6 décembre 2025

Exposition « 24h de la vie d’une femme » : immersion sensorielle et éducative

Jusqu’au 19 décembre 2025, les Archives départementales de Nantes accueillent "24h de la vie d’une femme", une exposition immersive conçue par Ars Anima. À travers six parcours, chacun composé de quatre salles sensorielles, le public plonge dans les histoires d’Aouda, Marie, Abi, Juanita, Vandana et Shayda. Pensé comme un outil pédagogique autant qu’une expérience sensible, le dispositif invite collégien·nes, lycéen·nes et grand public dès 10 ans, à comprendre, ressentir et questionner les enjeux d’égalité, de liberté et de droits.

Exposition « 24h de la vie d’une femme » : immersion sensorielle et éducative

06 Déc 2025

Jusqu’au 19 décembre 2025, les Archives départementales de Nantes accueillent "24h de la vie d’une femme", une exposition immersive conçue par Ars Anima. À travers six parcours, chacun composé de quatre salles sensorielles, le public plonge dans les histoires d’Aouda, Marie, Abi, Juanita, Vandana et Shayda. Pensé comme un outil pédagogique autant qu’une expérience sensible, le dispositif invite collégien·nes, lycéen·nes et grand public dès 10 ans, à comprendre, ressentir et questionner les enjeux d’égalité, de liberté et de droits.

Aux Archives départementales de Loire-Atlantique, à Nantes, l’exposition immersive 24h de la vie d’une femme propose un voyage hors du commun. Celui de femmes venues du Niger, du Guatemala ou de France, dont les voix se croisent pour raconter la lutte, la dignité et la reconstruction. Des parcours sensoriels où lumière, son et récit se mêlent pour raconter les combats de femmes : égalité, éducation et liberté d’expression.

« Le format immersif, ça fait très longtemps qu’on fait ça, à l’association Ars Anima » soutient Cécile Delalande, directrice artistique d’Ars Anima et conceptrice du projet. Ce concept à la croisée entre art, pédagogie et engagement, vise à éveiller les consciences « des filles et des garçons, des femmes et des hommes » à des problématiques qui touchent des femmes du monde entier. Elle met en avant le fait que, « ressentir et se mettre à la place de » en éveillant les sens et l’imaginaire, permet de sensibiliser à ces « enjeux de société ». La démarche de la directrice se résume par une citation de Confucius « dis-moi et j’oublierai, montre-moi et je me souviendrai, implique-moi et je comprendrai ».

Panneau d’introduction de l’exposition « 24h de la vie d’une femme », présentant les parcours d’Aouda, Marie, Abi, Juanita, Vandana et Shayda, issues de six pays dans le monde. 30/10/25 © Zineb Benkhider

Une démarche éducative et collective

L’accueil de cette exposition par les Archives départementales de Loire Atlantique s’inscrit dans une volonté claire : celle de lier culture, mémoire et engagement citoyen. Maud Béguin, chargée de mission éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale Pays de la Loire Coopération Internationale, le rappelle : « Je pense que les Archives départementales sont en symbiose avec l’esprit qui anime cette exposition : transmettre au plus grand nombre, mais aussi oser faire ce pas de bonté qui permet de trouver notre regard différemment et d’élargir notre champ de réflexion sur un monde de liberté et de dignité ».

Cette approche s’accompagne d’une politique locale active : « Près de 1 500 femmes victimes de violences sont accompagnées chaque année en Loire-Atlantique. 150 communes ont déjà mis en place un protocole d’accueil pour ces situations, avec l’objectif d’une couverture complète d’ici 2028 ». Maud Béguin insiste : « Les femmes doivent pouvoir prendre la parole, qu’elles soient invisibles, victimes silencieuses, ou travailleuses essentielles. C’est un combat universel et local ».

Cette exposition s’adresse au grand public dès 10 ans et Cécile Delalande l’affirme : « L’éducation, c’est la porte d’entrée pour changer notre société ». Elle continue en parlant des collèges et lycées : « C’est notre site privilégié. C’est là que tout se passe. Il y a encore beaucoup de violence ». Ainsi, en plus des parcours, il existe des dossiers pédagogiques gratuits, réalisés avec l’Unicef. Ils permettent aux enseignant·es d’approfondir ces sujets dans le cadre des parcours citoyens. Ces prises d’initiatives sont essentielles et les retours, auprès de la conceptrice le confirment. « De nombreuses jeunes filles confient que c’est leur quotidien. Les garçons, gênés mais attentifs, demandent comment ils peuvent aider. Ces échanges montrent à quel point nos cités et espaces publics restent marqués par cette violence. Ces jeunes sont déjà porteurs de conscience, et c’est à eux qu’il faut s’adresser pour parler de solidarité et de construction des communs ».

