29 septembre 2017

BAM, le TU lance sa saison !

Pour la deuxième édition du festival BAM surprise party, le Théâtre Universitaire avait convié plusieurs jeunes créateurs pour la réalisation de créations inédites et in situ les 26, 27 et 28 septembre 2017, « une traversée du théâtre dans tous ses états » pour célébrer le lancement de la saison. Rencontre avec Tanguy Malik Bordage et Clément Pascaud, co-metteurs en scène de la création cinématographique et théâtrale« Interdit aux moins de 18 ans », élaborée spécialement pour l’occasion.

BAM, le TU lance sa saison !

29 Sep 2017

Pour la deuxième édition du festival BAM surprise party, le Théâtre Universitaire avait convié plusieurs jeunes créateurs pour la réalisation de créations inédites et in situ les 26, 27 et 28 septembre 2017, « une traversée du théâtre dans tous ses états » pour célébrer le lancement de la saison. Rencontre avec Tanguy Malik Bordage et Clément Pascaud, co-metteurs en scène de la création cinématographique et théâtrale« Interdit aux moins de 18 ans », élaborée spécialement pour l’occasion.

Née d’envies croisées (« lancer une saison, inviter les publics à s’aventurer dans un théâtre, en révéler les possibles, les aspérités et les multiples facettes, offrir à de jeunes artistes un espace-temps pour expérimenter des formats, des intuitions et des collaborations, croiser les disciplines… et faire la fête dans un théâtre », selon Nolwenn Bihan, co-directrice du TU), BAM surprise party a invité des jeunes créateurs, metteurs en scène, chorégraphes, performeurs ou plasticiens de Nantes et d’ailleurs, pour créer, dans tous les espaces du théâtre et en 7 jours, ce temps fort d’ouverture de la  saison 2017-2018. « C’est la première saison du nouveau projet du TU, dédié à la jeune création et à l’émergence. La programmation et les actions artistiques soutiennent toute une nouvelle génération d’artistes de la scène théâtrale et chorégraphique. Nous initions un compagnonnage avec trois jeunes artistes nantais : Tanguy Malik Bordage, Clément Pascaud et Colyne Morange. Nous les accompagnons dans la réalisation de leurs projets artistiques, nous les associons à la programmation à travers des cartes blanches, nous leur confions des ateliers de pratique artistique, nous avançons ensemble », explique Nolwenn Bihan. Mission accomplie pour cette 2ème édition vu que sept performances aux formats insolites et très modernes se sont relayées pour animer les festivités.
Désormais artistes compagnons, Tanguy Malik Bordage et Clément Pacquaud nous ont reçus sur les fauteuils de la mezzanine du théâtre pour nous dévoiler les coulisses de leur pièce Interdit aux moins de 18 ans.

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T-et-C
Tanguy Malik Bordage et Clément Pascaud, compagnons du TU pour deux saisons

Merwann Abboud

Fragil: D’où est venue l’idée de Interdit aux moins de 18 ans ?
Clément Pascaud : La saison dernière, nous avons créé un spectacle chacun, Le loup des steppes pour Tanguy et Juste la fin du monde pour moi. Nous nous connaissons depuis deux ans, nous faisons partie du même label Grosse Théâtre et nous avions le rêve de faire quelque chose à deux, à tel point que nous en parlions souvent. Quand Nolwenn nous a proposé d’être artistes compagnons du TU pour les deux prochaines saisons, elle nous a également proposé le BAM. L’envie s’est ensuite concrétisée naturellement, c’est venu comme une évidence de co-signer une mise en scène. Nous remercions d’ailleurs les deux directrices de nous avoir fait confiance, alors que nous sommes de jeunes créateurs. C’est suffisamment rare pour le souligner.
Tanguy Malik Bordage : C’était aussi l’occasion de ne pas rentrer dans un systématisme individuel, de ne pas être catalogué trop tôt et de ne pas commencer à être une caricature de sa propre forme. Interdit aux moins de 18 ans est très différent des deux pièces que nous avons réalisées l’année dernière. Cela nous permettait de prendre du recul, de développer notre imaginaire, de rester libre et en mouvement, de se confronter à une esthétique qui n’est pas la nôtre, même si nos ambitions dans le fond sont les mêmes.

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Extrait de Interdit aux moins de 18 ans avec Sandrine Jacquemont, Guillaume Mallard et Karine Piveteau

Maud Drouet

Fragil: Comment vous êtes-vous répartis la mise en scène ?
Tanguy Malik Bordage : Nous étions d’accord sur le fait que Interdit aux moins de 18 ans devait commencer par un film. Et que ce film serait séparé en deux écrans, avec deux histoires en parallèle, qui font écho l’une à l’autre. Nous avons ensuite décidé ensemble que l’écran se relèverait et que derrière il y aurait une performance théâtrale avec les acteurs du film dans une grande scène collective.
Clément Pascaud : On a trouvé intéressant de mêler des acteurs de nos précédentes pièces. Je n’avais jamais travaillé avec Armel Façon et Guillaume Mallard. Pareil pour Tanguy qui n’avait jamais travaillé avec Manuel Garcie-Kilian, Sandrine Jacquemont et Karine Piveteau. C’était l’occasion de les réunir sur le même projet.
Tanguy Malik Bordage : Une fois qu’on avait trouvé le concept des films, chacun le sien, on les a tournés ensemble. Et une fois que ces deux histoires faisaient sens l’une à côté de l’autre, tout le reste du travail a été fait en commun, à quatre mains.

