10 décembre 2021

Vertikal de Mourad Merzouki, les pieds sur terre sans en avoir l’air – Interview de Kader Belmoktar

Le 17 novembre dernier au Théâtre de la Fleuriaye à Carquefou, les danseurs de la compagnie Käfig jouaient Vertikal, du chorégraphe Mourad Merzouki. Entre danse hip-hop, escalade et envole, les danseurs ont défiés les lois de la gravité.Fragil est allé à la rencontre de Kader Belmoktar, danseur des premières heures de la compagnie Käfig et assistant chorégraphe.

Vertikal de Mourad Merzouki, les pieds sur terre sans en avoir l’air – Interview de Kader Belmoktar

10 Déc 2021

Le 17 novembre dernier au Théâtre de la Fleuriaye à Carquefou, les danseurs de la compagnie Käfig jouaient Vertikal, du chorégraphe Mourad Merzouki. Entre danse hip-hop, escalade et envole, les danseurs ont défiés les lois de la gravité.Fragil est allé à la rencontre de Kader Belmoktar, danseur des premières heures de la compagnie Käfig et assistant chorégraphe.

Kader a commencé à danser en 1991. Inspiré par la vague créative impulsée par l’émission H.I.P. H.O.P. sur TF1 en 1983, il se lance corps et âme dans la danse hip-hop et se fait remarquer dans les cercles et les battles. A ce moment-là, la France est témoin des débuts du mouvement et le métier de danseur hip hop professionnel n’existe pas encore.

“Tu tournes sur la tête une fois, deux fois, trois fois, mais qu’est ce que tu veux raconter concrètement ?”

Kader Belmoktar, en bas © Karo Cottier

Rentrer dans le cadre pour mieux s’en émanciper

Après plusieurs années et différentes compagnies, Kader Belmoktar entre dans la cie Käfig, avec Mourad Merzouki à la chorégraphie et la direction artistique. Käfig, signifie « la cage » en allemand : “Au départ, c’était vraiment : […] l’intention de se dire, nous on a envie d’aller vers l’autre, de sortir de cette cage où vous voulez nous mettre.”

Au moment de son arrivé dans la compagnie, Kader a déjà participé à la création de plusieurs spectacles. Cependant, le hip-hop y reste souvent représenté sous forme de show, un format plus impressionnant et percutant qui correspond aux codes du break. La danse hip-hop évolue vers des pièces plus abouties en se nourrissant de d’autres styles de danse tels que le classique ou le contemporain et en s’inspirant de leur méthodologie de travail. Comme le souligne Kader, les pièces de danse hip hop ont besoin d’un fil rouge, d’une histoire : “Tu tournes sur la tête une fois, deux fois, trois fois, mais qu’est ce que tu veux raconter concrètement ?”.

Scénario, prise d’espace, musique, lumières, costumes… La compagnie Käfig évolue sous la direction de Mourad Merzouki. Musicalement, le compositeur Armand Amar propose les morceaux et les adapte dans un travail de co-construction avec la compagnie, comme il est possible de l’entendre dans Vertikal. “C’est pareil pour Vertikal, […] on sent que c’est le même compositeur au fil des spectacles, que tout est lié. C’est un vrai luxe.”

L’idéation de la pièce s’étaye alors d’un scénario, de tableaux, développant les possibles et la profondeur du propos. Dans un premier temps, le chorégraphe de Vertikal réunit une équipe artistique pour parler du spectacle. Il va pouvoir évoquer la lumière, la scénographie et échanger avec l’équipe pour que la pièce prenne forme. Kader précise, “Au début de la création d’une pièce, Mourad fait un synopsis. C’est- à-dire qu’il va mettre des cases, il va dire : « Bon, mon premier tableau, je le vois comme ça. Le deuxième, le troisième… ».”

© Laurent Philippe

“Au début de la création d’une pièce, Mourad fait un synopsis. C’est- à-dire qu’il va mettre des cases, il va dire : « Bon, mon premier tableau, je le vois comme ça. Le deuxième, le troisième… ».”

Prendre le contrepied sans être à contretemps

En tant qu’assistant chorégraphe, Kader souligne l’importance pour le directeur du CCN de Créteil d’être là où on ne l’attend pas. Si un danseur est connu pour un mouvement en particulier, ce n’est pas à celui-ci qu’il faudra s’attendre sur scène. En effet, dans les pièces du chorégraphe, les contraintes cohabitent sur le plateau, présentes sous différentes formes. On peut notamment l’observer avec les arts numériques dans Pixel (2015), la verticalité et les jeux de hauteur dans Vertikal (2018) ainsi que l’air dans Zéphir (2021), sa dernière création.

Pixel © Patrick Berger / ArtComArt

Pour Kader, ces contraintes donnent naissance à la nouveauté. Elles sont comme un outil de création, permettant de repousser les limites de l’existant en stimulant la créativité des danseurs. Celui-ci va venir puiser dans ses ressources, trouver de nouveaux repères, de nouveaux appuis, il va évoluer pour se renouveler. Ce qui peut être perçu comme une contrainte, s’avère être synonyme d’une grande richesse dans le travail de Mourad Merzouki et les membres de la compagnie Käfig.

Enfin, on retrouve dans le spectacle Vertikal toute la richesse de l’univers du chorégraphe, rendu possible par la virtuosité et la ténacité des danseurs de la compagnie Käfig. Véritable équilibre permanent entre artistes et athlètes, la pièce propose une nouvelle perception du mouvement en repoussant le champ des possibles.

Pour suivre les prochains spectacles de Mourad Merzouki sur Instagram c’est par ici :
@mouradmerzouki, CCN de Créteil / Compagnie Käfig : @kafigccncreteil.

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Etudiante en communication, passionnée par les arts et le spectacle vivant. Je danse et j’écris un peu, parfois.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017