25 avril 2019

À la découverte de l’info avec les jeunes du Cellier

L'équipe de Fragil s'est rendue au local ado du Cellier le 17 avril dernier pour une journée consacrée au décryptage de l'information. Cinq jeunes, accompagnés par leur animateur, nous ont chaleureusement accueillis pour cette journée pleine d'ateliers.

À la découverte de l’info avec les jeunes du Cellier

25 Avr 2019

L'équipe de Fragil s'est rendue au local ado du Cellier le 17 avril dernier pour une journée consacrée au décryptage de l'information. Cinq jeunes, accompagnés par leur animateur, nous ont chaleureusement accueillis pour cette journée pleine d'ateliers.

Au beau milieu des vacances scolaires de printemps, cinq jeunes du Cellier se sont rendus au local ado de leur ville afin d’assister à une jounée “décryptage de l’info”. En effet nous leur avons concocté quelques ateliers et jeux autour du journalisme, des Fake News et du traitement de l’information dans les médias.

Le journalisme : idées reçues et discussion

Pour cette première partie nous avons choisi d’aborder le sujet du journalisme et de questionner les stagiaires du jour sur ce mot. Afin de stimuler leur esprit critique et leur argumentaire, nous leur proposons un premier atelier nommé “débat mouvant“.

Le principe est simple, nous leur annonçons une phrase, s’ils sont plutôt d’accord avec cette affirmation ils se placent d’un côté  et si ils sont au contraire plutôt “contre” cette idée ils se placent de l’autre côté de la pièce. Chaque participant et participante doit se placer seul.e, selon son propre avis. Nous leur avons soumis quelques phrases qui suscitent le débat, par exemple :

On n’est journaliste que si on a une carte de presse

Pour les journalistes, il est plus important de parler de 10 morts à 10km que de 100 morts à 1000km

En France, on censure des journalistes

Très rapidement nos jeunes stagiaires ont bien compris qu’il n’y avait pas toujours de “bonne” ou de “mauvaise” réponse. Le but de cet atelier étant de savoir se placer par rapport à une idée, puis d’argumenter face aux autres tout en acceptant les arguments contraires.  Cet atelier permet également d’informer les participantes et participants sur certains sujets, notamment la carte de presse : à quoi sert-elle ? Comment les journalistes se la procurent ? …

Pour poursuivre dans le domaine du journalisme, nous proposons à notre public du jour un jeu d’écriture journalistique. Créé par les salariés de Fragil, ce jeu permet de proposer une initiation à l’écrire journalistique en quelques minutes. À l’aide d’une feuille de brouillon et d’un crayon, le jeu débute par l’écriture des 6 questions essentielles à la mise en place d’un article : qui ? quoi ? où ? quand ? comment ? pourquoi ? Ces questions émanent d’un temps de discussion avec les stagiaires au début du jeu.

Une fois les 6 questions écrites sur la feuille de brouillon, l’animateur ou l’animatrice du jeu va réaliser une action sous les yeux de son public : prendre ses clefs dans la main droite pour les lancer vers sa main gauche sans réussir ce geste, les clefs tombent donc à terre. Une fois l’action passée, les jeunes doivent écrire en face des 6 questions, les 6 réponses que peut donner l’action qui vient de se produire. Les journalistes en herbe doivent donc répondre à ces 6 questions d’après ce qu’ils ont vu, mais aussi d’après leur propre curiosité. En effet si quelques uns, le plus souvent, redemande la fonction ou le nom de l’animateur ou l’animatrice, rare sont ceux qui poussent la réflexion plus loin en demandant notamment quelle intention y avait-il dans cette action.

Deux jeunes accompagnés par Quentin, l’animateur du centre

Après ce temps de réponse nous leur demandons par la suite de rédiger quelques phrases avec les réponses aux questions, puis de donner un titre à ce court article. Quelques minutes plus tard certains souhaitent lire leur production, un moment toujours intéressant pour le groupe. Nous observons que les textes se ressemblent dans les grandes lignes mais qu’ils diffèrent notamment à la question “pourquoi ?” aucun des textes ne se rassemble sur la réponse. Pour certains nous avons fait tomber nos clefs pour l’exercice, pour d’autres c’était par amusement … Cet atelier permet de rendre compte d’une certaine méthodologie d’écriture mais aussi de la nécessité de poser des questions si l’on souhaite avoir des informations exactes et précises.