« Que ce soit Nietzsche, Arthaud, Sénèque ou Racine, ils ont tous cette faculté littéraire de convoquer quelque chose qui ressemble à de l’abstrait, à de l’art. »

Fragil: Comment avez-vous choisi les différents textes qui sont lus pendant la pièce ?
Clément Pascaud : Nous avions un thème commun : parler de la sexualité et du désir. Plus de désir que de sexualité, d’ailleurs.
Tanguy Malik Bordage : Le thème de la morale est venu très vite !
Clément Pascaud : Et l’idée de confronter tous ces thèmes également. C’est pour cette raison qu’on a appelé ce spectacle Interdit aux moins de 18 ans. Pour les textes, que ce soit Nietzsche, Arthaud, Sénèque ou Racine, ils ont tous cette faculté littéraire de convoquer quelque chose qui est un peu cosmique, quelque chose qui ressemble à de l’abstrait, à de l’art peut-être. On s’est tout de suite retrouvé  sur ces choix.
Tanguy Malik Bordage : On ne prend pas les textes pour une matière intellectuelle ou mentale, on les prend vraiment comme des objets épiques, émotionnels, grandiloquents et puissants. C’est plus de l’émotion que de l’intellect. Quand Clément m’a proposé ses textes, je me suis juste demandé quelle émotion cela me procurait en les lisant.

« Quand tu fais confiance à l’inspiration cosmique de ce métier, elle provoque du sens. »

Fragil: Comment avez-vous co-créé la mise en scène ?
Tanguy Malik Bordage : Elle s’est faite très rapidement. On est arrivés au TU une semaine avant de jouer. Quand on avait une idée, on l’explorait à fond sans trop se poser de questions.
Clément Pascaud : Ce qui était bien en six jours, c’est qu’on n’avait pas le temps. Pas le temps de tergiverser, pas le temps de se prendre la tête. Il fallait juste se faire confiance, lâcher prise.
Tanguy Malik Bordage : Il fallait accepter de ne pas tout comprendre. Et on se rend compte qu’il y a plein de choses qui font sens sans les avoir prévues comme tel. Tout est accident bienheureux. Quand tu fais confiance à l’inspiration cosmique de ce métier, elle provoque du sens. Plutôt que de chercher le sens d’abord, je trouve ça beaucoup plus intéressant de faire confiance à ce qui vient et de le faire aveuglément, pour s’apercevoir plus tard que tout ça fait sens. Pour donner un exemple, au beau milieu de la préparation de cette pièce, j’ai ouvert le livre le Gai savoir de Nietzsche au hasard et je suis tombé sur le chapitre « pour en finir avec la morale » qui était exactement dans le thème. Le livre fait quand même plus de 400 pages. Quand tu es dans une énergie de travail, tous tes canaux sont ouverts et la vie te propose la matière.

« Quand tu es en quête de subjectivité pure, tu en deviens forcément transgressif. »

Fragil: En préparant ce spectacle, aviez-vous l’envie de choquer, d’être transgressifs ?
Tanguy Malik Bordage : Pas forcément. Je pense que quand tu es sincère avec toi-même, tu es forcément transgressif. Parce que si tu es sincère, tu explores tes démons et quand tu es en quête de subjectivité pure, tu en deviens forcément transgressif. Parce que si on puise au fond de nous-mêmes, on est tous ange et démon. La transgression vient naturellement de la sincérité de la quête intime.

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Armel Façon dans Interdit aux moins de 18 ans

Maud Drouet

« C’est très beau aussi d’être un peu dépressif, fragile, faible. D’autant plus qu’on l’est tous, un peu déprimés, un peu sombres… »

Fragil: Des gens sont sortis pendant le spectacle, cela vous choque, vous attriste, vous fait plaisir ?
Tanguy Malik Bordage : Un peu tout ça à la fois.
Clément Pascaud : On parle de sexualité, de morale, on montre de la nudité, de la sexualité, encore heureux qu’ils puissent sortir ! Les spectateurs ont évidemment le droit de ne pas être d’accord avec ce qu’on propose. Au bout du compte, on essaye de parler d’une certaine forme de liberté, alors si on n’accepte pas que les spectateurs soient libres, on a tout faux.
Tanguy Malik Bordage : C’est exactement ce qu’on veut dire dans Interdit aux moins de 18 ans, que tout le monde est libre. Si les gens veulent sortir de la salle en criant « c’est un scandale ! », très bien ! Dans notre démarche, on remet plus en cause les gens qui disent « tu n’as pas le droit de dire ça! » !
Clément Pascaud : On vit dans un monde où il faut toujours se montrer fort, donner la bonne réponse, être quelqu’un de sympathique, alors que c’est très beau aussi d’être un peu dépressif, fragile, faible. D’autant plus qu’on l’est tous, un peu déprimés, un peu sombres…
Tanguy Malik Bordage : Il y a en ce moment, un prosélytisme du politiquement correct qui est tout aussi appauvrissant que le prosélytisme religieux. Il y a aussi un prosélytisme athée qui est tout aussi débile.

Autant vous prévenir que la saison du TU s’annonce vivante et actuelle, pleine de belles découvertes, de rencontres, de curiosités, de surprises et de liberté. D’autant plus avec ces deux trublions désormais compagnons qui n’attendent qu’une seule chose : vous interpeller à travers des œuvres qui ne vous laisseront pas indifférents.

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Flyer-bam
Flyer de BAM surprise party 2017

TU

La mode solidaire aux Dervallières

Les Belles Histoires de la cité nantaise…

Réalisateur de formation, Merwann s’intéresse à la musique, à la littérature, à la photographie, aux arts en général. De juillet 2017 à juillet 2023, il a été rédacteur en chef du magazine Fragil et coordinateur de l'association.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017