigitte, on a eu des projets séparément, on faisait de la musique depuis longtemps. On l’a donc déjà vécue cette expérience solo. Mais c’est tellement agréable d’être à deux. Et pas seulement pour la scène. On se sent très forte quand le binôme est très soudé. Ce serait dommage de s’en passer.

Rendez-vous pris pour le 4 octobre prochain au Zénith de Nantes pour le concert de Brigitte !!!

On a hâte…

Dub Camp 2018 : Big Up !

Les Escales de l’émotion

Réalisateur de formation, Merwann s’intéresse à la musique, à la littérature, à la photographie, aux arts en général. De juillet 2017 à juillet 2023, il a été rédacteur en chef du magazine Fragil et coordinateur de l'association.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017