Dernier temps fort de la matinée : un jeu autour des sources d’information. C’est la première fois que nous appliquons ce jeu fraichement élaboré par nos soins. Le groupe de cinq jeunes est complété par l’animateur, ils forment deux groupes de trois personnes sur deux tables différentes. Chacun des groupes reçoit un schéma tel que celui là : (l’autre groupe a un schéma différent)

Dans chaque groupe chacune des personnes reçoit deux ou trois phrases secrètes où sont inscrit des consignes, par exemple : “Carrés : nombre et couleur” “Cercles: disposition et nombre”. Une fois que chacun et chacune a pris connaissance de ses phrases et du schéma de son groupe, ils ont 3 minutes pour donner les informations qui leur sont demandées sur une feuille de brouillon. Une fois ce temps passé, les schémas sont retirés, les participants échangent leurs brouillons avec celui de l’autre groupe. Ainsi, tous les stagiaires ont le brouillon d’un membre du groupe opposé, le but maintenant est de lire ce brouillon et essayer de reproduire le schéma uniquement de manière individuelle dans un premier temps.

Atelier recoupement des sources

Après quelques minutes, les stagiaires se rendent compte qu’il n’arrivent pas à reproduire seuls leur schéma, nous leur proposons donc de mettre en commun les brouillons, toujours avec le même groupe dont ils font partie depuis le début. Bien qu’il n’aient pas tous les éléments permettant l’exacte reproduction du schéma, la concertation se fait beaucoup plus facilement en groupe. Dans le prolongement de cet atelier nous faisons directement le lien entre ce jeu et l’importance du recoupement des sources.

Pour avoir une information la plus fiable et la plus complète possible il faut nécessairement multiplier les sources et aller poser des questions.

Résultat de l’atelier recoupement des sources

Décrypter l’information

Pour cette seconde partie de journée nous débutons l’après midi avec le jeu “autour du mot” spécial Fake News. Sur un tableau ou un paperboard nous inscrivons FAKE NEWS au milieu. Chaque personne du public doit alors écrire UN mot autour de FAKE NEWS, un mot qui évoque pour lui ce sujet. Puis chacun à leur tour les participantes et participants soulignent le mot qu’ils préfèrent et barrent celui qu’ils trouvent le moins pertinent. S’en suit une temps de discussion pour observer qui a écrit tel mot et pourquoi les mots les plus ou moins aimés ont été choisi. Cet atelier permet d’élaborer une définition commune à ce qu’est une Fake News.

Atelier vérification d’une information

Pour terminer cette journée, nous proposons aux jeunes un atelier sur les PC, plus particulièrement sur Twitter. Vu leur nombre réduit, les jeunes se placent à un poste par personne. Nous les invitons à se rendre sur ce lien URL  , lien que nous avons créé et qui mène sur le fil Twitter correspondant à toutes les publications ayant le hashtag #insolite. Ce fil twitter nous permet de regrouper toutes les actualités qui disposent de ce hashtag et donc de visualiser des informations plutôt surprenantes, qui sèment le doute sur leur véracité.

Toujours individuellement nous leur proposons de choisir une informations sur ce fil twitter et d’aller lire l’article qui lui est reliée. Puis chacun doit chercher d’autres articles pour vérifier si l’information de base est vrai ou si elle est fausse. Nous leur demandons au moins quatre autres sites fiables pour confirmer ou au contraire contredire l’information choisie. À la fin de cet après midi ceux et celles qui le souhaitent montrent au groupe l’information qu’ils ont choisi puis la manière dont ils ont procédé pour la vérifier.

Atelier vérification de l’info sur internet

Pour cette fin de journée nous demandons aux jeunes stagiaires leurs avis sur les ateliers menés et sur les sujets abordés. Il en ressort de l’enthousiasme et de l’intérêt, notamment pour les jeux de prise de position tel que le débat mouvant ou encore le temps de vérification sur les PC.

Retrouvez ci-dessous le déroulé de notre journée avec notre présentation Google Slides :

Curieuse de tout et surtout de l'info, Romane (se) pose beaucoup de questions. Salariée de Fragil, elle écrit sur l'éducation aux médias et la musique actuelle !

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017