Intervention des actrices à l’origine de l’exposition. De gauche à droite : Shayda, l’une des muses de l’exposition ; Cécile Delalande, directrice d’Ars Anima ; Dominique Poirout, vice-présidente culture et patrimoine ; Myriam Bigeard, conseillère départementale égalité femmes-hommes, lutte contre les discriminations et les violences faites aux femmes ; Maud Béguin Allegro, chargée de mission éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale. 30/10/2025 © Zineb Benkhider

La scénographie comme langage émotionnel

Depuis 2004, Cécile Delalande explore cette manière de toucher le public autrement, par l’expérience directe et l’émotion. Elle précise, « le premier choix qu’on fait, c’est l’audio, c’est l’histoire racontée. C’est des femmes qu’on a interviewées ». Le public porte un casque pour se laisse happer par les voix et la bande-son « façon documentaire ». On entend « l’allumette qui craque ou la grand-mère qui ouvre la fenêtre au bord de la mer ». Elle indique que « le son est un univers de voyage qui permet à l’imaginaire humain, qui est très puissant, de se déployer ».

Casques et bracelets distribués au début des parcours 30/10/2025 © Zineb Benkhider

Viennent ensuite les jeux de lumière, inspirés du travail de l’artiste James Turrell. La directrice d’Ars Anima développe, « la lumière, c’est de l’émotion. C’était une manière d’inviter les gens à plonger dans cet univers, dans la vie du personnage, de les accompagner tout doucement ». Ainsi, chaque espace marque une étape dans la traversée. « Acte un, on est dans la compréhension de la lignée, d’où on vient, dans le ventre de la mère ». Puis viennent l’obscurité, les masques, la sensation d’impuissance. À cette étape, on plonge dans les peurs et les combats de ces femmes. Les masques incarnent les figures qui les ont blessées, celles à l’origine de leurs angoisses. La lumière se resserre, les sons deviennent plus tendus. Le·la visiteur·ice ressent brièvement ce face-à-face avec ce qui a mis la protagoniste en danger. Enfin, la lumière revient. Une personne évoque les combats, mais surtout les réussites de la protagoniste, ainsi que les associations nées de ces luttes. « On réintroduit la vie avec un personnage qui s’adresse de très près au public pour maintenir cette intimité », explique la conceptrice.

Une expérience symbolique, pensée comme un miroir des systèmes qui structurent encore nos sociétés. Cécile Delalande souligne « ce n’est pas une histoire de femmes, c’est une histoire de système. Ces systèmes patriarcaux prennent différents visages, mais c’est toujours la même chose : des systèmes de division ».

Les trois premiers espaces de l’exposition : le ventre de la mère ; les moments difficiles et dramaturgique de la vie ; le retour à la lumière. 30/10/2025 © Zineb Benkhider

La réception du public

L’impact pédagogique du format immersif se confirme au fil des témoignages recueillis. Cécile Delalande cite celui d’une jeune femme, marquée par l’immersion consacrée à Marie, victime de violences conjugales et psychologiques. La participante se confie : « Son silence, sa culpabilité… En sortant, j’ai réalisé que le silence d’une amie ressemblait exactement à ça. J’ai alerté notre groupe d’ami·es et on s’est rendu compte que quelque chose n’allait pas ».

À la sortie du parcours de Marie, Caroline, venue avec sa fille Faustine, parle d’une immersion « qui donne la chair de poule ». Elle y voit un outil essentiel pour l’éducation aux relations : « ça devrait être vu par tout le monde ». Faustine, 13 ans, résume d’un simple: « ça m’a captivée ». Olivia et Maelys, qui ont découvert les récits de Shayda et de Marie, évoquent une expérience qui « fait prendre conscience que les injustices vécues par les femmes dépassent les frontières ».

Flavie, après quatre immersions, souligne la puissance des bruitages et des voix : « on ressent presque la douleur d’Aouda ». Son mari Christian insiste sur cette capacité du dispositif à « faire entrer dans la peau du personnage ». Comme dans une capsule, qui commence dans la douceur avant de révéler la brutalité du réel. Il y voit un outil précieux pour sensibiliser les jeunes et leur apprendre, très simplement, « à ne pas reproduire le machisme ».

Infos pratiques

Informations et réservation de l’exposition 24h de la vie d’une femme

 

À 34 ans, Zineb entame un nouveau chapitre de sa vie en rejoignant le média nantais Fragil comme rédactrice bénévole. Issue du domaine de l’enseignement, elle voit dans le journalisme une autre façon de transmettre et de développer de nouvelles compétences.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017