18 octobre 2022

Un jeu de cartes pour comprendre le fonctionnement technique des moteurs de recherche

La manière dont fonctionne Google, Bing ou Yahoo est souvent ignorée par les personnes que nous encadrons dans nos ateliers d'éducation aux médias. Fragil a donc développé un jeu de cartes et un déroulé d'atelier pour vulgariser le fonctionnement technique des moteurs de recherche.

Un jeu de cartes pour comprendre le fonctionnement technique des moteurs de recherche

18 Oct 2022

La manière dont fonctionne Google, Bing ou Yahoo est souvent ignorée par les personnes que nous encadrons dans nos ateliers d'éducation aux médias. Fragil a donc développé un jeu de cartes et un déroulé d'atelier pour vulgariser le fonctionnement technique des moteurs de recherche.

« Pouvez-vous citer trois moteurs de recherche ? », la question est posée et les sourcils se haussent. « Quelle est la différence entre un navigateur et un moteur de recherche ? », la perplexité peine à être dissimulée. « Comment ça marche un moteur de recherche ? » et le silence résonne. Au fil des ateliers d’éducation aux médias animés par Fragil, nous avons constaté que les personnes que nous encadrions, qu’elles soient élèves , étudiant·es, ados ou adultes, étaient très souvent perdues lorsqu’on évoquait avec elles l’un des outils qu’elles utilisent pourtant quotidiennement, à savoir les moteurs de recherche.

En faisant ce constat, nous avons décidé de développer un atelier permettant de vulgariser le fonctionnement technique des moteurs de recherche pour des groupes allant jusqu’à 30 personnes. Le voici détaillé ici.

Définir ce que sont les moteurs de recherche

En préambule, il est utile de sonder le groupe sur les noms d’entreprises qu’il associe aux moteurs de recherche. Commencer l’atelier par la question « Pouvez-vous citer trois moteurs de recherche ? » permet de mettre en lumière la confusion habituelle qui existe entre navigateurs web (Google Chrome, Mozilla Firefox, Safari…), logiciels qui permettent d’afficher des pages web sur son terminal (téléphone, ordinateur), et les moteurs de recherche (Google, Yahoo, Bing…) qui sont des sites affichant des listes de résultats de recherche associées à des requêtes spécifiques.

Un aperçu des différents moteurs de recherche

Une fois que le groupe a saisi la différence entre les deux notions, quitte à montrer un exemple sur un vidéo-projecteur, l’atelier pratique peut commencer.

Le matériel utilisé

Une trentaine de cartes représentant des pages web on été créées par Fragil (téléchargeable ici). Sur chacune de ces cartes, on peut retrouver :

– Une adresse web de type « 236.fr »
– Un titre
– Du contenu
– Des liens vers d’autres pages
– Un temps de chargement

Les cartes utilisées pour animer l’atelier de vulgarisation du fonctionnement des moteurs de recherche.

Le vocabulaire

Indexation : l’indexation des documents consiste à associer des mots clés et informations à chaque document en fonction du plan de classement, afin de faciliter, ensuite, la recherche, l’accès et le traitement par les utilisateurs.

Robot d’indexation : un logiciel qui explore automatiquement le Web

Se transformer en robot d’indexation et remplir des bases de données

À l’aide de cartes créées spécialement pour l’occasion, représentant des pages web avec du contenu unique, les participants et participantes vont se mettre à la place des moteurs de recherche pour comprendre leur fonctionnement.

1/ On demande à 3 binômes de se porter volontaires : ce seront 3 moteurs de recherche différents. Chaque binôme choisit un nom (moteurderecherche.com, youpi.fr…) et définit les rôles des deux personnes : une sera « robot d’indexation » qui devra ramener des information issues de pages web à l’autre qui sera chargée d’inscrire ces information sur la « base de donnée » (un tableau vide imprimé sur une feuille)

2/ On distribue à chaque participant·e restant dans la pièce une ou deux cartes « page web » : ces personnes représenteront l’ensemble des pages existantes sur le web.

3/ Pendant 5 minutes, les équipes de « moteurs de recherche » vont indexer, de la manière la plus qualitative qui soit, le maximum de page web sur leur base de donnée, en suivant les deux règles suivantes :
-On ne peut traiter qu’une seule page à la fois

-Les robots ne peuvent consulter que des pages liées entre elles

A l’issue des 5 minutes, on débriefe rapidement et on compare le nombre de page indexées par chaque binôme.

