14 janvier 2020

Bref, Kyan Khojandi est talentueux

Ce Samedi 11 Janvier, Kyan Khojandi était sur la scène de la Cité des Congrès pour la première date provinciale de son One man show « Une bonne soirée ». Huit ans après « Bref », l'humoriste, réalisateur, acteur et scénariste d’origine rémoise a offert au public nantais un stand up puissant. Fragil y était pour vous !

Bref, Kyan Khojandi est talentueux

14 Jan 2020

Ce Samedi 11 Janvier, Kyan Khojandi était sur la scène de la Cité des Congrès pour la première date provinciale de son One man show « Une bonne soirée ». Huit ans après « Bref », l'humoriste, réalisateur, acteur et scénariste d’origine rémoise a offert au public nantais un stand up puissant. Fragil y était pour vous !

Avec près de 1900 places, le Grand Auditorium est comble. Les spectateurs sont unanimement jeunes, dans la belle trentaine. Copains, couples, l’ambiance est posée et chaleureuse. Un public biberonné aux bonnes vannes des premiers Youtubeurs et Standupeurs, amateur de séries et de comédies clubs. Spectacle générationnel vous dites ? Kyan Khojandi apparaît sur scène, pantalon et t-shirt noir. Simple. Basique. La scène est épurée, comme le veut la tradition du stand up. Les premiers mots de l’humoriste sont en direction d’un spectateur en train de le photographier avec son portable :

« Non mais… déjà mec ? » lance-t-il. « Tu sors ton portable direct, sérieux ? Alors, je vous propose qu’on profite du spectacle tous ensemble, tranquillement, sans aucun téléphone. Je vous attends à la sortie et on fera 1000 selfies ensemble. »

Et on lui donne raison. Un spectacle sans lumières intrusives en avant-plan, c’est plutôt un bon départ.

Une salle chauffée à blanc

Très vite, Kyan dégaine. Arborant fièrement sa casquette de mec ordinaire, le débit rapide et la lose assumée, il nous raconte sa « Bonne Soirée ». Par un subtil jeu de flash-backs, il déroule l’épopée de sa vie amoureuse, amicale, familiale. L’enfance de son père en Iran, son installation parisienne dans les années 2000, sa collection des Chevaliers du Zodiaque, ses plans à trois, à deux, à un. On reconnait la touche de Bref que l’auteur semble parfaitement assumer. Punch lines, aller-retour entre deux époques, beat boxing pour décor sonore, zoom sur les pensées intimes du protagonistes puis retour à la réalité. Repeat.

Avec un style ultra-maîtrisé truffé de running gags, Kyan Khojandi ne se prive pas d’être tendre et sensible. Subtilement, il glisse quelques messages féministes, égalitaires et optimistes. Alors que pour une partie des critiques, la démarche bien-pensante de l’acteur soit facile, ici le public accueille la démarche avec allégresse.

Les fous rires se multiplient dans la salle, et seulement quelques minutes après le début du show, le public n’en finit plus de rire.

Un sniper de la vanne

Kyan frappe et laisse peu de répit. Ses digressions sans fin laissent le public KO. Honnêtement, on a rarement entendu une salle aussi hilare. On sort de la séance rempli de références que seuls les spectateurs pourront saisir. Le concept du « Guidon » a de beaux jours devant lui, la petite ritournelle « des jus, des jus, des jus » fait se dessiner un léger rictus incontrôlable, et on sourit à l’idée de siroter une petite verveine.

Avouons que la technique narrative est facilement identifiable, en tirant les mêmes ficelles d’une chute à l’autre, l’auteur ne cache pas sa mécanique et c’est tant mieux. Rien n’est préférable aux démarches artistiques assumées. Massivement influencé par Louis C.K, star américaine du storytelling (narration d’histoires), il retrace une histoire plutôt banale avec des vannes énormes, à l’image de Blanche Gardin, Marina Rollman, Roman Frayssinet et tant d’autres. C’est très bon esprit, et c’est ce que l’auditoire est venu chercher. L’issue du spectacle fait mouche. A la manière assumée d’un vrai épisode de « Bref », Kyan revient sur le moment partagé ensemble. En s’appuyant sur le format de la micro-série et un bon système de projection, on se régale.

Navo, le pote de 10 ans

Une fois n’est pas coutume, je terminerais cette chronique en évoquant la première partie de ce spectacle, Bruno Muschio alias Navo, le co-auteur et metteur en scène historique de Kyan Kodhanji. Depuis dix ans, le duo génère des vannes au kilomètre avec un style doux-amer parfaitement reconnaissable. Sweet à capuche, jean et basket, Navo parle plus tranquillement que son acolyte, mais la mécanique du stand-up est parfaitement huilée. Conscient de l’impatience de l’assistance et de la mission ingrate de la première partie, il affiche le ton :

« Vous n’êtes pas spécialement venus me voir, je ne suis pas spécialement venu vous voir non plus ».

C’est grinçant et ça marche. Il ouvre le bal avec une distance maline et la même posture de trentenaire légèrement boulet. A l’image de son pote, il débite avec finesse un récit à tiroirs, quasiment inénarrable. Sexe, couples trentenaires, frustrations, re-sexe,  Navo s’interrompt sans cesse lui-même et ajoute des couches de vannes aux précédentes. Brillant et maîtrisé. En comparant la première partie d’un spectacle aux préliminaires d’une relation intime, il lâche les chevaux et l’assemblée est déjà pliée en quatre. On comprend aisément pourquoi les deux potes se ne lâchent plus.

Une longue standing ovation

On l’a regardé. Il nous a regardé. On l’a regardé.

Pour finir, c’est bien une standing ovation de plusieurs minutes que le public offre au duo de potes. La tête d’affiche avoue qu’il est heureux de se produire à Nantes pour cette date importante.

« Il se passe un truc avec Nantes, je vous jure chaque fois c’est ouf ! »  confie l’humoriste, visiblement ému.

Sur un bon son d’Orelsan, ami et co-auteur de Kyan sur la série « Bloqués », il salue le public longuement. Bref, c’était bien plus qu’une bonne soirée.

A ne pas manquer

Le premier spectacle  de Kyan Khojandi « Pulsions » en intégralité sur YouTube

La toute nouvelle émission YouTube de l’équipe Kyan avec  la fine équipe composée d’Orelsan, Gringe, Navo, entre autres.

 

Atelier sur l'écologie et le numérique à la Pépinière Jeunesse Horizon

Une matinée autour des écrans à l'école Brassens

Lectrice assidue et rêveuse absolue, Laure a trouvé en Fragil un nouveau territoire de liberté et d'ouverture au(x) monde(s). Mordue de littérature et d'histoires de vie, elle tient un blog littéraire et suit de près l’actualité culturelle ligérienne.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017