La base de donnée d’indexation remplie en 5 minute par un groupe

Répondre à des requêtes

La personne en charge de l’animation va ensuite demander à chaque groupe de donner une liste classée des adresses de pages que chaque « moteur de recherche » recommande en fonction de requêtes précises. Ces résultats seront affichés au tableau pour que l’ensemble du groupe puisse observer les différences.

Les requêtes sont les suivantes :

– « Vinaigrette »
– « Beau chien »
– « Quelle est la meilleure équipe de foot ? »

Les trois résultats de recherche de trois groupes différents sur la même requête.

A chaque affichage de résultat, on peut questionner le groupe en demandant « pourquoi chaque moteur de recherche donne des listes des résultats différentes ? ». Plusieurs pistes peuvent être évoquées pour expliquer ces différences. En cinq minutes, les robots n’auront pas eu le temps de parcourir « toutes » les pages du web, et n’auront permis qu’une indexation partielle. Les pages indexées ont été associées à des mots clés qui ne correspondent peut être pas tout à fait à la requête. Ou encore, les classements proposés par chaque binôme se sont basés sur des critères (algorithmes) différents : la page recommandée en premier était-elle la première page indexée sur le sujet de la requête ou bien était-ce une page comportant plus de mots clés en lien avec la requête ?

Questionner les limites des moteurs de recherche

« Je n’avais jamais réfléchi au fonctionnement des moteurs de recherche », « ça permet de comprendre qu’il y a des gens derrière », les retours à la suite de ce type d’atelier permettent de mettre en lumière le besoin d’explications du fonctionnement de certains outils utilisés quotidiennement par une grande partie de la population. En comprenant que les résultats de recherche de Google, Bing, ou encore Yahoo sont liés à la performance des robots d’indexation, à la qualité des données indexées et à l’algorithme de réponses aux requêtes, les participant·es peuvent s’interroger sur le pouvoir qu’ont ces moteurs de recherche en terme de trafic sur les sites web. Surtout lorsque ceux-ci, comme Google, sont en position de quasi monopole.

Que se passerait-il si Google décidait de ne plus indexer les pages sur lesquelles figurent le mot « chat » ?

Que se passerait-il si Google décidait de ne plus insérer dans ses résultats de recherche les pages sur lesquelles figurent le mot « censure » ?

 

Chargé de projets numériques et médiatiques chez Fragil depuis 2017, musicien, auteur, monteur... FX est un heureux touche-à-tout nantais. Il s'intéresse aux musiques saturées, à l'éducation aux médias, aux cultures alternatives et aux dystopies technologiques.

L'édito

Touche pas à mon info !

L’investigation vit-elle ses derniers mois sur l’audiovisuel public en France ? Contraints par une réduction budgétaire de 50 millions d’euros en 2018 par rapport au contrat d’objectifs et de moyens conclu avec l’ancien gouvernement, les magazines « Envoyé Spécial » et « Complément d’enquête » verront leurs effectifs drastiquement diminués et une réduction du temps de diffusion au point de ne plus pouvoir assurer correctement leur mission d’information. Depuis l’annonce, les soutiens s’accumulent, notamment sur Twitter avec le hashtag #Touchepasàmoninfo, pour tenter de peser sur les décisions de Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, déjà visée par une motion de défiance. L’association Fragil, défenseur d’une information indépendante et sociétale, se joint à ce mouvement de soutien.

Après la directive adoptée par le Parlement européen portant sur le secret des affaires en avril 2016, il s’agit d’un nouveau coup porté à l’investigation journalistique en France. Scandales de la dépakine, du levothyrox, du coton ouzbek (pour ne citer qu’eux), reportages en France ou à l’étranger sur des théâtres de guerre, à la découverte de cultures et de civilisations sont autant de sujets considérés d’utilité publique. Cela prend du temps et cela coûte évidemment de l’argent. Mais il s’agit bien d’éveiller les consciences, de susciter l’interrogation, l’émerveillement, l’étonnement ou l’indignation. Sortir des carcans d’une société de consommation en portant la contradiction, faire la lumière sur des pratiques, des actes que des citoyens pensaient impensables mais bien réels. Telle est « la première priorité du service public », comme le considère Yannick Letranchant, directeur de l’information.

En conclusion, nous ne pouvions passer à côté d’une citation d’Albert Londres ô combien au goût du jour, prix éponyme que des journalistes d' »Envoyé Spécial » ont déjà remporté : « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »


Valentin Gaborieau – Décembre 2017